Manuels scolaires “normalisés” pour mieux saboter l’école!

Notre source nous prévient, elle veut nous dévoiler le prochain coup fomenté par le ministère de l’Education nationale, mais souhaite rester anonyme. Et pour cause : en plus d’être professeur de français au collège, elle est auteur de manuels scolaires. « Avec les changements de programmes, les éditeurs doivent évidemment mettre à jour leurs manuels scolaires, afin de les mettre en conformité avec les nouveaux programmes » , nous confie-t-elle. Jusqu’ici, rien de plus normal. Ce toilettage annuel est à la fois une tradition et un juteux business pour les éditeurs. La nouveauté, c’est que « la Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) essaie d’imposer aux éditeurs scolaires une charte qui les oblige à faire un type, et seulement un certain type, de manuels. »

Concrètement, qu’est-ce que cela changerait ? « Jusqu’à aujourd’hui, poursuit notre interlocutrice, les manuels scolaires ont toujours été de formes très variées. Ce sont des choix pédagogiques qui relèvent des auteurs en accord avec leur éditeur. Cette pluralité permet d’offrir aux professeurs de chaque discipline une variété pédagogique dans les approches possibles. Ce que veut faire la Dgesco, c’est imposer dans toutes les disciplines des manuels de cycles. » Qu’est-ce à dire ? « Il faudrait publier dans un seul volume l’ensemble d’un cycle, c’est-à-dire un volume pour CM1-CM2-6e et un autre pour 5e-4e-3e » Déjà qu’élèves et parents se plaignent chaque année des cartables toujours plus lourds, on se dit que ce n’est pas près de s’arranger avec des manuels qui couvrent trois années en même temps. Mais passons, là n’est pas le principal problème…

La manœuvre cacherait une volonté plus pernicieuse de la part du ministère : une volonté d’imposer un type d’organisation par discipline. « En français, c’est ce que l’on appelle le “travail en séquences”. Pour vous donner un exemple concret, l’obligation de travailler en séquences, cela signifie qu’il ne faut plus faire de leçons de grammaire en bonne et due forme, mais à la place glisser des “remarques” sur la grammaire au moment où l’on étudie des textes. C’est quelque chose de complétement décousu, pas du tout méthodique. Si j’étudie une scène de Molière, je peux faire une remarque sur la conjugaison du présent parce que c’est un dialogue où les personnages se parlent au présent, une remarque sur la manière de ponctuer les phrases… »

L’ORGANISATION DES MANUELS A POUR BUT DE RENDRE MATÉRIELLEMENT POSSIBLE LA DÉSORGANISATION DE L’ENSEIGNEMENT VOULUE PAR LA RÉFORME

En plus des dommages sur l’apprentissage du français que l’on saisit aisément, cela va avoir des conséquences directes sur la manière dont les professeurs exercent leur profession. « Il va y avoir une uniformisation des pratiques, imposée par le contrôle des outils que nous utilisons en cours, regrette ainsi notre enseignante, Il n’y aura plus de liberté pédagogique au sens plein du terme. » Ce qui est pour le moins paradoxal quand on sait que Najat Vallaud-Belkacem a basé sa communication sur l’autonomie et la liberté dont jouirait le corps enseignant grâce à sa réforme du collège…

Cela aura bien sûr des conséquences dans d’autres matières, comme l’histoire par exemple. On pourra ainsi très bien décider d’étudier la Révolution française en CM1 et le Moyen-Âge, qui se situe chronologiquement avant, au CM2. On comprend dès lors pourquoi les manuels scolaires doivent devenir des sortes d’énormes catalogues qui mélangent tous les cours que les élèves pourront avoir entre le CM1 et la 6e et entre la 5e et la 3e, que ce soit en français, en histoire-géographie, en maths aussi, etc. On le voit : l’organisation des manuels a finalement pour but de rendre matériellement possible la désorganisation de l’enseignement voulue par la réforme !

Les éditeurs confirment à demi-mot (il s’agit de ne pas de se fâcher avec la rue de Grenelle…). « Le ministère est très attaché à ce que la réforme trouve un point d’appui dans les manuels scolaires », confesse ainsi Sylvie Marcé, directrice des Editions Belin et présidente du groupe des éditeurs scolaires au Syndicat national de l’édition, qui a le mérite d’oser nous répondre sur le sujet. « Notre préoccupation, c’est d’appliquer les orientations du ministère de l’Education. Nous nous attachons à répondre à leur inflexion. Et nous sentons assez fortement l’importance de traduire ces notions de cycles. Sur la forme finale que prendra la réflexion du ministère, nous n’en savons pas plus. »

Ce dont nous sommes sûr, c’est que nos élites s’échinent depuis des années à flinguer l’école. Un peu de patience et elles toucheront bientôt au but…

 

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