Dumas/Vergès : « Gbagbo a autant de chance d’y laisser la peau que de s’en sortir »

Nouvelles de France a rencontré Roland Dumas, ancien Président du Conseil constitutionnel et ancien ministre des Affaires étrangères ainsi que l’avocat Jacques Vergès. Ils viennent de déposer une plainte contre l’armée française pour tentative d’assassinat sur la personne de Laurent Gbagbo.

Pourquoi accusez-vous l’armée française de tentative d’assassinat de l’ancien Président ivoirien ?

Roland Dumas (R.D.) : Nous avons déjà déposé une plainte à Paris contre l’armée française pour tentative d’assassinat. C’est une plainte qui vise l’armée française parce que, nous en avons eu confirmation par Monsieur Gbagbo mais nous le savions, c’est quand même l’armée française qui a fait le coup. Il nous a expliqué comment il a échappé par hasard au bombardement. Sa chambre ou il couchait d’ordinaire a été bombardée. Des chars ont été transportés par Transall de France. La légion étrangère, le fleuron de l’armée française ouvert la porte aux partisans de Ouattara. Nous sommes des vieux de la veille, ce n’est pas à nous que l’on va faire avaler le discours officiel.

Croyez-vous que la vie de Gbagbo ait été en danger ?

R.D. : S’il avait couché là où il couchait d’habitude il ne serait plus là. Je vais même plus loin. Pour la première fois. Nous avons été dans le nord du pays là où il est enfermé, dans la brousse. Il vit là dans cette maison avec son médecin. Il n’est pas autorisé à sortir, il est obligé de faire des marches entre la chambre et le salon. Il est affaibli physiquement mais tout à fait disponible intellectuellement.

Sera-t-il traduit devant la Cour pénale internationale ?

R.D. : C’est une tentative que nous avons descellé et que nous allons déjouer. Quel est le but de cette opération ? C’est d’extraire Gbagbo de son pays et de son peuple pour le transférer dans un endroit qui sera un mouroir. Gbagbo reste populaire dans son pays. La presse local titre encore « ne l’oublions pas ». Gbagbo a pour lui l’appui du peuple. Donc Ouattara, qui n’est pas tombé de la dernière pluie, veut le traduire devant la Cour pénale internationale et le couper de ses racines. Or moi je suis inquiet et je ne sais pas si Jacques Vergès partage mon opinion. Il y a un déploiement intensif  et fort de troupes là où habite Gbagbo. Vous avez  cent personnes armées jusqu’aux dents. Les uns ont une casquette de l’ONU mais ils ont le visage noir comme les autres. Ce sont des ivoiriens baptisés de l’ONU parce qu’on leur a donné un casque bleu mais ce sont les mêmes.

Pensez-vous qu’il pourrait arriver quelque chose à Gbagbo ?

R.D. : Je ne pense rien mais je peux imaginer qu’on ne sait jamais, un jour où il voulait prendre l’air, on le trouve qui se promenait, il s’évaderait et on lui a tiré dessus. Je n’en sait rien mais ce n’est pas une hypothèse que l’on peut exclure et je tiens à le dire aujourd’hui de façon à ce que si cela se produisait, on sache au moins que quelqu’un l’a dit.

 

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N’avez-vous pas confiance dans les forces de monsieur Ouattara ?

R.D. : Non je n’ai pas confiance du tout.

Auriez-vous confiance devant la Cour pénale internationale ?

R.D. : Si nous devons y aller, nous irons mais nous n’iront pas comme on va à Canossa. Savez-vous ce qu’est devenu Monsieur Mladic arrêté il y a quelque mois ? Savez-vous comment est mort l’ancien Président de la Yougoslavie ? On a dit qu’il est mort de crise cardiaque, d’épuisement, mais en réalité nous ne le saurons jamais.

Jacques Vergès (J.V.) : En 1945 quand la France a été libérée, le général De Gaulle a fait faire le procès des dignitaires de Vichy à Paris. Il estimait que le peuple français était majeur. Il n’a pas demandé qu’ils soient jugés par l’ONU. En ce qui concerne les dirigeants nazis, les procès à eu lieu à Nuremberg en Allemagne et les avocats étaient allemands. Là, le mépris à l’endroit du peuple ivoirien est clairement affiché. Le peuple ivoirien est-il un peuple infantile ? D’autre part si le procès à lieu devant la Cour pénale internationale, il faut que les autorités actuelles sachent que nous avons déjà saisi la justice française pour des crimes contre l’humanité commis par les forces de Monsieur Ouattara : 700 personnes tuées à la machette, hommes, femmes et enfants. Alors si la Cour pénale internationale doit être compétente, il faut que Monsieur Ouattara accompagne Monsieur Gbagbo à La Haye et partage la même cellule.

 

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R.D. : Ce serait une hypothèse intéressante.

J.V. : On a peur de l’opinion en Côte d’Ivoire, on a peur du peuple ivoirien. D’ailleurs, juridiquement, traduire Monsieur Gbagbo devant la Cour pénale internationale pose des problèmes car ce pays n’a pas ratifié le traité de Rome.

En 2002, l’armée française avait subi des pertes dans un aérodrome du fait de tirs provenant des forces de Laurent Gbagbo.

R.D. : C’est une histoire qui remonte très loin et vous avez raison de rappeler cet incident parce que cet évènement sanglant de l’époque montre que cette affaire par de loin.

Qu’est-ce qui vous motive à défendre Gbagbo ?

