Bécassine a 110 ans!

Le 2 février 1905 naissait le premier personnage féminin de la bande dessinée. Le moteur de recherche Google a rendu hommage à l’héroïne créée par Émile-Joseph-Porphyre Pinchon. Bécassine a 110 ans aujourd’hui. Du haut de ses albums, la toute première héroïne de la BD (toujours dessinée sans sa bouche) doit en rester sans voix.

Le 2 février 1905, en effet naissait Bécassine, dans le premier numéro de la revue La Semaine de Suzette. Sous le trait inspiré d’Émile-Joseph-Porphyre Pinchon et les histoires de Caumery (alias l’éditeur Maurice Languereau), cette petite Bretonne aura traversé le siècle sans jamais abdiquer sa proverbiale bonne humeur. À l’occasion de cet anniversaire, Google a créé un doodle spécial en hommage au personnage de bande dessinée.
Selon Marie-Anne Couderc, auteure de Bécassine inconnue (CNRS Editions, 2000), ce personnage, aujourd’hui irremplaçable, n’aurait peut-être jamais vu le jour si, à la veille du bouclage, une défection n’avait laissé une page blanche. La rédactrice en chef, Jacqueline Rivière, a eu l’idée de raconter une bévue de sa propre bonne qui était d’origine bretonne. Ayant improvisé un scénario intitulé L’Erreur de Bécassine, elle demande à un artiste peintre venu apporter ses planches, de le traduire en images. Pris au dépourvu, Émile-Joseph Porphyre Pinchon (1871-1953) s’exécute et s’enthousiasme rapidement.
Dans les semaines qui ont suivi cette première parution, les lecteurs séduits et amusés en ont redemandé. C’est donc sous l’impulsion de l’éditeur Maurice Languereau (1867-1941), qui signe par l’anagramme de son prénom, Caumery, que poursuivirent les aventures de cette intrépide jeune Bretonne au parapluie rouge, montée à Paris pour se mettre au service de la marquise de Grand-Air, toujours coiffée d’un bonnet blanc, et invariablement vêtue d’une jupe de feutrine vert foncée, surmontée d’une guimpe blanche, rehaussée d’un corset rouge.

b_et_loulotte_landeau_copie-500ac-41583Un tout petit nez et… pas de bouche
Le tandem Caumery et Pinchon invente ainsi une enfance à l’ingénue, et la font naître dans une métairie de Clocher-les-Bécasses, non loin de Quimper, sous le nom d’Annaïk Labornez. Elle tire son pseudonyme de son nez «si petit qu’on le voyait à peine», contrairement au bec des bécasses. Les parents de l’enfant en sont d’ailleurs plongés dans le désarroi, et s’inquiètent car, selon une croyance répandue, l’intelligence d’un individu serait en proportion de la longueur du nez. Voilà comment Bécassine se voit pourvue, d’emblée, d’un destin hors du commun.
Bécassine est une paysanne, à n’en pas douter. Elle possède un solide savoir de campagnarde. Elle peut parler en connaissance de cause du marché des pommes de terre qui monte, tandis que celui des cochons est en chute libre. Mais, c’est surtout une enfant qui a eu la malchance de voir le jour dans un milieu tout à fait fruste. Son père et sa mère l’aiment, c’est certain. Mais, très vite, elle va vouloir échapper à sa condition.
À l’image de bien des adolescents de sa condition, à l’époque, elle participe à l’exode rural vers la capitale: il s’agit pour toutes de trouver un emploi. D’où le fait qu’elle abandonne l’école primaire à l’âge de dix ans, décidée qu’elle est, à ne plus être à la charge de ses parents. Elle s’essaie tout d’abord au métier d’apprentie couturière au Palais des Dames, à Quimper, puis tente de devenir serveuse chez le restaurateur Bogozier, avant d’être embauchée par Mme de Grand-Air à Paris, avec la conscience d’obtenir là une grande promotion.
Bécassine est inculte, mais elle possède une énorme intuition et beaucoup d’imagination. Bébé, elle aura, par exemple, essayé d’attraper le reflet de la lune dans une bassine. Elle possède une logique à elle. C’est une héroïne totalement marginale, inclassable. Elle est gaffeuse. Elle fait souvent rire à ses dépens. Mais elle n’aura jamais fait de bêtises ou d’erreurs avec Loulotte, la petite orpheline recueillie par la marquise de Grand-Air, dont elle est successivement la nourrice et la gouvernante.

Une femme moderne
Bécassine est capable de prendre des initiatives. C’est une travailleuse acharnée. Elle comprend très vite l’importance du développement des sciences et des techniques, sans le redouter le moins du monde. Ce n’est pas une passéiste, elle adore parler au téléphone et apprend à conduire sa propre automobile, ce qui était rarissime pour une femme, à cette époque.
Elle effectue de grands voyages, aux Amériques chez les Indiens, en Turquie et en Angleterre. Elle prend deux fois l’avion. Elle prend part aux combats de son siècle, combats au sens strict dès lors qu’elle participe aux deux grandes guerres mondiales du XXe siècle. Elle est avant-gardiste et anticipe les avancées de l’émancipation féminine. Cela fait d’elle une moderne, mine de rien, sans son bonnet. Elle manifeste à tout moment son esprit d’indépendance. Et elle est un brin extravagante.
On a souvent dit que Bécassine était asexuée. Il n’en est rien. Bécassine, à certains moments, sait faire preuve de coquetterie. Elle possède trois tenues différentes, et elle a envie parfois de se mettre sur son trente-et-un, grâce à une superbe jaquette à damier noir et blanc, qu’on lui voit arborer dans Bécassine alpiniste (1924). Elle est pourvue d’une féminité discrète. C’est un personnage féminin, conçu par un homme, pour répondre à certains besoins masculins, calmer certaines craintes. Elle aura même quelques «flirts», notamment avec le major Tacy-Turn, qui «rougissant comme une jeune fille», embrasse notre héroïne, «non moins troublée».

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Pour ses 110 ans, une grande exposition de poupées, Bécassine dévoile les trésors de Loulotte sau Musée de la poupée à Paris, du 3 février au 26 septembre.

A l’occasion des 110 ans de Bécassine, le Musée de la Poupée-Paris met sous les feux de la rampe les trésors de Loulotte, personnage des aventures de Bécassine inspiré par la vraie Claude, fille unique de Maurice Languereau, l’éditeur du magazine La Semaine de Suzette, et de son épouse Yvonne, qui fut longtemps à la tête du rayon Bleuette. Poupées rares et anciennes, trousseaux, exemplaires de La Semaine de Suzette, éditions originales des albums de Bécassine, objets dérivés charmants et insolites, documents et photographies… plus d’un millier d’objets seront dévoilés au public, parmi lesquels la collection personnelle de feu Claude Canlorbe-Languereau, alias Loulotte. La visite s’adresse à tous : enfants d’hier nostalgiques de leurs poupées d’enfance, passionnés de couture et de mode, enfants d’aujourd’hui toujours sensibles au personnage de Bécassine, amateurs de bandes dessinées, collectionneurs de poupées, de jouets et de curiosa design…

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