Après avoir annoncé le 11 juillet dernier, aux côtés de Christine Boutin et de Jean-Claude Martinez, des listes aux élections européennes, Béatrice Bourges a tenu à répondre aux critiques sur Nouvelles de France. Entretien.
On a le sentiment que votre annonce a pris de cours tout le monde, y compris au sein des défenseurs du mariage, comme si vous aviez souhaité doubler quelqu’un ou une formation politique. N’est-ce pas le cas ? Pourquoi si peu de concertations ?
En effet, notre annonce a créé la surprise et tant mieux.
Ceux qui ont été les plus virulents sont ceux qui font partie du système des partis traditionnels.
D’une part, l’UMP qui a été prise de court et a eu l’impression de se faire doubler alors que certains cadres sont actuellement en train d’effectuer de grandes manœuvres pour aller draguer les électeurs du FN, tout en continuant à prendre des airs choqués lorsqu’on leur parle de ce parti. Ils vont continuer à appeler au front républicain, ce que je trouve insupportable et d’une grande hypocrisie. Voilà des années qu’ils se trompent d’adversaires.
D’autre part, le FN qui, avouez le, n’a pas été clair sur les sujets qui nous mobilisent depuis maintenant 10 mois. Il ne suffisait pas de dire qu’on était contre la loi, il fallait le prouver. Mais c’était bien difficile puisqu’on sait qu’à l’intérieur même du FN, les avis sont très partagés.
“Les partis existants ne proposent aucune vision globale de la société. Ils se contentent de proposer des mesures catalogues, sans fil rouge.”
En revanche, certaines personnes à l’intérieur de ces partis se sont battues avec courage et détermination. Je pense par exemple à Marion Maréchal-Le Pen, qui n’a pas eu le droit de monter à la tribune des grandes manifestations alors que son discours était particulièrement clair et sans ambiguïté. Du côté de l’UMP, certains élus se sont aussi battus avec courage. À gauche aussi, on a pu apprécier les prises de position à contre-courant de certains élus particulièrement valeureux, tels Bruno Nestor Azérot.
Ce qui prouve bien qu’il faut inventer autre chose.
Le paysage politique va se recomposer autour de deux visions de la société : celle qui est fondée sur le réel, qui a pour objectif le Bien commun. C’est celle qui ouvre notre société à la vie, aussi bien la vie économique, que la vie sociale, sociétale etc. et, a contrario, celle qui nous emmène dans une impasse car fondée sur une vision idéologique et mortifère. C’est celle qui fonde les lois sur le désir des minorités et donc favorise le communautarisme, celle qui veut faire des personnes humaines de simples individus producteurs consommateurs.
Il faut donc changer de paradigme. Les partis existants ne proposent aucune vision globale de la société. Ils se contentent de proposer des mesures catalogues, sans fil rouge. Je ne pense pas que ce soit une bonne approche. Elle ne peut plus faire illusion.
Autre critique entendue, le fait que les personnalités mises en avant sont toutes des ex-élus, responsables de partis politiques, etc. N’avons-nous pas besoin de nouvelles têtes, davantage issues de la société civile ? De plus, si les convictions des personnalités en question ne font aucun doute, leur charisme pose des questions…
Lorsque l’on m’a proposé de soutenir cette initiative, j’ai tout de suite vu son originalité : se rassembler sur des convictions, au-delà des partis politiques. Cela m’a paru intéressant. Qui aurait pu penser un jour voir Christine Boutin aux côtés de Jean-Claude Martinez, ancien vice-président du FN ? Ils ont osé ce que beaucoup appellent de leurs vœux depuis bien longtemps. Beaucoup en parlent, eux l’ont fait… J’ai trouvé cela courageux.
“Qui aurait pu penser un jour voir Christine Boutin aux côtés de Jean-Claude Martinez, ancien vice-président du FN ? Ils ont osé ce que beaucoup appellent de leurs vœux depuis bien longtemps. Beaucoup en parlent, eux l’ont fait…”
Voilà ce qui m’a sauté aux yeux immédiatement.
On trouve également Xavier Lemoine, le maire de Montfermeil, unanimement reconnu pour le courage dont il fait preuve dans sa difficile ville de Seine Saint Denis. C’est un de nos maires résistants, décidé à aller jusqu’au bout de son engagement. C’est suffisamment rare pour être souligné et admiré.
Quant à Antoine Renard, président des AFC, il représente un des principaux réseaux qui a contribué au succès de la mobilisation que nous venons de vivre depuis novembre 2012. Il a agi avec discrétion et efficacité en encourageant les fédérations départementales, leur permettant ainsi d’être les piliers de la résistance. C’est également un homme d’entreprise.
Figure aussi dans ce rassemblement Patrice André, grand spécialiste des questions de l’Europe. Il est l’auteur d’un essai remarqué sur le traité de Lisbonne, Mini-traité : La Constitution par la force (F.X. de Guibert, décembre 2007, préface de Jean Foyer). Spécialiste également des questions liées au genre, il a été sollicité par LMPT pour la représenter au Maroc et est intervenu brillamment sur les podium lors des manifestations des 24 mars et 26 mai.
