«Interrogé par Le Figaro sur la crise de l’agriculture française, Périco Légasse n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat. Normal, dira-t-on, pour celui qui est le très talentueux rédacteur en chef de la rubrique vin et gastronomie à l’hebdomadaire Marianne. Le journaliste basque dénonce avec force un système agricole hyper-productiviste qui met en danger notre identité nationale. Mais garde des raisons d’espérer.
Prenant l’exemple du saumon et du foie gras, Périco Légasse dénonce « le système consumériste auquel est désormais soumise notre société considère que ce qui était l’exception doit devenir la règle, et que les produits rares et chers ont tous vocation à devenir courants et pas chers. » Résultat : « Nous en sommes arrivés à un point sordide de financiarisation de notre alimentation par la trilogie que forme l’agro-industrie productiviste, la publicité pro-malbouffe, et la grande distribution ».Pour lui, la crise de la grippe aviaire, qui frappe les éleveurs du Sud Ouest, n’est que « la conséquence directe du confinement d’animaux en surnombre. »
Interrogé sur la crise profonde qui touche l’agriculture française, Périco Légasse ne cache pas son amertume : « « Quel immense gâchis! Quand on voit les ressources, les potentiels, les énergies, les volontés, les initiatives et les fabuleuses capacités de ce pays en terme de géo et biodiversité, comment a-t-on pu en arriver là? Comment a-t-on pu avec une classe politique si lucide, des dirigeants si motivés, des institutions si efficaces, cumuler autant de bévues, de lâchetés et de renoncements, pour que l’agriculture française, qui devrait être le fleuron de notre enrichissement national, en soit rendue à cet état de ruine…? »
A propos de la crise du porc, qui touche de plein fouet la Bretagne, Périco Légasse évoque la concurrence des « usines porcines » allemandes qui «concentrent 40.000 bestiaux (que l’on ne nous parle plus d’agriculture), avec de la main d’œuvre bulgare ou roumaine payée 3€ de l’heure, pour vendre de la viande de porc 30% moins chère que le moins cher de la production bretonne». Avant de conclure, lapidaire : «Quand on fait de la merde, il y a toujours une possibilité que quelqu’un en fasse une encore moins chère »
Pour le critique gastronomique de Marianne, « l’agriculture française crève, sous nos yeux, depuis longtemps, d’une forme de libre échange qui n’a finalement qu’un seul but, la financiariser pour augmenter les profits des banquiers du lait, du blé et de la viande.(…) Du Goldmann Sachs agricole, mais avec du porc et du lait à la place des titres pourris. Plus tu en produis, plus ton exploitation ne vaut rien. Cela dure depuis vingt ans et personne n’a cherché à arrêter le processus puisqu’il est la doxa du moment. »
Cette crise est-elle inéluctable ou pourra-t-on en sortir un jour ? Périco Légasse se veut malgré tout optimiste. Citant Pierre Rabbi – «L’agriculture n’est pas faite pour produire, elle est faite pour nourrir» – il affirme qu’«il faut voir notre agriculture comme un trésor inexploité et non comme une plaie infectée. Les agriculteurs qui s’échappent ou se sont émancipés du système productiviste réussissent, gagnent leur vie et vivent heureux. On devrait peut-être en tirer des conclusions ».
Photo :Debout la France/Flickr (cc)
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