R.D. : Je le fais pour la justice. Toute ma vie j’ai lutté contre l’injustice. Les deux grands événements de ma vie cela ont été la Résistance et la Guerre d’Algérie. Dans les deux cas je me suis retrouvé minoritaire au départ et majoritaire à l’arrivée, nous le serons peut-être lorsque les gens commenceront à ouvrir les yeux. Deuxièmement, Gbagbo je le connais depuis longtemps, c’est quelqu’un qui appartenait à l’internationale socialiste. On peut penser ce qu’on veut mais au moins on peut avoir un réflexe de solidarité. En tant que socialiste, c’est quelque chose qui compte.

Tous les chefs d’Etat d’Afrique qui ont chuté dernièrement appartenaient à l’internationale socialiste.

R.D. : Oui plus ou moins. Au PS vous avez des individualités qui ont réagit comme nous. La grosse majorité des socialistes sont des moutons qui suivent le gros de la troupe mais j’ai connu ça au moment de la Guerre d’Algérie.

J.V. : En ce qui me concerne je suis contre le colonialisme et je suis contre cette prétention des uns à penser qu’ils sont supérieurs aux autres. La côte d’Ivoire est un pays indépendant depuis De Gaulle et prospère. Il y a un contentieux électoral. Qu’est-ce qui donne le droit à Monsieur Sarkozy d’intervenir dans ce contentieux électoral. Est-ce qu’il admettrait que demain un chef d’Etat Africain, Monsieur Zuma d’Afrique du Sud lui dise : « cette histoire de commission à Karachi est bizarre, il faudrait que l’enquête ait lieu plus vite. » Monsieur Sarkozy dirait : « occupez-vous de vos oignons. » Est-ce que la France est en état de donner des leçons de morale au monde entier quand on voit que les scandales prospèrent chaque jour. Des Français sont morts à Karachi pour des trafics des dirigeants Français. Des Français meurent en Afghanistan. Ils tombent par la folie de Monsieur Sarkozy et non pas pour la France. En Libye on est allé chercher querelle à Monsieur Kadhafi. On l’a reçu d’abord à Paris car on comptait qu’il achète des rafales et ceci et cela, sans doute n’en a-t-il pas acheté assez. On a monté une opération contre lui. On a dit : « c’est le Printemps arabe ». En réalité, c’est une guerre civile que nous avons inauguré en Libye. On nous dit que l’on va créer un Etat démocratique. Aujourd’hui le gouverneur de Tripoli est un islamiste. C’est l’anarchie en Côte d’Ivoire et c’est l’anarchie en Libye. Vous avez un petit chef de guerre à Tripoli à qui le gouvernement demande de rendre ses armes et qui a répondu : « on ne me parle pas sur ce ton là ». Nous avons créé l’anarchie. Nous avons menée une politique folle et criminelle. Quant aux promesses de pétrole, si demain les Américains ou les Chinois arrivent avec leurs paquets de dollars, les Libyens diront à Sarkozy : « va te faire voir ! ». Et puis quoi, on fait la guerre pour le pétrole maintenant ? Autant le dire franchement alors.

 

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C’est un peu délicat, vous avez été ministre des Affaires étrangères Monsieur Dumas, vous le savez bien.

R.D. : Comme vous dîtes…

Vous êtes d’ailleurs mandatés par Kadhafi…

J.V. : Nous sommes mandatés par Kadhafi, par son fils Seïf al Islam et par le général Senoussi.

R.D. : On ne l’a toujours pas trouvé et il se bat.

Pensez-vous que la cause de Monsieur Kadhafi soit juste ?

R.D. : Il a le droit stricto sensu pour lui. La Libye est un pays indépendant, reconnu internationalement. Il a été reçu en grande pompe par la France avec tous les honneurs dus à un chef d’Etat. On ne sait toujours pas ce qu’il c’est passé entre cette politique d’ouverture et la politique de guerre d’aujourd’hui.

J.V. : On se pose la question : est-ce que d’une part c’est pour le pétrole et est-ce que d’autre part ce n’est pas pour nous faire oublier la corruption qui existe actuellement ? Quand vous pensez que le directeur de cabinet du Premier ministre de l’époque a été mis en garde à vue pour des rétrocommissions qui ont causé la mort de nos compatriotes. Heureusement le peuple français n’est pas dupe.

Il n’a cependant pas l’air très favorable à Kadhafi…

R.D. : Oui parce que c’est un effet de propagande.

J.V. : Le but était de modifier les sondages mais cela n’empêche pas les Libyens de se battre entre eux. Regardez d’ailleurs ce qui se passe en Afghanistan ou en Irak. En Libye le gouvernement est dirigé par des anciens ministres de Kadhafi qu’on a baptisé tout d’un coup démocrates et qui sont doublés par des islamistes.

R.D. : Ce qui m’inquiète est la phrase de Sarkozy en Libye par laquelle il a dédié son discours aux combattants de la Syrie. Qu’est-ce que cela veut dire ? Va-t-on embraser tout le Proche-Orient ?

Klaus Barbie, Gbagbo même motivation ?

J.V. : Ce n’est pas comparable. Je suis un avocat et je suis là pour la défense. J’ai défendu Barbie et j’ai, de 17 à 20 ans, été volontaire des les Forces françaises libres. Ceux qui aujourd’hui prétendent être gaullistes n’ont rien foutu à cette époque.

A combien estimez-vous les chances de Gbagbo de s’en sortir ?

R.D. : Il a autant de chance d’y laisser la peau que de s’en sortir. C’est une réponse de normand que je vous fais mais c’est ce que pense!

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1 Comment

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  • delacourt , 14 juin 2013 @ 13 h 19 min

    cela m’etonne pas de verges qui pendant la guerre d’algerie a

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