Bien loin d’être la « fête des morts », la Toussaint est l’occasion pour toute l’Eglise de s’unir à la joie des saints, connus ou inconnus, qui sont désormais auprès de Dieu dans un bonheur parfait. Leur joie fait notre joie. Parmi ces bienheureux du Ciel, sans aucun doute se trouvent certains de nos proches, défunts déjà entrés dans la joie du Paradis. Quelle consolation de les espérer auprès de Dieu !
Parmi ces saints du Ciel, l’Eglise en choisit certains pour nous les donner en exemple : ce sont ceux qu’elle « canonise ». Les derniers en date ont une triple particularité : ils sont français, ils sont les premiers époux à être canonisés ensemble et ils sont parents d’une sainte déjà canonisée ! Il s’agit bien sûr de Louis et Zélie Martin, les parents de sainte Thérèse de Lisieux. Ce choix de les canoniser ensemble n’est pas anodin : le Pape veut nous montrer que la vie conjugale et familiale, avec ses joies et ses épreuves, peut être un chemin de sainteté ! En terme d’épreuves, ils n’ont pas été épargnés. Lisez leur vie : vous retrouverez forcément tel ou tel point commun avec votre famille ou votre couple. Ils nous sont proches en ce sens. C’est la vie ordinaire d’une famille de notre pays, d’un couple de chrétiens. Mais cette vie, vécue avec foi et générosité, fut un pèlerinage vers le Ciel. Nous ne serons pas tous canonisés, mais nous sommes tous appelés à « cette sainteté de la fidélité du quotidien ».
Cette fête de la Toussaint est aussi l’occasion de nous rappeler cette grande vérité : nous sommes faits pour voir Dieu, un jour, nous aussi. Nous sommes faits pour cette joie du face à face ! Un jour, nous Le verrons, et nous comprendrons… Cette vocation éclaire le sens de notre vie terrestre et de tous nos engagements. Une vie réussie n’est pas une vie qui dure longtemps : cela, nous ne le maîtrisons pas. Une vie réussie est une vie donnée, vécue pleinement pour servir et aimer ; une vie toute orientée vers cette rencontre qui nous attend.
Le 2 novembre, puis tout au long du mois de novembre, nous prions pour ceux de nos défunts qui ont encore besoin d’être purifiés pour goûter pleinement cette joie des sauvés. Les âmes du purgatoire vivent dans la paix cette ultime étape de leur pèlerinage, car elles savent qu’un grand amour les attend. Prions pour nos défunts ! Notre prière hâte leur entrée dans la Jérusalem Céleste ! N’est-ce pas la plus belle des charités que nous puissions leur offrir ? Il est beau que l’Eglise nous enseigne ainsi que les liens de charité qui existaient entre nous demeurent au delà de la mort. Cette solidarité n’est pas détruite, elle est transformée. Nous entrons avec nos défunts dans une nouvelle forme de relation : une communion. Auprès de Dieu, ils prieront pour nous; sur terre nous prions pour eux. Nous continuons de les aimer, ils continuent de nous aimer. La mort n’a pas le dernier mot. Le dernier mot appartient toujours à Dieu… c’est notre Espérance !
La fête de la Toussaint
La langue française désigne par cet unique mot fort heureux la solennité collective de tous les saints. Cette fête ne remonte pas aux siècles primitifs du christianisme. Voici quelle en a été l’origine.
Gendre de l’empereur romain Auguste — qui régna de 27 av. J.-C à 14 ap. J.-C. —, Marc Agrippa fit élever à Rome, vingt-cinq ans environ avant la naissance du Christ, un temple superbe pour le dédier à son beau-père. Auguste n’ayant point accepté cet honneur, Agrippa dédia cet édifice à Mars et à Jupiter Vengeur, en mémoire de la victoire remportée par Auguste contre Marc-Antoine et Cléopâtre.
Plus tard, la déesse Cybèle et tous les dieux et déesses dont elle est la mère y eurent leurs statues en bronze, en argent, en or et même en pierres précieuses, selon l’importance de chacune de ces fausses divinités ; alors ce temple reçut, à juste titre, le nom de Panthéon, ou réunion de tous les dieux. Les décrets de l’empereur romain d’Orient Théodose le Jeune (408-450) contre les monuments de l’idolâtrie, avaient respecté ce magnifique édifice. On s’était contenté d’en extraire les impures idoles et d’en fermer les portes.
