Médine a expliqué ses textes, ses références et sa vision du rap lors d’une séance de séminaire à l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm. Ou quand le “MC” se fait “Maître de Conférences”.
“Sais-tu vraiment ce qu’est le rap français ? Pas une machine à sous, une machine à penser”, déclare Médine dans Lecture Aléatoire, titre extrait de son album Table d’écoute, sorti en 2006. Le rappeur de 34 ans, auteur de cinq albums dont le dernier, Prose Elite, est sorti il y a tout juste un mois, était l’invité du séminaire “La Plume et le bitume“, à l’Ecole normale supérieure (ENS), ce 28 mars.
Pendant deux heures – à la suite de Casey, Lino ou encore Fuzati –, il a disserté sur ses lyrics, ses inspirations, son style, ses techniques d’écriture et sa vision du rap, face à une salle comble de 200 personnes. Sa présence dans l’enceinte du noble édifice de la rue d’Ulm, archétype de l’élite intellectuelle française, est d’autant plus symbolique qu’il affirmait déjà en 2013 dans le titre Biopic (extrait de l’album Protest Song) vouloir “faire du rap français une passerelle vers les grandes écoles”.(…)
Au-delà de cette considération générale, communément admise par les habitués du séminaire qui analysent les lyrics des rappeurs comme des vers de Baudelaire, Médine a développé l’analogie entre le rap et l’auteur des Contemplations, révélant qu’elle est loin d’être superficielle : “Hugo a cassé les codes du théâtre classique avec le drame romantique. Je trouve que cette démarche ressemble au rap : on n’était pas reconnu dans la tradition musicale française, mais on finit par gagner une légitimité. J’aime chez Hugo cette approche qui a consisté à arriver dans le théâtre un mettant un gros coup de pompe dans la porte.”
Dans le clip de Prose Elite, on croise aussi le portrait de George Brassens, autre artisan du grand mélange entre érudition littéraire et argot. Ce n’est pas un hasard, puisque c’est dans ce creuset que se reconnaît Médine, comme il l’explique : “C’est comme ça que je me sens Français, à travers la langue, la tradition littéraire, les paroliers comme Brassens. Ce sont les lettres qui m’émancipent et provoquent en moi des décharges émotives.”
“J’assume totalement mon côté ‘cherchieur’”
Interrogé sur son rapport à l’histoire, dans laquelle il puise souvent pour nourrir ses textes, le rappeur – qui cite Oxmo Puccino parmi ses premières influences –, explique s’être beaucoup renseigné par lui-même pour combler les lacunes du “roman national”. Certains ont ainsi estimé que Médine était le spécialiste de l’”history-telling”, puisqu’il mêle la fiction et l’Histoire “avec une grande hache“, selon l’expression de Perec.
“Parfois je reprends mot pour mot des parties de manuels. Ça peut être considéré comme du pillage, mais c’est ça le rap. J’assume totalement mon côté ‘cherchieur’”, s’amuse-t-il.
La genèse du morceau Enfant du destin (Petit Cheval) illustre bien cette démarche d’autodidacte. C’est en effet sur les conseils d’un ami travaillant chez Din Records qu’il s’est plongé dans Pleure, Géronimo, de Forrest Carter. C’est une des scènes de ce livre qu’il relate avec ses mots.
Le titre Kunta Kinté fait pour sa part référence de manière transparente à Racines, de Alex Haley : “C’est un de mes roman préférés, tu sens la morsure du fouet sur ton dos en le lisant. Mon ambition était de parler de la traite négrière à travers une référence que beaucoup de gens de notre génération connaissaient.”(…)
En poursuivant son travail d’analyse stylistique des textes des rappeurs, le séminaire “La Plume et le bitume” leur permet par la même occasion de sortir du carcan dans lequel on les enferme souvent à la hâte. “Le rap c’est comme la boxe, philosophe ainsi Médine. De l’extérieur on dirait de la bagarre, alors qu’en fait c’est de l’escrime du poing, il faut toucher sans se faire toucher. Tu ne peux découvrir ça qu’en t’y intéressant.”
« Nietzsche est mort » signé Dieu
On parlera laïcité ente l’Aïd et la Saint-Matthieu
Nous sommes les gens du Livre
Face aux évangélistes d’Eve Angeli
Un genre de diable pour les anges de la TV Reality
Je porte la barbe j’suis de mauvais poil
Porte le voile t’es dans de beaux draps
Crucifions les laïcards comme à Golgotha
Le polygame vaut bien mieux que l’ami Strauss-Kahn
Cherche pas de viande Halal dans tes lasagnes c’est que du cheval
Au croisement entre le voyou et le révérend
Si j’te flingue dans mes rêves j’te demande pardon en me réveillant
En me référant toujours dans le Saint-Coran
Si j’applique la Charia les voleurs pourront plus faire de main courante
Ils connaissent la loi, on connait la juge
Pas de signe ostentatoire, pas même la croix de Jésus
J’suis une Djellaba à la journée de la jupe
Islamo-caillera, c’est ma prière de rue
Ton voile, ma sœur, dans ce pays c’est Don’t Laïk
Ta foi nigga dans ce pays c’est Don’t Laïk
Madame monsieur, votre couple est Don’t Laïk
On ira tous au paradis, tous au paradis on ira
On ira tous au paradis, tous au paradis incha’Allah
On ira tous au paradis, tous au paradis on ira
On ira tous au paradis, enfin seulement ceux qui y croient
Je scie l’arbre de leur laïcité avant qu’on le mette en terre
Marianne est une femen tatouée “Fuck God” sur les mamelles
Où était-elle dans l’affaire d’la crèche?
Séquestrée chez Madame Fourest
Une banane contre le racisme, du jambon pour l’intégration
Pour repousser les nazislamistes, on
Ferme les portes de l’éducation
“Ah bon? Pardon patron, moi y’a bon”
Vas-y Youss’, balances le billet
J’mets des fatwas sur la tête des cons
Religion pour les francs-maçons, catéchisme pour les athées
La laïcité n’est plus qu’une ombre entre l’éclairé et l’illuminé
Nous sommes épouvantail de la République
Les élites sont les prosélytes des propagandistes ultra laïcs
Je me suffis d’Allah, pas besoin qu’on me laïcise
Ma pièce de bœuf Halal, je la mange sans m’étourdir
À la journée de la femme, j’porte un Burquini
Islamo-racaille c’est l’appel du muezzin
Ton voile, ma sœur, dans ce pays c’est Don’t Laïk
Ta foi nigga dans ce pays c’est Don’t Laïk
Madame monsieur, votre couple est Don’t Laïk
On ira tous au paradis, tous au paradis on ira
On ira tous au paradis, tous au paradis incha’Allah
On ira tous au paradis, tous au paradis on ira
On ira tous au paradis, enfin seulement ceux qui y croient
Je vous le demande en tant qu’homme de foi
Quelle entité a élu domicile dans cette enfant vieille de 110 ans?
Pour la dernière fois ô démons, annoncez-vous ou disparaissez de notre chère valeur
Nadine Morano, Jean-François Copé, Pierre Cassen et tous les autres
Je vous chasse de ce corps et vous condamne à l’exil pour l’éternité
Vade retro satana