Le Mouron Rouge

 

Par Alain Sanders*

Mille  deux cent trente huit pages : c’est la somme très précieuse réunie par les Presses de la Cité qui, dans leur collection « Omnibus », ont réédité toute la saga du Mouron Rouge écrite par la baronne Orczy.

Tout y est : depuis Le Mouron Rouge jusqu’à Le Mouron Rouge conduitle bal en passant par Le Serment (« I will replay »), Les nouveaux exploits du Mouron Rouge (« The elusive Pimpernel »), La capture du Mouron Rouge (« Eldorado »), La vengeance de Sir Percy («Sir Percy Hits Back »), Les métamorphoses du Mouron Rouge (« The way of the Scarlet Pimpernel »), Le rire du Mouron Rouge (« Lord Tony’s Wife ») et Le triomphe du Mouron Rouge (« The Triumph of theScarlet Pimpernel »).

On sait que sous le masque de l’implacable justicier qui, dans la France livrée à la Terreur, va combattre sans merci la police de Robespierre, se cache un aristocrate anglais, Sir Percy Blakeney, sorte de Zorro de la Révolution française. Mais qui se cachait sous la plume de la baronne Orczy ?

Eh bien, tout simplement Emma Magdalena Rosalia Josefa Barbara Orczy, née le 23 Septembre 1865 à Tana-Or (Hongrie). Dans les années de la fin du siècle dernier, quand une jeune fille hongroise voulait avoir une éducation « vieille Europe », elle apprenait le français puis l’anglais. Babara Orczy fera mieux : elle sera élevée à Bruxelles, puis à Paris, puis à Londres où elle suivra les cours de peinture de la West London School of Art et de l’Heatherly School of Art.

Le temps de parcourir encore l’Europe et un mariage en 1894 avec Montagu Barstow, un peintre de quelque renom. Douée pour la peinture, Barbara Orczy a surtout envie d’écrire des histoires. Et des histoires façon Conan Doyle qui, avec son Sherlock Holmes, son Watson et son Moriarty fait un malheur.

Les directeurs de ces dime magazines, ces magazines très populaires que l’on s’arrache lorsqu’ils paraissent, souhaitent donner une sorte de concurrent au détective de Baker Street. Barbara Orczy veut écrire ? Alors qu’elle imagine un policier aussi attachant que Sherlock ! lui propose-t-on. Comme elle est très bien élevée, la baronne Orczy ne crie pas « Banco ! » mais elle le pense très fort. Et elle s’applique à relever le défi .

La première aventure Le vieil homme dans le coin, paraitra en 1901 avec, en vedette, l’indestructible Bill Owen, dont vingt huit aventures seront publiées jusqu’en 1904.

En 1905, ayant le goût de tâter du théâtre, la baronne Orczy écrit une pièces The Scarlet Pimpernel (« Le Mouron Rouge »). Le succès est tel que la prolifique baronne décide d’adapter la pièce sous forme de roman. La pièce avait eu du succès ? Le roman sera un triomphe. Et les romans qui suivront connaîtront la même popularité assurant à l’auteur heureux la fortune et une notoriété qui ne s’est jamais démentie.

Cette notoriété trouvera son prolongement au cinéma puisque en plus de quelques films muets à partir de 1917, Leslie Howard (en 1934), James Mason (en 1938) et David Niven (en 1950) ont prêté leurs prestance à l’insaisissable ennemi des révolutionnaires.

La saga du Mouron Rouge, c’est du roman de cape et d’épée dans toute sa splendeur. Avec son héros, Sir Percy Blakeney, qui, jour après jour ridiculise Danton, Fouquier-Tinville, un policier particulièrement ignoble, Chauvelin, de jolies jeunes filles, des passions de la bravoure, des beaux sentiments.

Sir Percy Blakeney, horrifié par les massacres révolutionnaires, a décidé de se faire justicier masqué puisque son pa ys, l’Angleterre a refusé de marcher contre la chienlit révolutionnaire : « Burke avait épuisé toute son éloquence pour chercher à entrainer le gouvernement britannique à combattre la Révolution française, mais Pitt, avec sa prudence caractéristique, n’avait pas admis que son pays fût prêt à s’engager dans une nouvelle guerre coûteuse et difficile. C’était à l’Autriche de prendre l’initiative, l’Autriche dont la plus jolie des filles était alors une reine détrônée, emprisonnée, insultée journellement par les hurlements de la populace ».

Pour sortir les malheureux des griffes des terroristes, le Mouron Rouge – « Le Mouron Rouge travaille dans l’ombre, son identité est connue uniquement de ses compagnons immédiats sous le serment solennel du secret » – dont le pseudonyme est tiré du nom de l’humble fleur qui croit au bord des chemins joue au chat et à la souris avec Fouquier-Tinville. A chaqyez fois qu’un royaliste s’échappe, les guillotineurs reçoivent un papier sur lequel il y a en guise de signature, une petite fleur écarlate.

Autour du Mouron Rouge, une ligue de dix-neuf braves jeunes gens dont le devis est : « Obéir à notre chef et sauver les innocents ».

Par-delà les aventures du légendaire héros, la baronne Orczy a réussi à brosser une des plus remarquables peintures de la France révolutionnaire, entrainant le lecteur, au prix d’un suspense haletant, dans le Paris de l’horreur, courant du club des Cordeliers à l’auberge du Cheval-Borgne où s’arsouillent les représentants du sans-culottisme le plus pur, de la barrière de Ménilmontant au Théâtre national où l’on reprend Le Misanthrope.

Ils sont des dizaines de personnages – Lady Blakeney, née Marguerite de Sainte-Just, Juliette de Marny, Anne-Mie, Hector Colombe, Fleurette – à graviter autour du Mouron Rouge.Mais on aura une tendresse particulière pour les deux lieutenants de Sir Percy, Lord Antony Dewhurst et Sir Andrew Ffoulkes, lequel, dès la première aventure, épouse Suzanne de Tournay de Basserive, arrachée à la mort avec toute sa famille.

Quand elle oubliait un peu le très séduisant Sir Percy, la baronne Orczy revenait à ses amours policières. Avec le personnage de Monsieur Fernand, agent secret de Napoléon, par exemple Ou celui de Lady Molly Robertson Kirk, chef du département féminin de Scotland Yard. Mais quand elle mourut en 1947 à Monte-Carlo où elle s’était établie, la baronne avait acquis une gloire immortelle : celle d’être la créatrice d’un des plus formidables héros populaires, le Mouron Rouge, qui, pendant un demi-siècle, lui avait permis de vivre sans se faire trop de ..mouron.

 

Cinquante livres (et plus) que vos enfants doivent avoir lus, Alain Sanders, édition Godefroy de Bouillon

Related Articles