Bienvenue au Gondwana est une comédie politique africaine, vraiment drôle, qualité majeure. Elle se moque de la bonne conscience des « Blancs », qui viennent à dix, formant délégation de la « communauté internationale », surveiller les élections présidentielles dans un grand pays africain imaginaire. Le Gondwana est le nom d’un ancien continent austral disparu par éclatement au Jurassique, et qui comprenait toute l’Afrique. Le mode comique utilisé tend vers la farce, en exagérant, parfois à peine, des situations réelles : comment en effet prétendre sérieusement surveiller efficacement des dizaines de milliers de bureaux de vote à dix personnes ? En fait, bien des délégations internationales ont prétendu exercer un travail comparable à 100 ou 250, ce qui est à peine moins ridicule.
Les élections africaines sont souvent une mascarade, avec un duel monté de toute pièce entre « Président-Fondateur » et « Opposant-Historique ». Ce dernier est en fait parfaitement intégré au jeu politique de « Président-Fondateur ». Historiquement, il y a eu de nombreux précédents en Afrique. La République du Gondwana n’en est pas moins proclamée « très très démocratique » dans sa définition officielle. Cette dimension de farce, essentielle au récit, ne comporte nulle indécence ou obscénité, chose très positive – et donc possible.
Bienvenue au Gondwana, une satire du néocolonialisme bien-pensant est très réussie
Bienvenue au Gondwana propose donc une satire de milieux dirigeants africains corrompus, et corrupteurs de visiteurs internationaux qui ne demanderaient qu’à avaliser la farce électorale. Le Président-Fondateur est seulement invité par des conseillers européens à éviter le 88 % habituel des voix, mais il lui est recommandé de se rapprocher d’un 53 % beaucoup plus dans la norme européenne ou nord-américaine. Le compromis, au terme d’une scène d’anthologie, sera un score de 53 % en effet, mais alors dès le premier tour… La comédie évite le piège de l’histoire trop simpliste : ainsi, le Blanc naïf, de bonne volonté, séduit par une authentique opposante locale et donc d’autant plus motivé pour la suivre dans les tribulations de ses rencontres souterraines dont on ignore les motivations réelles, ne l’épousera ni ne connaîtra d’histoire amoureuse avec elle. Les sbires du régime s’amuseront de cette candeur infantile des Blancs (de gauche) qui se croient immédiatement dans le personnage du « sauveur » de Pocahontas ou Avatar, qui va secourir le village menacé et épouser la fille du chef…La satire du néocolonialisme bien-pensant est très réussie.
Bienvenue au Gondwana sait garder l’intérêt du spectateur dans la durée. Le réalisateur, nigérien, maîtrise à l’évidence parfaitement son sujet. L’habileté consiste, avec un tournage réalisé en Côte d’Ivoire, avec ses hôtels internationaux et ses palais somptueux, à décrire assez correctement de nombreux pays africains. Cette comédie des élections présidentielles, sous surveillance internationale attentive, tourne actuellement non pas à la farce, mais à la tragédie, en République Démocratique du Congo. Ce dernier pays est celui qui ressemble le plus à ce Gondwana imaginaire.
Lu sur Réinformation TV