Mais plus tard, le pape Boniface IV (608-615) demanda à l’empereur byzantin Phocas (602-610) le Panthéon pour en faire une église. Sa demande fut accueillie, et en 610, le 13 mai, Boniface dédia le Panthéon au vrai Dieu, sous l’invocation de la sainte Vierge et des martyrs. Il y fit transporter vingt-huit chariots d’ossements des généreux confesseurs de la foi pris dans les divers cimetières de Rome, et dès ce moment le Panthéon prit le nom de Sanctæ-Mariæ ad Martyres. Par la suite cette église est nommée Notre-Dame de la Rotonde, à cause de sa forme ; en effet elle ressemble à un demi-globe dont la hauteur est presque égale à la largeur. Celle-ci est de cent cinquante-huit pieds de diamètre (près de cinquante-trois mètres). Le sommet de cette coupole ou dôme est percé d’une large ouverture qui éclaire seule l’intérieur du temple. Tout le pourtour de l’église est orné d’autels.
Le pape ordonna que tous les ans, à pareil jour, on célébrerait l’anniversaire de cette Dédicace. Néanmoins, comme on a vu, ce temple n’était pas destiné à y célébrer la mémoire de tous les saints. En 731, le fraîchement élu pape Grégoire III fit terminer dans l’église de Saint-Pierre, au Vatican, une chapelle en l’honneur du Christ Sauveur, de sa sainte Mère, des saints apôtres, martyrs, confesseurs et de tous les justes qui reposaient, pausantium, par toute la terre.
Cette chapelle serait donc le véritable berceau de la fête de la Toussaint. Un Office fut composé pour célébrer la nouvelle solennité. Insensiblement, à cause des rapports intimes de celle-ci avec la Dédicace de la Rotonde, ces deux fêtes n’en firent plus qu’une seule. Afin de donner aux fidèles plus de facilité pour la célébrer, on en fixa le jour à une époque où toutes les récoltes étaient terminées.
Ainsi du 13 mai assigné pour l’anniversaire de la Dédicace de la Rotonde, comme on le lit encore au Martyrologue romain, cette fête fut transportée au premier novembre, par le pape Grégoire IV (827-844). Ce pontife, se trouvant en France vers 835, engagea le roi de France et empereur d’Occident Louis le Débonnaire, fils de Charlemagne, à établir dans ses vastes états la fête qui jusqu’à ce moment était restée circonscrite dans Rome et ses environs. Elle s’étendit rapidement dans les autres royaumes, et, à dater du IXe siècle, l’Église latine solennisa, le même jour, le rite de la Toussaint. Il y avait néanmoins, avant ce temps-là, une fête de tous les apôtres, qui était célébrée le premier mai.
Le jeûne de la veille est prescrit dans un Concile depuis l’an 1022. Mais l’Octave (semaine de liturgie spéciale) ne fut établie qu’en l’année 1480 par le pape Sixte IV, qui plaça la Toussaint à un degré plus haut. La fête a toujours été chômée et le Concordat de 1802, en France, l’a retenue. Au dernier jour de l’Octave, à Paris et dans beaucoup d’églises, on célèbre la fête des Reliques. Le Rite de Rome n’en fait aucune mention. Le Missel de Noailles n’en parle pas davantage.
La vénération des reliques ne se trouve donc que dans le Rite de Vintimille. Le Canon de Prime, pour ce jour, y est extrait d’un Concile de Mayence, en 1549, qui parle du respect dû aux reliques des saints, mais ne fait aucune mention de la fête dont nous parlons. Elle se confond, il est vrai, avec le jour de l’Octave de la Toussaint, mais l’Office roule principalement sur les reliques. Nous trouvons dans le Missel de Noailles, pour le 4 décembre, une fête de la susception des saintes reliques, en 1194. La Messe en est à peu près la même que celle du 8 novembre, dans le nouveau Rite. C’est donc une simple translation, mais sous un titre plus général qui en fait une festivité nouvelle.