Les délégués choisissent leur patron en chuchotant, au terme de quatre jours de « murmurationes ». Ce scrutin unique au sein de l’Eglise commence ce week-end. C’est une sacrée élection sans candidat ni campagne. A partir de demain, la Compagnie de Jésus, l’ordre religieux des jésuites dont est issu le pape François, réunit ses délégués au Vatican pour choisir son nouveau chef lors d’un conclave de quatre jours de « murmurationes », « chuchotements » en français. Pas moins de 215 délégués en provenance de 62 pays doivent trouver un successeur à l’actuel supérieur général démissionnaire, l’Espagnol Adolfo Nicolas, 80 ans. Quatre Français, âgés de 50 à 67 ans, prendront part à cet événement unique au sein de l’Eglise.
Avant le scrutin se déroulent d’interminables séances d’échanges pour faire connaissance. Seuls les tête-à-tête sont autorisés, d’où l’appellation des « chuchotements ». C’est le fondateur de l’ordre au milieu du XVIe, le Basque espagnol Ignace de Loyola, qui l’a voulu ainsi parce qu’il détestait les ambitions. Les jésuites, qui professent des vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, ne doivent jamais rechercher les honneurs. Lors des mumurationes, chacun peut demander à l’autre ses qualités et ses défauts, mais aussi des précisions sur un camarade pour savoir si, oui ou non, il est apte à assumer de hautes responsabilités. « C’est un temps d’écoute et de réflexion. L’un pose des questions, l’autre répond, avant d’inverser les rôles. Il n’y a pas de tabou, les informations peuvent être de tous ordres : sur la santé, la vie spirituelle, le tempérament… » décrypte le père Arnaud de Rolland, assistant du provincial, le responsable des jésuites en France.
Les discussions de groupe, qui pourraient encourager les clans malsains et les tentatives de lobbying, sont bannies. La propagande n’a pas droit de cité. A l’issue de ces quatre-vingt-seize heures de rendez-vous intensifs émergent quelques personnalités susceptibles de prendre les rênes de l’ordre religieux comptant 16 000 frères et prêtres dans le monde, dont 400 en France.
Vient ensuite la phase de vote à bulletins secrets. Chaque électeur désigne alors son représentant préféré. L’heureux élu est celui qui a récolté la majorité des voix. Lors du dernier scrutin, en 2008, Adolfo Nicolas avait été plébiscité à l’issue du second tour. La tradition veut que le pape soit informé en premier du verdict. Par le passé, c’est un messager qui était envoyé pour annoncer la nouvelle. Mais pour la première fois cette fois, c’est par téléphone que le souverain pontife sera alerté. La nomination ne devient officielle qu’après avoir reçu la « bénédiction » papale. François connaît parfaitement les rouages de cette élection. Le jésuite argentin a participé à deux d’entre elles avant de rejoindre le trône de Saint-Pierre.
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