Le vice-chancelier allemand évalue à un million le nombre de migrants qui seront entrés en Europe fin 2015 et notre Cour des comptes estime que les dépenses liées au droit d’asile ont augmenté de 52 % en cinq ans, 700 millions pour la seule année 2013. Pratiquement dès la fondation du Front national en 1972, vous avez été le premier homme politique d’envergure à préconiser la lutte contre l’immigration, pour la préférence nationale et la relance de la natalité, comme en témoigne l’affiche FN de 1978 (« Un million d’immigrés = 1 million de chômeurs »). En 1998, vous avez publié un livre intitulé J’ai vu juste – hélas. Mais aviez-vous envisagé la submersion multiforme (Africains, Moyen-Orientaux, Asiatiques, Roms) qui menace aujourd’hui ce que vous appelez très justement l’Europe boréale ?
— En 1973, dans Le Camp des saints, Jean Raspail montrait une submersion transcontinentale et, à partir du décret sur le regroupement familial pris par le tandem Giscard-Juppé en 1976, la déferlante migratoire n’était plus un sujet de roman mais un phénomène parfaitement prévisible, en raison de la formidable explosion démographique en cours dans le Tiers-Monde. Savez-vous que le Nigéria, qui a déjà 174 millions d’habitants, en aura sans doute, selon les démographes, 440 en 2050 ? Mais, gouvernant toujours à court terme – « après moi le déluge » est un principe républicain – la classe politique n’a jamais prévu ce qui était prévisible. Aucune hypothèse de travail n’a été préparée pour la défense de nos territoires et de notre peuple. Au contraire, plus la menace se précisait, plus s’étoffait le catalogue social à l’usage des immigrés !
— Badinter constatait, bien sûr pour la déplorer, « la lepénisation des esprits », et cela en 1997, lors des débats parlementaires sur la loi Debré relative à l’immigration. Comment expliquez-vous cette évolution ?
— Il a été longtemps fait grief au Front national de traiter un certain nombre de sujets de manière discutable, et notre affiche de 1978 fut par exemple très critiquée comme excessive et caricaturale mais, quand le principe de réalité a finalement triomphé, le FN est devenu, et il est resté, « l’astre noir » de la politique française.
— On se focalise sur le voile, intégral ou non, mais le vrai problème est-il l’islam ou l’immigration ?
— Je ne suis pas antimusulman puisque, en 1957, j’ai soutenu le candidat Ahmed Djebbour dans une élection législative partielle de la Seine. Toutefois, islam et immigration sont liés puisqu’il y a une conjonction détonante entre la poussée de l’islam corrélative à la poussée démographique dans l’Oumma, de l’Algérie (40 millions d’habitants) à l’Indonésie (250 millions) en passant, comme je l’ai dit, par le Nigéria, l’Egypte… ou le Kossovo, où leur natalité a permis aux Albanais de devenir ultra-majoritaires face aux Serbes, frappés par ce qu’ils appellent la « peste blanche », la dénatalité. Beaucoup de ces pays en pleine expansion démographique ne disposent que d’une très faible surface arable, et la corruption de leurs gouvernements paupérise encore leurs ressortissants, qui ne voient d’autre issue que l’exil « vers le Nord » – notre Europe.
— Dans l’actuelle crise des réfugiés, la Turquie joue un rôle majeur et particulièrement pervers. Pourquoi, à votre avis, alors qu’elle prétend vouloir intégrer l’Union européenne, sur laquelle elle exerce d’ailleurs un odieux chantage, avec la complicité d’Angela Merkel, terrifiée par l’afflux de réfugiés qu’elle a pourtant elle-même suscité ?
— Chef du Parti de la Justice et du Développement, le Premier ministre nationaliste turc Necmettin Erbakan (1926-2011) m’avait confié, il y a près de vingt ans, que le seul désir de ses compatriotes était de recouvrer les territoires dont ils estimaient avoir été spoliés après la Grande Guerre. En Asie et en Europe, le monde turcophone comprend 180 millions de personnes. Actuellement, les îles du Dodécanèse, peuplées de vieillards, sont submergées de jeunes réfugiés musulmans venus de Turquie, ainsi que la Thrace orientale et la Macédoine. Ces contrées, et notamment le Dodécanèse riche en pétrole, sont-elles de simples étapes vers nos pays ou est-ce aussi, en raison du différentiel démographique, l’amorce d’une nouvelle colonisation, comme les Balkans et une partie des Carpates l’ont connue pendant des siècles ? Je m’interroge. Et je crains que Kos, Lesbos et les autres îles envahies ne soient jamais rendues aux Grecs. De même que le tiers de Chypre, occupé militairement et colonisé depuis l’été 1974 par Ankara qui, en 1983, l’a unilatéralement érigé en République turque de Chypre du Nord.