Pour faire un peu d’humour, je dirai également qu’il leur a fallu à tous un courage certain pour faire alliance avec moi, “la femme la plus dangereuse de France” selon Manuel Valls, comme l’a souligné le journal anglais The Independant le 10 juin dernier !
“Notre initiative a pour ambition de bousculer les clivages politiques usés et d’imposer la voix de la société civile dans le débat.”
Ce rassemblement embryonnaire est prometteur et, ceux qui se sont donnés la peine de ne pas s’arrêter à telle ou telle personnalité l’ont bien compris. Cette initiative en est à ses débuts. Elle a pour ambition de bousculer les clivages politiques usés et d’imposer la voix de la société civile dans le débat.
Comment expliquer les premières défections (ex : Patrick Louis) et les réactions mitigées du début, sur la toile et ailleurs ?
Patrick Louis était d’accord sur la démarche. J’étais moi-même allée à Lyon pour lui demander de se joindre à l’aventure. Il a accepté rapidement, après avoir obtenu l’accord de Philippe de Villiers. Mais l’opération s’étant faite en quelques jours, le rôle de chacun n’a pas été suffisamment bien préparé et quelques maladresses, en particulier en temps de parole, ont pu faire croire à Patrick Louis qu’il n’avait pas autant de place dans l’initiative qu’il était en droit de réclamer. Ce que révèle cet épisode, c’est que les personnes ne doivent pas occulter le fond. La convergence entre les hommes se fera le moment venu.
J’avoue avoir été étonnée d’une sorte de “sur réaction” occasionnée par l’annonce de cette initiative, mais je le comprends : les Français ont été tellement trompés par leurs élus qu’ils se méfient d’emblée. Précisément notre initiative a pour but de sortir des schémas politiques. C’est à la société civile d’imposer ses convictions à l’occasion des campagnes électorales.
“Les journalistes n’ont pas compris ce qui se jouait. Ils ont donné une vision uniquement centrée sur quelques personnalités politiques. Ce n’est pas surprenant. On ne bouscule pas des décennies de conformisme en une seule conférence de presse !”
Les journalistes n’ont pas compris ce qui se jouait. Ils ont donné une vision uniquement centrée sur quelques personnalités politiques. Ce n’est pas surprenant. On ne bouscule pas des décennies de conformisme en une seule conférence de presse !
Quels sont vos objectifs (en % et en élus) ? Vos moyens (humains et financiers)? Lancerez-vous un site internet à la hauteur pour cette aventure ?
Cette question illustre parfaitement l’impasse dans laquelle la politique s’est engouffrée. Nous n’avons pas pour objectif des pourcentages mais de faire vaciller un système à bout de souffle. La question des résultats attendus est une bonne question si on la resitue dans la perspective européenne.
Il y a une place pour les défenseurs issus de la société civile au Parlement européen. Dans d’autres pays, ce sont les eurosceptiques qui font campagne sur des thèmes proches des nôtres. C’est pourquoi il y a en France une place à occuper. Le vrai résultat sera la présence significative d’élus des différents pays européens convaincus de la défense des même valeurs et non pas des intérêts des partis. Nous avons déjà des contacts dans différents pays d’Europe.
“Nous allons tout faire pour que cette campagne décoiffe.”
Quant au site, oui, bien sûr il y en aura un à la hauteur. Pour cela, je fais confiance aux jeunes qui nous ont déjà rejoints et qui ont montré durant ces mois leur savoir faire et leur créativité ! Ils ont déjà plein d’idées. Nous allons tout faire pour que cette campagne « décoiffe ».
En cas de petit score, le risque n’est-il pas de discréditer/mettre un terme à l’énorme mouvement de ces derniers mois ?
Je pense au contraire que ne rien proposer serait décevoir. Cette immense foule qui s’est levée, de toutes les régions de France et de toutes les catégories sociales ne peut plus se contenter de vieux schémas obsolètes.
Le débat doit être maintenant porté sur la scène politique proprement dite car si nous voulons changer le système, alors il nous faut prendre le pouvoir et ce pouvoir, en l’état actuel des choses, se prend grâce aux urnes. Le débat ne peut être confiné à la loi Taubira uniquement et l’Europe est le lieu où tout ou presque se joue en amont, que ce soit au plan financier, économique, au plan de la défense, autant qu’au plan sociétal (sujets touchant à la vie, l’immigration, la laïcité etc.). Aucun sujet n’est ou ne sera tabou.
Ce qui s’est révélé, c’est un rejet de la société qui nous est imposée depuis mai 68. C’est le refus d’une idéologie qui va bien au-delà des propositions faites par le gouvernement actuel. Les gens sont en quête de sens. Il faut donc un programme porteur d’Espérance.
L’aventure commence tout juste. Chacun y a sa place.
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