Carbone est un film policier français réussi. Il propose une variation libre sur une histoire vraie, une arnaque à la taxe carbone, ou plus exactement au marché d’achat et vente des « permis de polluer ». Ce dernier terme étrange renvoie à un mécanisme complexe imposé par la Commission Européenne, dans le cadre de l’application stricte du Protocole de Kyoto imposée aux entreprises produisant dans l’Union Européenne, et dans les faits à elles seules au niveau mondial ; ceci crée du reste une lourde distorsion de concurrence en leur défaveur dans le cadre de la mondialisation. Le film décrit le milieu spécifique dans lequel s’est opéré le détournement de cet étrange marché, la mafia franco-israélienne. Toutefois, le film se limite au niveau de petits délinquants de Paris atteints de folie des grandeurs, qui se révèlent peu discrets et incapables de gérer vraiment un afflux massif d’argent mal acquis. Il y aurait vraisemblablement beaucoup à dire sur les grands parrains de cette mafia, poursuivis dans le monde réel dans le cadre de cette affaire, et réfugiés en Israël. Ces petits délinquants, effectivement arrêtés ou punis de façons diverses, n’auraient-ils pas été que le sommet trop visible de l’iceberg ? On ne peut s’empêcher de se poser la question.
Malgré cette interrogation fondamentale et persistante, il reste dans Carbone une intrigue policière réussie et, en apparence au moins, crédible. Sont aussi bien montrées les probables connexions entre mafias franco-israéliennes et des banlieues chinoises, sans que règne pour autant une improbable harmonie car les voleurs se volent aussi entre eux, surtout quand, en principe, personne ne préviendra la police. Le souci de crédibilité du film conduit parfois à montrer des mauvais lieux et à user de la langue réelle des bandits, qui s’expriment hélas de façon fort vulgaire.
Carbone : une curiosité à voir par un public adulte et averti
Au centre de l’intrigue se situe un père de famille juif, chef d’une petite entreprise industrielle et acculé à une faillite imminente. Au moment de l’étude détaillée des comptes, dans les documents du dépôt de bilan, il constate des recettes inattendues, bien qu’insuffisantes pour sauver son entreprise, procurées par la vente des fameux « permis de polluer ». Du fait de la baisse d’activité et du changement de carburant de ses camions de livraison, passés du diesel au GPL, son entreprise a donc, sans le savoir, réalisé une « empreinte carbone » plus réduite ; ont alors été générés ces fameux « permis de polluer », vendus par son comptable et ami sur le marché ad hoc. Le film illustre le fait que l’on ne peut pas se servir de mauvais moyens, monter une fraude sur un marché, pour une fin bonne, sauver une entreprise ; outre l’échec final prévisible, la question de la corruption morale croissante du fait de l’argent facile advient tôt ou tard.
Les personnages sont bien construits, y compris, chose importante les personnages secondaires. Petite curiosité, on peut voir Gérard Depardieu incarner un patriarche juif richissime, de façon crédible. Pour un public adulte averti, Carbone est donc une curiosité à voir.