— Vous avez été maintes fois poursuivi et condamné à l’initiative du MRAP, de SOS-Racisme et de la Ligue des Droits de l’homme, notamment, pour avoir prédit le 19 avril 2003, dans Le Monde : « Le jour où nous aurons en France, non plus cinq millions mais 25 millions de musulmans, ce sont eux qui commanderont. Et les Français raseront les murs, descendront des trottoirs en baissant les yeux. » Nous n’en sommes heureusement pas à 25 millions mais déjà à 15 millions, selon l’ancien ministre villepiniste Azouz Begag. Adhérez-vous à la théorie du Grand Remplacement ?
— Oui, nous sommes dans cette perspective, car il y a un risque certain de submersion. Le verrou marocain tient encore mais, s’il saute, c’est toute l’Afrique occidentale qui déferlera, et les enclaves espagnoles de Ceuta et de Melilla, déjà assiégées, ne pourront pas résister longtemps.
— Selon la vulgate, la France s’enrichit intellectuellement et matériellement de la diversité. Que pensez-vous de ce dogme, alors que le niveau scolaire dégringole et que le chômage structurel s’aggrave, ainsi que le déficit abyssal des caisses de protection sociale ?
— Dans l’Education nationale, les conditions objectives de la transmission du savoir ne sont plus remplies quand des classes entières sont remplies d’éléments exogènes parlant à peine le français mais dotés d’un développement physique supérieur, qui s’ennuient, sèment donc le chaos, apprennent peu et, bien entendu, trouvent rarement un emploi au moment d’entrer dans la vie active.
— Le constat est accablant. Y a-t-il des solutions alors que, depuis des décennies, l’accueil à l’Autre est une ardente obligation ?
— Ce sera difficile car, pour la première fois, les invasions sont le fait de masses civiles et non pas militaires. Si j’étais au pouvoir, je dirais cependant aux immigrés potentiels : ne venez pas chez nous ; il n’y aura pour vous ni école, ni logement, ni allocations d’aucune sorte, ni soins, sauf en cas d’extrême urgence. Je réviserais également le Code de la nationalité avec suppression de la double nationalité, recriminaliserais l’aide à l’immigration illégale (délit supprimé par François Hollande et Christiane Taubira en janvier 2013) et proclamerais l’immigration zéro.
On nous parle sans cesse des principes de la République, mais il n’y a pas de République française sans nation française, cette grande oubliée de notre vocabulaire politique, de manière qui n’est pas innocente puisque tout est fait pour obtenir sa dissolution dans un ensemble européen multinational. A cet égard s’impose donc un réarmement moral total, ce qui sera évidemment difficile, car la société française traditionnelle avait été formatée par le catholicisme et surtout ses rites. Or, la rupture qui s’est manifestée depuis trente ans vient de celle du rituel. Mais, comme le diable porte pierre, le dynamisme de l’islam pourrait, par ricochet, provoquer un renouveau de notre foi ancestrale et de ses pratiques. Qui aurait imaginé les foules innombrables drainées par les Manifs pour tous contre la décomposition programmée de la famille, et donc de la nation française ?
C’est pourquoi je réclame un recensement vrai de la population française, puisqu’on applique à l’immigration le « logiciel Volkswagen », c’est-à-dire un logiciel truqué. Résultat, nous sommes victimes d’un mensonge collectif, d’un déni de la réalité. Procéder à une mobilisation générale, obliger à prendre des décisions drastiques, provoquer une prise de conscience dans l’opinion : telle a toujours été la mission fondamentale du Front national. Les dernières prises de positions de Marine Le Pen sont jean-maristes et même ultra jean-maristes, quand elle promet par exemple de « mettre l’islam radical à genoux ».
— Mais cette mobilisation est-elle possible dans une Europe qui vilipende la Hongrie pour son « inhumanité » face aux migrants, alors que les Magyars ne font que remplir leurs obligations communautaires en défendant les frontières de l’Union européenne comme, en 1945 et sporadiquement jusqu’en 1946, ils avaient opposé une résistance acharnée à l’Armée rouge ?
— Le drame de notre monde occidental est qu’on tire sur les pompiers et, de la part d’un Fabius, la critique de la Hongrie est d’autant plus scandaleuse qu’il se vante de défendre à Calais les frontières de l’Angleterre ! Vis-à-vis de l’UE, il faut quitter Schengen, mettre entre parenthèses certains articles des traités européens et rétablir les frontières en nous mettant en mesure d’assurer leur défense alors que toutes les mesures de défense sont réduites, paradoxalement, à mesure que les menaces augmentent.
— Mais Bruxelles nous condamnerait !
— Il ne nous resterait plus qu’à décider le gel des versements à l’UE. Aujourd’hui, tout le monde se réfère à De Gaulle. N’est-ce pas lui qui avait inauguré la politique de la « chaise vide », de juin 1965 à janvier 1966, pour protester contre l’abandon du principe de l’unanimité dans la prise de décision au profit de la règle majoritaire au sein du Conseil des ministres de la CEE ? Et l’enjeu est aujourd’hui si vital pour notre continent que certains de nos partenaires, qui aspirent eux aussi à un sursaut national, nous suivraient peut-être.
Propos recueillis par Camille Galic – Présent
Illustration: Jean-Marie Le Pen avec Vassia et Vanille.