La mise en place du second Empire, permettant le retour d’un Bonaparte à la tête de l’Etat, constitue, sous divers aspects, un tournant majeur pour le devenir de la Corse, région périphérique mais hautement symbolique pour le régime impérial.
Dans une île en proie à d’importantes difficultés économiques, le neveu de Napoléon Ier incarne l’espoir et la modernité. Son arrivée au pouvoir, conjuguée à l’attachement populaire au souvenir napoléonien et à l’illustre dynastie, ouvre aux représentants de grandes familles insulaires de nouvelles perspectives d’ascension sociale.
Avec l’installation du régime de Napoléon III, la Corse va saisir l’opportunité de s’exprimer par le biais de consultations, se matérialisant sous la forme de rapports, états, lettres impériales et comptes-rendus de conseils…, mais également sous la plume de personnalités, agronomes ou notables corses, qui font entendre leurs voix. Ces dernières, s’efforçant de sensibiliser les autorités nationales impériales à la grande misère qui y sévit et la possibilité d’y remédier avec grand profit, ne cessent de plaider la cause de l’île en faisant valoir l’énorme potentiel dont elle dispose.
Cet appel, entendu depuis la capitale, se concrétise par une volonté, affirmée par le pouvoir, d’ouvrir la Corse au progrès et des moyens seront donnés pour y lancer un véritable développement économique.
Durant le second Empire, la Corse se transforme et évolue dans de nombreux domaines. En effet, dans le mouvement de spécialisation des régions lié au développement des moyens de communication, la Corse semble trouver sa place, au même titre que la Côte d’Azur (ou le pays Basque), comme destination touristique hivernale internationale, profitant d’une image romantique (ouvrage de Prosper Mérimée). Dans ce contexte, le tourisme devient florissant. A deux reprises, des membres de la famille impériale se rendent en Corse (1860 et 1869). De nouvelles lois sont promulgées pour assurer la mise en valeur du territoire : création des pénitenciers agricoles, d’une société d’agriculture, d’une école d’agriculture, de concours agricoles, encourager les industries et les expositions, favoriser le commerce : création de banques, d’un comptoir de la Corse, amélioration des capacités portuaires et enfin, permettre des améliorations sociales par le biais notamment du recul du banditisme et de la prohibition des armes.
C’est durant le second Empire que le culte napoléonien s’intensifie (aménagement de la maison Bonaparte en musée, inauguration de la chapelle impériale). Des réalisations de prestige transforment le paysage urbain à l’image d’érection de statues dans les villes (Napoléon Ier, le général Jean-Charles Abattucci, ou encore Arrighi de Casanova, duc de Padoue). Des travaux d’intérêt public, symbolique et politique, sont programmés et lancés (tribunaux, hôpitaux, développement du réseau routier… ).
D’un point de vue politique, le régime de Napoléon III offre l’opportunité à quelques représentants de familles insulaires d’insérer les sphères du pouvoir dans l’entourage de l’Empereur. Il est ainsi une époque charnière dans l’intégration de l’île à l’ensemble national.
Mais ce processus laisse apparaître en contre-point, une forte résistance culturelle. Les actes de l’administration demeurent encore, en grande partie, rédigés en italien. Les liens économiques avec la péninsule voisine restent forts, tant du point de vue économique qu’humain et politiques. Ainsi, entre 1851 et 1870, la Corse est une terre d’accueil pour tous les réfugiés politiques transalpins luttant en faveur du Risorgimento. Le mode de vie des insulaires, forgé depuis des siècles par les goûts italiens, subit l’influence française à travers la vague du style Second Empire qui caractérise les arts décoratifs de cette période. Pétris de culture italienne, les artistes et les élites corses – notamment bastiais – rassemblés autour de la figure charismatique du poète Salvatore Viale, participent à un vaste mouvement intellectuel mettant en valeur l’histoire de l’île (sur le modèle de la Storia patria italienne) et ses racines culturelles italiennes.
Dans l’historiographie de la Corse, le Second Empire fait figure de parent pauvre. Aucune étude synthétique sur le sujet n’a jamais été publiée. Les quelques travaux existants n’explorent que partiellement l’influence du régime impérial en Corse.
L’exposition temporaire Corsica imperiale, Napoléon III et les Corses (1851-1870) et son catalogue doivent permettre à la fois d’apporter un éclairage plus en profondeur, mais également de combler un vide historiographique. Des sujets aussi variés que complémentaires, relevant à la fois de l’histoire sociale, économique, culturelle et politique seront traités.