Christine Angot, humoriste de l’année!

Il y a, décidément, un « cas Christine Angot ». Pour retrouver un tel exemple de bonheur contagieux et de rire de chaque instant, dans l’histoire des hommes – et des femmes, pour sûr –, faut-il au moins remonter jusqu’à Attila, Popeck ou Alain Robbe-Grillet.

Évoquant ce cas unique, Jean-Marie Bigard affirme pourtant, au mépris de la vraisemblance la plus élémentaire : « Christine Angot est atrophiée de la vanne, de la rigolade. Rire, c’est comme si c’était vendre son âme au diable. Tout ce qui est drôle, tout ce qui est humour, elle le rejette. Elle aurait besoin d’une bonne thérapie émotionnelle de groupe. »

Quel mauvais coucheur ! De fait, ne tient-elle pas la rampe chaque samedi soir, dans une émission drôle, « On n’est pas couché », animée par Laurent Ruquier, là où elle régale le téléspectateur de son humour ?

Laurent Baffie, autre spécialiste renommé, dresse le pronostic en direct, en présence de la boute-en-train en question : « Je pense que vous avez un rapport difficile à l’humour. Je pense que vous n’aimez pas les blagues. Je pense que vous n’aimez pas les comiques. Pour vous, rire, c’est déchoir. » Quel jaloux !

On remarquera pourtant que, dans cette drôle d’émission, Christine Angot est toujours drôle. La preuve par celle de ce samedi dernier. Pathologie pour pathologie, elle s’entretient avec Grand Corps Malade, le slammeur triste. Les regards sont lourds, les oreilles tombantes, la diction fatiguée. On se croirait à un réveillon chez Alain Cuny, avec Michel Houellebecq et Marguerite Duras. Dans le registre Buster Keaton sous Prozac, le moment est indépassable.

Chute du sketch de Christine Angot : « Je pense que pour tous les artistes, être artiste, c’est toujours un plan B. »

 La suite pourrait être un passionnant sujet de thèse à l’université de « Tranxène-les-Bains » ou une première partie de Roland Magdane : « Devenir artiste, c’est toujours ne pas avoir pu faire ce que l’on pensait faire quand on était petit, avocat, par exemple, ou médecin. C’est toujours le résultat, au fond, d’un échec. »

Ben tiens, on se disait bien… Mais c’est vrai qu’à y mieux réfléchir, si Jean-Sébastien Bach tapotait sur le clavier de son clavecin, c’était forcément parce qu’il était inconsolable de cette carrière de courtier en assurances avortée, destin dont il rêvait déjà au berceau. Avec Christine Angot, tout s’explique toujours. Par le gag. C’est sa force. Et si, sur le plateau de chez Ruquier, le public siffle tout en se tapant le ventre de rire, il faut avant tout y voir une forme d’acquiescement tacite, de « poilade » complice. Où qu’elle aille ou quoi qu’elle fasse et dise, Christine Angot n’a pas son pareil pour emporter l’adhésion, déclencher l’enthousiasme. Il y a pas à dire : tenir son public en main, c’est un métier.

Évidemment, sur les « fléaux sociaux », les railleurs ne se privent pas de tweeter des infamies du genre « Christine Angot qui est romancière, se considère-t-elle aussi comme une ratée ? » ; c’est bas, c’est très bas, comme on dit chez Paribas. Car le rêve secret de la petite Christine ne consistait pas à devenir majorette ou philosophe, mais d’épouser une carrière de comique.

Là, en plein dans le mille, Émile. Avec L’Inceste, livre proprement désopilant sur les rapports fille/père et le tout à fait hilarant Marché des amants, dans lequel elle narre par le menu l’amour courtois l’ayant longtemps lié au rappeur Doc Gynéco, entre Le Banquet de Platon et plateau télé, le lecteur est à la fête. À classer dans les annales du genre, entre l’intégrale de Cyril Hanouna et les œuvres complètes du « Schtroumpf péteur ». On en redemande.

Christine Angot ? What else? On ne voit pas. Robert Dhéry ou Zouc, peut-être ? Même pas. Elle tient le titre, n’hésitant pas à le remettre en jeu chaque samedi soir, chez Laurent Ruquier. Et opiniâtre, avec ça. La marque des grands, on vous dit.

Nicolas Gauthier  – Boulevard Voltaire

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