La constitution du 04-12-58 : l’article 3 implique que tous les pouvoirs sont exercés par les organes qui représentent la nation et seulement par ceux-ci. Cet article exclut donc expressément tout autre mode d’exercice des pouvoirs, et l’instauration de toute procédure de consultation populaire – qu’elle soit permanente ou qu’elle porte sur un sujet déterminé – nécessite la révision préalable de la constitution.
Dans les matières non réglées par la constitution, toutefois, des pouvoirs locaux par exemple (communes et provinces) peuvent organiser des « consultations populaires », purement consultatives, sur des sujets d’intérêt local.
En revanche, le régime politique français n’a jamais pratiqué jusqu’en 1958 le référendum législatif. Ce refus de recourir au référendum en dehors de circonstances historiques exceptionnelles s’inscrit dans l’évolution d’un système politique qui privilégie l’exercice de la souveraineté par les représentants que la nation se donne :démocratie » ultra représentative » désormais !
Tournant le dos à ce passé contesté, la Constitution du 4 octobre 1958, en son article 3, 1er alinéa, paraît ouvrir toute grande la porte du référendum : « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Mais dans la suite de la Constitution, le référendum fait l’objet de dispositions plutôt restrictives. Ces dispositions initiales ont cependant été modifiées par quatre révisions constitutionnelles (1995, 2003, 2005 et 2008) susceptibles, si elles sont mises en œuvre, de donner au référendum une nouvelle jeunesse.
Législatif
L’article 11 organise le référendum législatif. Ce référendum se définit par un domaine que la révision constitutionnelle du 4 août 1995 a substantiellement étendu, le rôle central du Président de la République dans la mise en œuvre de la procédure, et enfin l’immunité juridictionnelle dont bénéficie la loi référendaire.
La révision du 4 août 1995 supprime ce qui n’avait plus d’existence et introduit les « réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent « sans pour autant se prononcer sur « les garanties fondamentales des libertés publiques » (peut-on par exemple se prononcer sur l’organisation du secteur public de l’audiovisuel en ignorant la liberté de communication ? Ou sur le fonctionnement des services publics sans rencontrer le droit de grève ?
Procédure
Il appartient soit au gouvernement, soit aux deux assemblées par une proposition conjointe, de demander au Président de la République (seul maître de sa décision) l’organisation d’un référendum qui, en tout état de cause, ne peut porter que sur un projet de loi (ce qui signifie « qui impose en plus un filtre parlementaire » !).
La révision de 1995 a ajouté une disposition selon laquelle le gouvernement, quand il est à l’origine d’une proposition de référendum, doit faire devant chaque assemblée une déclaration qui sera suivie d’un débat (sans vote, mais gardant la possibilité d’une motion de censure).
La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a ouvert la voie à une participation populaire à l’initiative du référendum, donc non à un référendum d’initiative populaire ; la nuance est importante !
Le Conseil Constitutionnel ne se reconnaît pas compétent pour statuer sur la conformité d’une loi référendaire à la Constitution, au motif -principal- qu’une telle loi constitue l’expression directe de la souveraineté nationale (décision du 6 novembre 1962, confirmée par la décision du 23 septembre 1992). D’où le paradoxe d’une loi référendaire « hors hiérarchie des normes », mais qui peut cependant être modifiée par une loi parlementaire dès lors que son contenu appartient au domaine législatif ordinaire.
Cette compétence contentieuse peut exceptionnellement s’exercer a priori et à postériori : contrôle de constitutionalité, d’organisation et sur les résultats. Pour participer à une telle consultation les électeurs la demandant doivent représenter 1/10ème de la totalité des électeurs, soit près de 5 millions actuellement !
La démocratie directe reste donc sous tutelle de la démocratie représentative, ce qui n’est pas tellement étonnant quand le mot d’ordre de la révision de 2008 était le renforcement de l’institution parlementaire, ce qui justifie aussi le filtre parlementaire ! Il faut y avoir là une confiscation du pouvoir par les élites (si élites il y a ?) et un refus de rendre la parole au peuple !
Comparons avec la Suisse
En Suisse il y a 3 niveaux de vote, confédéral, cantonal (le canton est un groupement de communes) et communal. La Suisse est un Etat démocratique, il se caractérise par unedémocratie semi-directe,
> > > L’initiative populaire est un droit civique suisse, permettant à un nombre donné de citoyens ayant ledroit de vote de faire une proposition et de la soumettre à la votation populaire pour qu’elle devienne une loi[1].
> > > Ce droit existe aux trois niveaux de la politique nationale : au niveau fédéral pour proposer une modification de la Constitution, aux niveaux cantonal et communal pour proposer la modification d’une loi existante ou la création d’une nouvelle loi.
> > > Cette forme d’initiative populaire peut aller jusqu’à la demande de révision totale de la constitution ![2Il est également possible de soumettre une initiative pour une modification partielle de la Constitution.
> > > Ce type d’initiatives populaires doit suivre un processus bien défini : après une période de 18 moispendant lesquels 100 000 signatures doivent être récoltées, l’initiative est déposée à laChancellerie fédérale qui la valide.
> > > L’Assemblée Générale peut l’annuler au cas où elle ne respecterait pas les règles (unité de la forme, unité de la matière, règles du droit international). L’Assemblée peut proposer un contre-projet pouvant être assorti d’une recommandation.
> > > Pour une population de 8 millions d’habitants en Suisse (soit huit fois moins qu’en France !), un référendum d’initiatives populaire n’exige que 100 000 signatures !
> > > En conservant le même pourcentage 12 500 signatures par million d’habitants la France ne devrait exiger que 12 500 X 64 =900 000 signatures et supprimer tout filtre, lorsque la demande respecte les formes et le droit international !
> > > En s’alignant sur la Suisse, en ce qui concerne un référendum cantonal (groupement de communes en Suisse) ou communal, les nombres de signatures demandées devraient ne pas dépasser, respectivement, quelques dizaines de milliers !
> > > Les 26 cantons de Suisse sont autonomes constitutionnellement, libres de leur propre administration (sur les plans administratifs, législatif, judiciaire, fiscal) mais il leur est interdit d’adopter une forme de constitution qui ne corresponde pas aux règles de la démocratie (acceptée par le peuple avec possibilité de modification).
> > > Un certain nombre de domaines sont gérés au niveau cantonal (hôpitaux, routes cantonales, police ….). Les cantons peuvent conclure des conventions inter-cantonales.
> > > Les cantons sont subdivisés en communes, environ 2500 les composent. Leur autonomie dépend des différentes constitutions cantonales.
> > > Les cantons laissent beaucoup de libertés à la commune tout en surveillant et en jugeant de l’utilité des décisions et des tâches.
Remarque : un tel système démocratique ne peut fonctionner qu’avec des personnes particulièrement honnêtes, ce qui est peut-être une gageure en France !