Il y a quelques jours, la presse nous apprenait que des chercheurs californiens avaient réussi à créer des chimères hommes-cochons destinées à produire des organes pouvant être greffés chez des humains sans se heurter à la barrière génétique de l’espèce. Ces chimères sont le résultat de technologies de pointe combinant la culture de cellules souches et des techniques de modification génétique.
Grâce à la technique « CRISPR-Cas9 » qui consiste à remplacer un morceau d’ADN par un autre, on peut assez facilement introduire un fragment d’ADN humain dans la chaîne d’acides nucléiques d’une autre espèce. Puis, en manipulant les cellules souches, les scientifiques espèrent produire des organes compatibles avec l’organisme humain dans le corps d’un animal destiné à être sacrifié ensuite. Différentes expériences ont déjà été réalisées. Des cœurs de porc génétiquement modifiés auraient duré deux ans et demi après avoir été transplantés chez des babouins.
En voulant créer des cœurs, des foies ou des pancréas humainement compatibles chez des porcs, nous risquons aussi de les doter de neurones humains, donc d’un cerveau hybride, mi-homme mi-cochon ! Nous n’en sommes encore qu’aux balbutiements de ces techniques, mais envisager de modifier durablement et profondément des fonctionnements biologiques issus de sélections et de mutations accumulées au fil des millénaires présuppose une connaissance parfaite de la physiologie humaine et animale que nous ne possédons pas encore.
Raisons pour lesquelles les autorités de santé américaines ont imposé un moratoire et le NIH (National Institute of Health) a décidé, en 2015, de ne plus financer (pour l’instant) ce type de travaux et de les soumettre à un comité d’éthique. Cependant, l’armée américaine finance certaines de ces recherches et il est probable que les chercheurs trouveront des sources de financement privées pour mener à bien leurs expériences.
Le cadre légal des États sera vite franchi, et en l’absence d’une force éthique suffisante, nous ne pourrons pas nous opposer aux excès de cette évolution qu’il faudrait pourtant contrôler étroitement si on veut l’étudier sereinement.
Chercher à créer une banque de greffons facilement utilisables, augmenter la durée de la vie pour vivre plus vieux et en bonne santé, si l’on excepte tous les problèmes sociaux que cela peut induire, semble être un but louable. Mais où sont les limites ? Et qui va fixer les bornes à ne pas dépasser ?
Vouloir changer l’être humain, transformer le vivant pour en faire une chimère dotée de performances exceptionnelles hors du commun risque de tenter des esprits frustrés qui voient, dans ces réalisations, l’aboutissement de leurs rêves insatisfaits ou l’épanouissement d’un orgueil sans limites. Certes, les scientifiques nous tiennent des propos rassurants, mais sont-ils assez savants pour qu’on puisse leur faire confiance ?