Il y a, en politique, des hasards qui, sans doute, n’en sont pas. Hasards de calendrier, de révélations… C’est ainsi qu’une Ségolène Royal, vexée comme un pou d’avoir été ignorée et oublieuse de ses propres ratés (notamment le fiasco de l’écotaxe qui nous a coûté 1 milliard d’euros), dénonce le manque d’engagement écologique du chef de l’État. Ou bien qu’une députée LR, rapporteur spécial de la commission des finances, dénonce les dépenses somptuaires du cabinet du Premier ministre au moment où Nicolas Sarkozy donne une grande interview au Point – manière, peut-être, de faire oublier ses démêlés avec la Justice dans l’affaire Bygmalion.
Il n’en demeure pas moins que les chiffres rapportés par ladite commission ont de quoi laisser le contribuable sans voix, surtout à l’heure où on lui annonce de nouvelles ponctions sur son modeste budget.
Voici donc les faits marquants relevés par madame Christine Dalloz : « Alors que tous les ministres se voient imposer une réduction drastique de leur cabinet, les effectifs du cabinet du Premier ministre s’élèvent à 496 équivalents temps plein : 69 membres du cabinet, 427 personnes chargées des fonctions support », dit-elle. C’est huit fois plus, en moyenne, que les effectifs des autres cabinets ministériels mais encore bien moins qu’à l’Élysée, où quelque 850 personnes gravitent autour du chef de l’État.
Les dépenses de personnels concernant strictement les services du Premier ministre s’élèvent ainsi à 19 millions d’euros, « alors qu’elles ne comprennent que la moitié des effectifs, les autres personnels étant mis à disposition par différents ministères », souligne-t-elle. Et parce qu’il faut bien caser tout ce monde dans les palais de la République – question de prestige et de proximité, sans doute -, « ils sont répartis dans cinq hôtels particuliers du VIIe arrondissement de Paris dont les dépenses hors loyer atteignent 4,4 millions d’euros par an ».
À cela, il convient d’ajouter 70.000 euros de frais de représentation, des frais de déplacement pour un montant global de 4,1 millions d’euros, dont 3 millions pour les seuls vols ETEC (Escadron de transport, d’entraînement et de calibration), c’est-à-dire les avions gouvernementaux. Là encore, s’il faut compter le double pour l’Élysée, c’est toutefois sans commune mesure avec les autres ministères qui utilisent presque exclusivement le train. Enfin, il faut compter « les dépenses d’intendance de 2,3 millions d’euros, qui ne comprennent que les produits alimentaires, les prestations hôtelières et les vêtements ». C’est, encore une fois, sans commune mesure avec les autres cabinets ministériels (7 à 8 fois plus), et quasiment l’équivalent des frais de l’Élysée (2,6 millions).
Compte tenu des ratios entre ce ministère et les autres, il est possible que le budget global des dépenses ministérielles ne soit pas plus élevé qu’il l’était sous les précédents mandats, et madame Dalloz a beau jeu de dénoncer « ce manque de transparence qui crée la suspicion et alimente les scandales hautement préjudiciables à la confiance entre les citoyens et la classe politique ». On dira que c’est de bonne guerre, ou de bonne politique, sachant que notre Premier ministre est issu de son propre parti où il tient le rôle du traître de comédie.
Toutefois, on ne peut que s’interroger sur le bien-fondé de dépenses aussi faramineuses et la nécessité d’un personnel aussi pléthorique quand on opère des coupes sombres à côté au nom de la nécessaire restriction budgétaire. Cf. le ministère des Sports, amputé de 30 millions. On va financer les infrastructures pour accueillir les Jeux olympiques mais on n’aura plus de sportifs pour arracher les médailles…
Marie Delarue – Boulevard Voltaire