Une récente note de l’IFOP a provoqué l’émoi chez les commentateurs : les catholiques pratiquants sont de plus en plus (et majoritairement) réfractaires à l’immigration en général, et à l’islam en particulier. Cela confirme leur radicalisation politique. Ainsi, leur tropisme droitier reste-t-il inchangé. Mais alors qu’ils étaient presque totalement fermés au FN dans les années 1990, leur vote en sa faveur s’est accru de manière spectaculaire ces dernières années (même s’il reste encore, dans cette catégorie sociale, en deçà des scores nationaux de ce parti).
Les catholiques pratiquants sortent, depuis une dizaine d’années, de leur torpeur. Pendant des décennies, ils avaient été absents du débat politique en raison d’un double phénomène de dissolution : affaiblissement numérique (effondrement des vocations sacerdotales et de la pratique des fidèles) combiné à un affadissement doctrinal (ralliement, démocratie chrétienne). Or, les mirages idéologiques qui les paralysaient sont en train de s’évaporer :
– le refus d’inscrire les « racines chrétiennes » dans le traité établissant une Constitution pour l’Europe a révélé la fable du projet chrétien de construction européenne ;
– l’accélération des mesures progressistes en matière de mœurs (mariage homosexuel) et de bioéthique (expérimentation sur les embryons humains) a prouvé l’incohérence de l’association du libéralisme (économique) et du conservatisme (sociétal), le premier imposant toujours sa logique au second ;
– le redoublement de la persécution des chrétiens en Orient et en Afrique ainsi que la multiplication des agressions et des attentats en France (en particulier l’assassinat d’un prêtre) ont illustré l’escroquerie intellectuelle de la convergence des prétendues « trois religions du Livre » et l’incapacité de l’islamisme à cohabiter pacifiquement avec d’autres cultes.
Tandis que nombre de Français, indépendamment de leur pratique religieuse, considèrent la visibilité du catholicisme comme un enjeu identitaire (d’où leur soutien aux crèches de Noël dans l’espace public), les catholiques pratiquants osent de nouveau affirmer leurs valeurs politiques (sociabilité naturelle, principe de subsidiarité, justice rétributive). Mais leur réveil politique est brutal. Car ils se rendent compte que, converties à la modernité (constructivisme politique, indifférentisme culturel), les élites censées les représenter (la quasi-totalité des élus) et même les guider (un assez grand nombre de religieux) favorisent le multiculturalisme au détriment des traditions françaises et, en premier lieu, du catholicisme.
Reprenant conscience de leur identité, nombre de catholiques se dégagent d’une confiance déraisonnable et d’une obéissance aveugle. Ils se libèrent, peu à peu, autant des intimidations moralisatrices assenées par des politiques (il ne serait pas charitable de ne pas être ouvert à la diversité du monde) que des contresens politiques proférés par des ecclésiastiques (la mise sur un pied d’égalité d’une démesure illégitime pouvant être commise par des chrétiens avec une violence légale inscrite dans l’ADN de l’islamisme).
Les voilà donc, en politique, quasiment orphelins. Car, en dénonçant le très réel matraquage fiscal dont les familles pâtissent, la droite modérée croit répondre à leurs attentes mais reste dans le domaine de l’avoir (le niveau de vie) en oubliant la question cruciale de l’être (le mode de vie). Quant au Front national, il semble que certains de ses dirigeants s’ingénient à les dissuader de le rejoindre par des déclarations (authentiques dérapages) banalisant l’avortement ou préconisant un laïcisme forcené (à propos du port de signes religieux).
Plus fermes qu’auparavant dans leurs positions, les catholiques pratiquants sont susceptibles de devenir un électorat flottant pouvant varier en fonction de l’offre et des enjeux. Dans l’état actuel des choses, leur vote ne semble pouvoir exprimer qu’un choix faute de mieux. Étant un peu moins de 15 % du corps électoral, les catholiques pratiquants ne peuvent pas faire à eux seuls une victoire ; mais ils ont assurément la capacité de provoquer une défaite. Il ne tient donc qu’à eux de ne pas se disperser et de s’organiser pour le faire bien entendre de tous les politiques.