Roubaix, une lumière (Bande-annonce)

 En s’inspirant du documentaire Roubaix, commissariat central de Mosco Boucault, le réalisateur Arnaud Desplechin nous entraîne dans la grisaille et les nuits de Roubaix, ville du Nord autrefois industrielle (textile) ayant vu l’arrivée successive de « migrants » polonais, italiens, portugais puis… maghrébins, tombée aujourd’hui en décrépitude. Une ville « abandonnée » où, derrière les maisons aux façades de briques rouges, alignées, comme il est dit dans la chanson, par souci d’égalité, la misère s’est abattue (45 % de taux de chômage). Bref, dans le Chnord, c’est pas la vie de château. D’autant qu’une génération spontanée de zones de non-droit a pris ses quartiers avec, par voie de conséquence, son lot de racailles, de trafics de drogue et d’« incidents ».

Une misère sociale qui offre son lot de détresse – fugues à répétition, alcoolisme, escroquerie à l’assurance… – et de faits divers qui s’enchaînent – voitures brûlées, altercations… Un quotidien auquel sont confrontés le commissaire Daoud (Roschdy Zem) – flic solitaire, humain, qui a grandi là, vu la ville de son enfance se dégrader au fur et à mesure et sa famille retourner au bled – et ses hommes et femmes sous ordres. Des flics qui font avec les moyens du bord et qui, depuis longtemps, n’ont plus dans les yeux le soleil et le bleu qu’ils n’ont pas dehors.

Pour eux, les enquêtes se suivent et se ressemblent jusqu’à cette nuit de Noël où un incendie ravage la maison d’un quartier désolé de la ville. Un sinistre qui va s’avérer d’origine criminelle d’autant que dans les décombres le corps d’une vieille dame portant des marques de strangulation est découvert. Personne n’a rien vu ni entendu. Pas même Claude (Léa Seydoux) et Marie (Sara Forestier), deux jeunes paumées voisines de la vieille dame. C’est pourtant sur elles que le commissaire Daoud porte ses soupçons. Deux désœuvrées aux récits contradictoires qu’il va « cuisiner » en garde à vue afin de rétablir la vérité et de retourner sillonner les rues de la ville sans joie.

Les misérables ! Avec ce film à mi-chemin entre la fiction et le documentaire, Arnaud Desplechin signe une chronique criminelle réaliste au cœur de l’âme humaine et d’une ville poudrière – parmi tant d’autres sur le territoire français – qui n’attend qu’une étincelle pour s’embraser. Un drame social servi par un Roschdy Zem charismatique en commissaire qui cherche un morceau d’humanité, une lumière, derrière chaque détresse humaine. D’où un « noir c’est noir » envoûtant à des années-lumière des Chtis de Dany Boon. •

Pierre Malpouge – Présent

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