Par Alain Sanders
Du temps que j’étais aux EOR, à Saint-Cyr Coëtquidan, nous avions choisi comme nom de baptême pour notre promotion d’officiers de réserve : « Philippe Kieffer ».
On sait que le 6 juin 1944, pour le D-Day, le Jour-J, débarquèrent en Normandie 58 000 Américains et 75 000 Britanniques et Canadiens. Mais aussi 177 Français qui participèrent au tout premier assaut : les hommes du commando Kieffer. Des fusiliers marins emmenés par le légendaire Philippe Kieffer.
Sur ces 177 hommes, 10 furent tués le 6 juin et 27 autres pendant la campagne de Normandie. Aujourd’hui, soixante-dix ans après, ils ne sont plus que 10 vétérans toujours vivants. Un livre vient de paraître qui rend hommage à ces Français souvent passés à l’as : Commando Kieffer (Albin Michel/Ministère de la Défense). On le doit à Jean-Marc Tanguy (dont je vous recommande par ailleurs le blog : lemamouth.blogspot.com).
Philippe Kieffer, qui avait rejoint les FFL en Grande-Bretagne, avait été impressionné par les commandos britanniques qui, le 4 mars 1941, s’étaient illustrés sur les îles Lofoten. En 1942, avec une vingtaine d’hommes pour commencer, il met sur pied la Troop 1. Ces commandos français sont formés et entraînés avec les commandos britanniques en Ecosse (1). Le bataillon français, bientôt opérationnel, est placé sous le commandement de Lord Lovat qui dirige la 1re brigade de commandos (2).
Le 19 août 1942, les Français de la 1re compagnie seront du raid sur Dieppe (l’Opération Jubilé). En 1943, le 1er bataillon fusiliers marins commando (BFMC) est constitué de trois Troops : la 1, la 8 du capitaine Trepel (3) et la Troop d’appui. Un bon tiers de ces fusiliers sont des Bretons.
L’ouvrage très dense et très illustré de Jean-Marc Tanguy détaille la suite. Le 6 juin, à 7 h 55, les 177 Français débarquent de la barge 527 sur la plage « Sword » à Colleville-Montgomery. Ils s’emparent d’une pièce de 50 encuvée puis de l’ancien casino de Riva-Bella, avant de s’enfoncer dans les terres par Colleville et Saint-Aubin d’Arquenay. Objectif : faire jonction à Pegasus Bridge avec les paras britanniques de la 6e DAP. Ils y sont vers 16 h 30 et occupent les lisières du Plain quatre heures plus tard.
Au soir du 6 juin, la BFMC a perdu près de 25 % de ses effectifs. Le commandant Kieffer a été touché deux fois. Deux officiers et deux hommes ont été tués. Des blessés sont hors de combat. Ils seront en ligne jusqu’au 27 août puis renvoyés en Angleterre pour se reposer et recomposer les effectifs. En novembre 1944, ils débarquent sur l’île de Walcheren en Hollande et prennent Flessingue.
Je pense que je n’étonnerai personne en disant qu’aucun film français d’envergure ne leur a jamais été consacré. La seule allusion aux 177 héros français du D-Day se trouve (même si on peut déplorer de nombreuses erreurs) dans le film de Daryl Zanuck, Le Jour le plus long.
(1) La réputation des commandos est telle que Hitler ordonnera, en 1942, de ne pas chercher à les faire prisonniers, mais de les abattre sur place.
(2) Les fusiliers marins français sont les seuls, en France, à porter leur insigne (dessiné à l’origine par le caporal Maurice Chauvet) à droite de leur béret vert. A l’anglaise.
(3) Passé commandant, Charles Trepel sera tué lors du raid sur la plage de Wassenaar en Hollande.