Destino est un film d’animation franco-américain de Dominique Monféry, issu d’une collaboration inattendue entre Walt Disney et Salvador Dalí. Il fut d’abord ébauché lors de la rencontre entre les deux hommes, qui se vouaient une admiration réciproque, puis repris et achevé bien après la mort de Dali, en 2003. Ce film fut le dernier court-métrage du studio Walt Disney Animation France de Montreuil avant sa fermeture.
En 1946, l’art de Salvador Dalí et les dessins de Walt Disney fusionnent à l’occasion du projet de dessin animé Destino. La collaboration entre Dalí et Disney se matérialise par un contrat de travail d’une durée de deux mois qui est signé le 14 janvier 1946. Durant cette période, Dalí travaille effectivement aux Disney Studios de la ville de Burbank, Californie, créant les dessins pour Destino. Interviennent également dans le processus deux collaborateurs de Disney, John Hench et Bob Cormack, avec lesquels Dalí conçoit et travaille les images destinées à illustrer l’histoire d’amour que raconte le film.
La source d’inspiration pour le projet de Dalí et Disney est la chanson mexicaine d’Armando Domínguez intitulée Destino. Ses paroles donnent corps à l’argument du film et la musique accompagne les images à tout moment. Par le biais du dessin animé, Destino vise à expliquer et pointer l’importance du temps lorsqu’on attend que le destin intervienne dans sa vie. L’histoire d’amour entre une danseuse et le joueur de baseball/dieu Chronos est le fil conducteur grâce auquel nous sont relatées les multiples péripéties qui doivent se produire avant que le destin se manifeste.
Dans Destino, Dalí parcourt une fois encore sa propre iconographie, son imagerie la plus personnelle, faisant usage du paysage de l’Empordà et des doubles images pour les transposer et les travailler dans le langage neuf des dessins animés. La combinaison des doubles images avec les transformations d’objets, de même que les références constantes à des œuvres, illustrent un monde de rêves où se mêlent les dessins débordants de personnalité de Disney et l’imaginaire surréaliste dalinien. Dalí lui-même explique qu’avec Destino il tente de donner un «exposé magique des problèmes de la vie dans le labyrinthe du temps ». Et il en décrit une séquence de façon tout à fait explicite: « […] l’ombre de la cloche se confond avec la silhouette de la jeune fille et toutes deux se mettent à danser. Sculptée sur la pyramide, la tête de Chronos se libère de la pierre et commence elle aussi à danser, tentant de refouler une pluie de monstres qui tombent du ciel. Chronos écarte les monstres de son corps, et un trou s’y forme chaque fois qu’il se débarrasse de l’un d’eux ».
De fait, si l’on considère qu’une des constantes daliniennes est le rapprochement entre l’idée artistique élitiste et la culture de masse, ou vice-versa, la collaboration que l’artiste établit là avec Disney amène deux langages doublés de grandes inquiétudes à se rencontrer. Destino en devient un produit artistique unique où l’expressivité dalinienne s’allie à la fantaisie et à la sonorité de Disney, un film où les images de Dalí prennent vie et les figures de Disney se dalinisent.
Le film devait à l’origine durer entre 6 et 8 minutes et faire partie d’un package film, c’est-à-dire un long métrage composé de plusieurs épisodes ou de récits de courte durée. En 1946, Destino ne fut pas achevé, on n’en tourna qu’une séquence expérimentale de 15 secondes. Il est probable que le conflit de la seconde guerre mondiale et la pénurie budgétaire concomitante ne contribuèrent pas à mener le projet à terme. Finalement, en 2003, grâce aux efforts de différentes institutions, Disney en tête, il est décidé de reprendre le projet ; on retrouve les ébauches et les premières idées sur lesquelles reposait le film. Destino devient enfin une réalité que pourra contempler et apprécier un large public, comme ses créateurs originels l’avaient souhaité.
Bien que Disney possède la plupart des dessins, ainsi que 5 peintures que Dalí et les collaborateurs des studios Disney ont réalisé pour Destino, la Fundació Gala-Salvador Dalí conserve plusieurs esquisses et croquis pour les images du film que l’artiste avait conservés par-devers lui. Il s’agit essentiellement d’études préparatoires au crayon et à l’encre sur papier végétal, fort peu connus, provenant de cahiers où Dalí dessinait et redessinait les images qu’il avait en tête, dans un processus créatif concentré et passionné assez révélateur de l’enthousiasme que le projet suscitait en lui.
Source