C’est le gros morceau de la journée. 79 pages que nous allons tenter de vous résumer. Comme toujours, la Cour des Comptes valide mais lève, a posteriori, un certain nombre de points que bon nombre d’analystes avaient évoqués à priori.
Le rapport de la Cour des Comptes sur les résultats et la gestion budgétaire de l’exercice 2010 est rendu et présenté devant les commissions des finances du Sénat et de l’Assemblée Nationale conformément à la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Ce rapport est rendu public et vous pouvez le consulter ici.
Il en ressort en premier lieu que les résultats de l’État se sont dégradés en 2010 :
- un déficit historique de 148,8 milliards d’euros (alors que la loi de finances initiale prévoyait une amélioration du solde budgétaire).
- un accroissement de la dette de l’Etat de 81 milliards d’euros.
- un programme d’émission à moyen et long terme le plus important jamais réalisé (210,7 milliards d’euros).
- un déficit 2010 qui représente désormais 86,5 % des recettes fiscales nettes, soit 46,1 % des dépenses nettes du budget général.
Ce constat appelle quelques précisions :
- L’achèvement du “plan de relance” a coûté 6,8 milliards d’euros de plus que prévu.
- Le “mécanisme dérogatoire” mis en place pour les “investissements d’avenir” a pesé pour 34,6 milliards d’euros sur l’exercice 2010.
- Les prêts à la Grèce ont coûté à la France, rien qu’en 2010, la bagatelle de 4,4 milliards d’euros.
- La réforme de la taxe professionnelle a été comptabilisée pour 7,7 milliards d’euros de surcoût non budgétisé, mais une incertitude subsiste sur la charge financière réellement supportée par le budget de l’Etat en 2010, en raison des carences du système d’information comptable de l’Etat.
- Enfin, et c’est à nos yeux grave, la Cour des Comptes (CdC) constate la dégradation du résultat patrimonial de 12 milliards d’euros par rapport à 2009.
Si, en 2010, les recettes fiscales ont augmenté par rapport à 2009, l’Etat s’est montré incapable de maîtriser ses dépenses, voire a pris des engagements extrêmement coûteux pour le budget de la Nation. Le gouvernement avait pris l’engagement de la règle du « zéro volume ». Dans les faits, cette règle n’a été respectée qu’en apparence, car, comme le note la CdC, “certaines mesures ont été exclues de façon contestable du calcul de la norme” :
- l’utilisation de ressources affectées pour apurer les dettes à l’égard de la sécurité sociale,
- le recours à des comptes spéciaux pour des opérations qui pourraient relever du budget général de l’Etat,
- l’augmentation de la dépense relative au revenu de solidarité active,
- les dépenses effectivement décaissées dans le cadre des investissements d’avenir.
Et bien, malgré cela, la norme « zéro volume » a été dépassé de 3,2 milliards d’euros. Par rapport à l’exécution 2009, les dépenses ainsi recalculées pour l’année 2010 ont augmenté de 2,2 % en valeur, soit de 0,7 % en volume compte tenu de l’inflation constatée de 1,5 %.
Pire, et alors que la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux a été quasiment-respectée, provoquant dans bien des domaines une baisse substantielle de la qualité du service public, la Cour des Comptes nous révèle… que la masse salariale de l’Etat hors pensions a progressé de 0,7 % à périmètre constant ! La cause en est la rétrocession aux agents de 47 % du montant des économies réalisées. C’est à dire, pour faire simple, que nous aurions pu arriver au même niveau de coûts salariaux en virant deux fois moins de profs et d’infirmières. Mais ce n’est pas ce qu’ont négocié les syndicats. ils ont sacrifié l’emploi et la qualité de service sur l’autel des avantages aux personnels en poste… Nous pouvons aussi interpréter cette donnée en se disant que les sacrifices en termes de qualité d’accueil et de soins dans les hôpitaux, dans les écoles, les fermetures de services publics dans les zones rurales que subissent les citoyens auraient du générer deux fois plus d’économie au budget de l’Etat, permettant à celui-ci soit d’alléger sa dette soit d’alléger la pression fiscale. Ce n’est pas le choix qui a été fait par nos gouvernants et les syndicats de la fonction publique…
Outre 27 recommandations, des critiques quelques fois dures et graves concernant l’incapacité de certains secteurs de l’Etat à fournir des chiffres précis, l’incapacité, toujours, à définir avec précision le patrimoine immobilier de l’Etat et sa valeur, la CdC note que :
- L’absence d’une comptabilité auxiliaire exploitable ne permet pas à la Cour de se prononcer sur l’exhaustivité des dettes non financières de l’Etat envers des tiers (fournisseurs, organismes sociaux, collectivités territoriales, etc.), qui présentent un solde de 21 Md€au 31 décembre 2010
- Les conditions dans lesquelles de nombreux programmes budgétaires ont été basculés dans “Chorus” et la sous-utilisation de ses fonctionnalités comptables en 2010 font peser un risque majeur sur sa capacité à tenir la comptabilité générale de l’Etat en 2012 (Chorus est un logiciel d’exploitation comptable auquel désormais tous les services de l’Etat sont censé se soumettre afin de pouvoir consolider et avec une unité de gestion).
- Au 31 décembre 2010, de très nombreux ministères n’avaient pas arrêté de stratégie opérationnelle de développement de la fonction d’audit interne.
- La gestion comptable des impôts professionnels(179 Md€ en 2010) n’a enregistré aucun progrès en 2010.
- Le niveau de risque est également élevé dans la gestion comptable des impôts des particuliers.
- Le processus de justification des comptes n’est pas encadré par une procédure suffisante pour garantir la qualité comptable des enregistrements.
- La Cour n’est toujours pas en mesure de se prononcer sur lafiabilité de la procédure de réconciliation des dettes et créances réciproques entre l’Etat et ses opérateurs au 31 décembre 2010.
- Deux sujets de périmètre font peser une incertitude significative sur l’exhaustivité de la comptabilisation des actifs financiersde l’Etat dans ses comptes de 2010.
Malgré toutes ces remarques et bien d’autres que vous pouvez lire en consultant ce rapport, la Cour des Comptes a déclaré sincères et conformes les comptes de l’Etat. Bien évidemment, comme chaque année, à aucun moment n’est cité, ni par l’Etat ni par les vérificateurs et certificateurs le montant des engagements pris par l’Etat au titre des pensions. Tous les fonctionnaires en retraite ou qui vont partir dans les prochaines années ont ouvert des droits à retraites et à pensions que l’Etat, qui est son propre assureur, doit et devra payer. C’est un engagement, une dette, non provisionnée, qui ne se trouve pas inscrite au bilan…. Pourtant cette dette grèvera le budget de fonctionnement de l’Etat dans les années à venir, au même titre que les emprunts… Sujet tabou, sujet tabou.
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