Des journalistes poursuivis pour trahison après la publication de documents du renseignement intérieur!

Plusieurs journalistes et responsables politiques ont dénoncé une atteinte à la liberté de la presse vendredi en Allemagne, après l’ouverture d’une enquête préliminaire pour “haute trahison” visant un blog qui a publié des documents du renseignement intérieur. Cette enquête vise deux journalistes de Netzpolitik.org, un blog allemand spécialisé dans la défense des droits numériques, soupçonnés d’avoir publié des documents relevant du secret d’Etat. Si la procédure judiciaire se confirme, ils encourent entre un an de prison et l’emprisonnement à vie.
Le motif de “haute trahison” n’avait plus été utilisé contre les médias en Allemagne depuis les années 1960. Pis, l’imbroglio judiciaire intervient alors que le pays s’interroge sur le degré de collaboration des services secrets allemands à la surveillance numérique orchestrée par l’agence de renseignement américaine NSA, et révélée par l’activiste Edward Snowden. L’Association des journalistes allemands a dénoncé une “tentative inadmissible de réduire au silence deux collègues critiques” et a appelé le procureur fédéral, compétent pour les affaires d’espionnage, à classer l’enquête.
“Nous ne nous laisserons pas intimider”, ont pour leur part répliqué les deux journalistes de Netzpolitik, dont le fondateur Markus Beckedahl. M. Beckedahl s’en est même pris au gouvernement allemand, en assurant à la télévision publique ARD que de nombreux signes indiquaient que Berlin était “enfoncé jusqu’au cou dans le bourbier de la NSA et compagnie”.
Son blog a déjà été récompensé en Allemagne pour la qualité de son travail d’investigation. Il avait publié en février et en avril des documents dévoilant les projets de l’Office de protection de la constitution (renseignement intérieur) pour renforcer sa surveillance en ligne. Le directeur de l’agence, Hans-Georg Maassen, avait alors porté plainte.
L’enquête enrage également l’opposition. Il s’agit d’une “disgrâce constitutionnelle”, a dénoncé la député des Verts Renate Künast, présidente de la commission des affaires judiciaires du Bundestag. “S’il n’y avait pas de journalisme d’investigation, nous ne saurions rien”, a-t-elle fulminé. Plusieurs éditorialistes s’offusquent vendredi, en comparant la procédure à “l’affaire du Spiegel”, symbole de la liberté de la presse en Allemagne.
Accusé de trahison, l’hebdomadaire avait vu ses locaux fouillés par la police et ses responsables arrêtés en 1962, à cause d’un article révélant des lacunes dans l’armée allemande. Un tribunal avait ensuite désavoué les pouvoirs publics, et le ministre de la Défense de l’époque avait démissionné. La presse allemande rappelle aussi l’histoire funeste de l’accusation de “haute trahison”. Elle était instrumentalisée au 19e siècle par le premier chancelier, Otto von Bismarck, et ensuite par les nazis sous la République de Weimar, pour combattre leurs opposants politiques.

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