Ce qui vient de se passer est carrément odieux ! Philippe Poutou, candidat du NPA (Nouveau Parti anticapitaliste), était l’autre soir l’invité de l’émission « On n’est pas couché », présentée par Laurent Ruquier.
Timide et quelque peu gêné par tout le glamour auto-décerné qui se dégage de cette concentration de stars du très petit écran, le malheureux Poutou se demandait probablement ce qu’il était venu faire, non pas dans cette galère – selon l’expression consacrée -, mais dans ce luxueux studio où les gloussements pitoyables du chef Ruquier donnent le la de l’hilarité générale et de la mise en scène de l’équipe de saltimbanques de service (5’19).
Le pauvre Poutou m’a alors fait penser au Villeret du Dîner de cons ; il était venu là pour plaider pour ses 500 signatures et son programme de gouvernement et il n’a récolté que mépris et fous rires, donnant dans la foulée une occasion supplémentaire à cette brochette de clowns de voler la vedette à leur invité, qui devient le simple faire-valoir de présentateurs plus soucieux de se faire mousser que d’écouter ce qu’il a à dire…
Que Vanessa Burggraf, la transfuge de France 24, ait trouvé son graal médiatique en accédant au paradis artificiel de Ruquier, on peut le comprendre, mais qu’une simple de ses bourdes devienne prétexte à l’hilarité générale dans des circonstances comme celles-là pointe d’un doigt cruel la vacuité de ce genre d’émissions.
Il aura, en effet, suffi à la chroniqueuse d’un malencontreux lapsus — elle lui a demandé comment il comptait « imposer les licenciements » aux patrons alors qu’elle voulait dire « interdire les licenciements » — pour provoquer l’hilarité générale sur le plateau pendant deux très longues minutes…
Philippe Poutou a donc dû attendre que l’équipe de Laurent Ruquier contrôle son fou rire pour pouvoir s’exprimer. Les licenciements sont, aujourd’hui, la toile de fond d’une société dramatiquement rongée par le chômage. L’élégance post-bourde aurait exigé de s’excuser pour laisser s’exprimer celui qui était venu en parler, mais force est de constater que l’élégance n’est pas de cette chapelle-là…
Plus grave encore : ces émissions soulignent le fossé qui existe aujourd’hui entre la réalité de la vie de tous les jours et cette caste d’accapareurs du petit écran qui ne doivent leur succès qu’au vide sidéral au centre duquel ils évoluent comme des têtards dans une mare nauséabonde.
Jean-Pierre Lenoir Boulevard Voltaire