Jardins interdits !

Par Charles Chaleyat

Il est bien connu que manger des légumes est sain et parfois même délicieux. Nos mamans nous nous le répétaient, mais la maman d’aujourd’hui, par facilité ou surcharge de travail, nous abandonne à la fast food si bien nommé en franglais dans la patrie de la cuisine la plus élaborée du monde, soulignée par les vins les plus fameux de la planète ! Peut-être faut-il rappeler que Homo descend d’êtres essentiellement végétariens, même si de temps à autres chimpanzés ou babouins, nos cousins, chassent et mangent de la viande : la longueur de nos intestins est là pour le dire… Et Dieu sait combien de légumes, nous avons à disposition dont les couleurs et formes font les étals des marchands et autres jolis tableaux de la nature. D’autant que, depuis quelques années, ils se parent de légumes ‘oubliés’, d’antan’, aux noms d’avant-guerre : rutabagas, topinambours… ou de variétés soi-disant oubliées telles les tomates cœurs de bœuf, les carottes violettes, les navets boule d’or. Nous sommes tous tentés – dans le déferlement moderniste et la disparition de saveur des légumes courants : radis, oignons, navets, tomates ou la fadeur des pommes de terre – de piocher dans ces espèces et sous-espèces, dans l’espoir d’y retrouver le parfum de notre madeleine-à-nous : celui de l’enfance bienheureuse sans McDo ni pizzas où, la purée pressée (mashed potatoes comme disent si bien les anglais), les carottes râpées et les poireaux parfumaient  tables et cuisines. Comme ces collectionneurs de voitures qui se régalent de reconstruire – les doigts dans le cambouis – des Tractions-avant, des Hispano-Suizas ou des DeDion-Bouton pétaradant à 40 km/h… ou ces retraités remontant un vieux lavoir ou une église de village… nous adorons retrouver notre passé, ses gestes, ses fragrances, ses objets. Mais le passé dit-on aujourd’hui est à rejeter.

Sauf quand il peut servir à faire des affaires… Et certains, comme la multinationale Monsanto, toujours à l’affut, réutilisent ces nostalgies, en nous resservant des légumes soi-disant anciens, ceux dont nos instits en mal de dénigrement de la Royauté disaient que c’étaient des ‘racines’ que les paysans mangeaient, oubliant que c’était leur nom courant comme ‘les viandes’ ne désignaient pas la viande ni les ‘herbes’ celles des vaches.

Les magouilles de l’Europe et Monsanto…

Ainsi méfiez-vous des carottes violettes ou jaunes bien ou mal calibrées, elles sont nées des sélections de jardiniers, reprises par les industriels pour vous séduire et vous faire acheter beaucoup plus cher. Les tomates cœur de bœuf recréées  diffèrent des vraies car elles sont étonnamment trop régulières et dénuées de goût. Les topinambours jadis biscornus (à la grande joie des éplucheurs) sont aujourd’hui bien trop lisses. De plus pour vendre partout à tout le monde, c’est plutôt la fadeur qui est privilégiée: endives neutres, rutabagas itou, choux de Bruxelles fades, oignons doux…

Sachez-le. A moins de consommer les légumes d’un grand père jardinier qui aurait conservé ses graines d’une génération à l’autre, depuis un siècle, vous ne mangez plus de légumes anciens.

Sachez aussi que l’Europe comme les Etats-Unis souhaite vous interdire désormais d’avoir un potager et criminaliser la production de semences non-autorisées: on va confier le droit de semer et planter en exclusivité aux géants de l’agro-alimentaire, Monsanto ou Savéol. Fini le potager de grand père et le joli jardin de curé comme celui de milliers de nos contemporains.

De ces jardins, extirpons tout de suite les très mauvaises herbes !

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