Les six leçons des élections cantonales

Désaveu des élites nationales et locales, rejet de l’UMP, PS en très petite forme, FN à nouveau au cœur du débat : les enseignements des cantonales 2011 sont clairs. Reste la question essentielle : les Français sont-ils prêts à trancher le Nœud gordien ? Sont-ils prêts à changer les paradigmes dominants pour changer de politique ? Réponse dans la décennie qui vient ?

1-L’abstention marque le désaveu des élites politiques nationales et locales

Le système électoral français est frappé au cœur. Le mode de scrutin majoritaire n’opère plus aussi facilement que par le passé : la mise au service des politiques nationales de la notoriété et de la popularité des élus locaux ne fonctionne plus. Car le discrédit atteint désormais les élus locaux : 52% des Français ne font plus confiance au maire de leur commune (sondage Opinion Way/Cevipof du 7 au 22 décembre 2010, Le Monde du 1/02/2011). Dans ces conditions nombre d’électeurs ne se croient plus obligés d’aller voter pour « Monsieur le maire ». Voilà une cause majeure de la montée de l’abstention (55 % au lieu de 35 % en 2004)*, d’autant plus qu’elle accompagne la « rurbanisation » (et donc la diffusion des comportements urbains d’abstention dans l’espace rural). Une abstention qui accroît l’incertitude car elle rend les électeurs disponibles demain pour une offre politique réellement nouvelle mais aussi… un simple leurre médiatique.

2-L’effet rejet de l’UMP

L’UMP est la force la plus désavouée. Elle perd de l’ordre de 1 million et demi d’électeurs par rapport aux élections de 2004. Encore faut-il noter que beaucoup de candidats UMP ont caché leur étiquette ; et que, là où les électeurs avaient le choix, les dissidents ont fait recette : dans les Hauts-de-Seine, notamment, où les candidats officiels de l’UMP ont été défaits à Neuilly, Levallois-Perret et Rueil-Malmaison ; pendant que Devedjian, en ballotage difficile à Antony, était sauvé par son… antisarkozysme. A noter aussi le succès de candidats catholiques face à l’UMP officielle à Versailles. Enfin, entre ses dirigeants médiatisés, favorables au « Front républicain », et ses élus de la « droite populaire », plus proches des préoccupations identitaires et sécuritaires de leurs électeurs, l’UMP court le risque de passer à la centrifugeuse.

3-Un PS en très petite forme

Manifestement les déçus de l’UMP ne se sont pas portés vers le PS qui a perdu un million de suffrages par rapport à 2004. Il y a peut-être un effet Strauss-Kahn dans les médias mais pas dans les urnes ! A cet égard la perte pour le PS du Val-d’Oise, dont le directeur général du FMI était l’élu, a valeur de symbole. Pour la gauche le possible choix comme candidat PS du champion de « la mondialisation heureuse » est à tout risque.

4-Un FN à nouveau au cœur du débat

Même s’il a perdu 100 000 voix par rapport à 2004, le FN obtient ses plus hauts scores à une élection cantonale : plus de 15 % des suffrages exprimés au premier tour ; 35 % au deuxième tour, là où il était présent (en progression de 50 % d’un tour à l’autre dans ces cantons, face au PS comme face à l’UMP). Cela confirme les sondages qui « qualifient » Marine Le Pen pour le second tour de l’élection présidentielle et cela assure à la présidente du FN une présence médiatique minimale dans l’année qui vient, ce qui est la garantie, sinon de gagner, du moins de rester « dans la course ».

Ce succès, qui ne s’est pas traduit en sièges compte tenu de la faiblesse de l’implantation territoriale du FN, a des causes multiples :

  • il est en phase avec la montée du populisme partout en Europe ;
  • le FN joue le rôle de valeur-refuge face à « l’UMPS » ;
  • le discours de Marine Le Pen apparaît doublement nouveau : sur la forme et sur le fond ;
  • la critique globale de la mondialisation (dont l’immigration n’est finalement qu’un aspect) rencontre les aspirations de larges couches sociales : populaires mais aussi moyennes.

Il reste que pour continuer sa progression le FN devra concilier un discours à tonalité de gauche, d’un côté, avec la volonté de recomposer la droite, de l’autre : une logique somme toute « bonapartiste », selon le classement des droites de l’historien René Rémond.

5-Les Français trancheront-ils le Nœud gordien ?

Cela étant, les Français restent placés devant un dilemme :

  • Voter pour les « partis de gouvernement » qui conduisent des politiques contraires à leurs intérêts mais favorables à ceux de la superclasse mondiale et donc présentés par les médias comme « raisonnables » et « modérés » ;
  • Voter pour le Front national qui s’inscrit dans la logique d’une alternative mais persiste à souffrir de la diabolisation, précisément parce qu’il n’est pas « normalisé ».
  • L’abstention apparaît alors comme un refus de trancher entre nationaux encore « sulfureux » et mondialistes jugés plus « convenables ».

En attendant tout ce qui va dans le sens de la conscientisation du peuple français va dans le bon sens : sur le terrain électoral, bien sûr, mais aussi dans la vie quotidienne par le développement de comportements et d’attitudes enracinés ou réenracinés. Le redressement national, s’il doit s’opérer, ne sera pas qu’une aventure personnelle, il reposera sur une démarche collective.

6-Le changement de politique passe par le changement de paradigmes idéologiques

D’ailleurs, quel que soit le président qui sera élu en 2012, il n’y aura pas de changement des politiques s’il n’y a pas de changement des paradigmes idéologiques dominants : retour de la notion de frontière (frontière économique, politique, culturelle) ; réhabilitation des notions de patriotisme et de préférence (locale, nationale, civilisationnelle) ; défense de la proximité et de l’identité ; mise en place de vrais mécanismes de démocratie directe à la suisse ou à l’islandaise.

Cela suppose évidemment de sortir victorieux d’un affrontement avec les forces financières et médiatiques de la superclasse mondiale, ennemie des peuples.

Bien sûr, cette problématique ne concerne pas seulement la France : partout en Europe, la vague populiste enfle. Reste à savoir quel sera le premier peuple qui tranchera le nœud gordien.

(*) A noter une différence : en 2011 les Français n’ont voté que dans un canton sur deux ; en 2004 les élections cantonales étaient couplées avec les élections régionales.

 

Cette page est produite par la Fondation Polémia.

 

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1 Comment

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  • Mitjavile Bernard , 31 mars 2011 @ 14 h 07 min

    La solution pour la droite serait un leader ayant l’intelligence politique de François Mitterrand avant 1981 et qui serait capable d’être à l’origine d’un programme commun avec le FN. Hélas, on a plutôt à faire à des chiens de Pavlov qui répètent les mêmes clichés “antiracistes” (l’antiracisme est la nouvelle pensée totalitaire selon A. Finkielkraut) sans réfléchir depuis 30 ans.

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