Jean-Richard Sulzer est professeur de gestion à l’université Paris-Dauphine. Cet universitaire, également membre du Front national, revient pour Nouvelles de France sur les problèmes économique du moment.
On parle beaucoup d’emprunts toxiques ces derniers jours (exemple). Pouvez-vous nous rappeler ce que signifie ce terme ?
Il s’agit d’emprunts bancaires que souscrivent les collectivités ou les hôpitaux, dont le taux est initialement fixe et bas. De fait, ils attirent les gestionnaires. Puis, après une certaines période, les taux deviennent variables selon une formule, souvent fantaisiste qui peut intégrer le taux de change franc suisse contre euro. La conséquence est que les taux d’intérêts ne peuvent pas descendre en dessous du taux fixe en revanche ils peuvent monter parfois jusqu’à 30%.
Comment les collectivités peuvent-elle y faire face ?
La première solution est d’augmenter les impôts ou de diminuer les investissements. Je pense que certains élus savaient qu’ils souscrivaient des emprunts toxiques mais cela les arrangeaient de diminuer les intérêts avant les élections. Le risque est bien évidemment la sanction électorale. A Saint-Etienne, le changement de majorité est certainement dû à l’emprunt toxique.
La solution est de prendre des emprunts classiques et regrouper les emprunts toxiques dans une structure de défaisance qui assureraient le service de ses emprunts toxiques pour lequel l’Etat paierait. L’autre solution est que pour certains procès en cours, les banques soient condamnés, ayant fait souscrire des prêts dangereux à des petites communes qui ne sont pas des « emprunteurs avisés ».
La dette française préoccupe beaucoup les Français, comment remédier à son explosion ?
Le problème de la dette française est qu’elle subit un effet boule de neige. Les budgets sont déficitaires donc on emprunte pour résorber le déficit et puis on emprunte pour payer les intérêts des emprunts. Avant de rétablir l’équilibre budgétaire, il faut rétablir l’équilibre, le solde primaire de l’administration qui doit être en excédent. En ce qui concerne le gouvernement français, nous devrions réaliser à peu près 90 milliards d’économie. Ce n’est pas irréaliste, les plans Berlusconi et Zapatero prévoient des économies de cette ampleur. Si nous faisons cela, la dette cessera d’augmenter à partir de 2014,2015. Deux solutions s’imposent : augmenter les impôts, ils sont déjà lourds, ou dépenser moins.
Faut-il « dégraisser le mammouth » comme disait Claude Allègre ?
La diminution du nombre de fonctionnaires était souhaitable, le problème est qu’elle s’est faite en dépit du bon sens. Les suppressions des postes d’enseignants, du personnel hospitalier, des militaires, des fonctionnaires de police ainsi que dans le secteur de la justice, paralysent les fonctions régaliennes de l’Etat. De plus, les collectivités territoriales embauchent à tire la rigaud. Ensuite les ministères ont toujours tendance à demander une enveloppe plus importante afin de pouvoir embaucher davantage, de manière à avoir la paix avec les syndicats.
Où devrait-on couper les dépenses ?
Marine Le Pen prévoit un plan de réduction des dépenses de 75 milliards d’euros, ce à quoi s’ajoute 12 millions d’euros de recettes. Les secteurs principaux qui coûtent de l’argent sont l’immigration, la fraude sociale, le trop perçu par l’Europe et le coût de la décentralisation, je pense notamment aux doublons et aux dépenses excessives.
On dit pourtant que les immigrés rapportent à la France…
Je ne suis pas d’accord avec le rapport qui fixe à 70 milliards le coût de l’immigration. En effet, les immigrés paient des impôts qu’il convient de soustraire à ce coût estimé. En revanche, il faut rajouter le coût induit par l’immigration tel que les constructions d’écoles ou de logement sociaux que l’on peut l’évaluer à 15 milliards d’euros. Ainsi, le coût net de l’immigration s’élèverait à 50 milliards d’euros. Au coût brut de l’immigration il faut donc soustraire l’apport fiscal des immigrés et y rajouter les coûts marginaux dépensés pour les services publics.
Sur la crise de l’euro ? Vous semble-t-il souhaitable et réalisable de quitter l’euro ?
Est-ce souhaitable ? Je pense que le cas de la Grèce aujourd’hui, c’est ce qui arrivera à la France demain. A l’heure actuelle, l’euro est surévalué de 28%. La seule solution pour la Grèce c’est de revenir à la drachme et la dévaluer de 40% pour réaliser un gain de compétitivité.
Réalisable ? La Grèce sortira de l’euro sans que le Parthénon ne glisse dans la mer. En revenant à la drachme, la Grèce pourrait passer de la monnaie unique, l’euro, à la monnaie commune, l’ECU. En 1999, l’ECU était considéré comme une grande devise internationale et rayonnait. Le problème est qu’il n’y a pas de gouvernement de l’Union européenne et que les peuples n’en veulent pas. La France peut quitter l’euro et revenir au franc avec l’ECU comme devise commune. On nous dit que si la France quittait l’euro, elle devrait dévaluer le franc, c’est l’argument de Jean-François Copé. Je ne pense pas que l’on en ait besoin. Nous pouvons relancer nos exportations sans dévaluer notre monnaie. De toute manière, tant que le SMIC français ne sera pas égal au SMIC du Bangladesh, nous ne serons pas compétitifs dans des secteurs comme le textile. Or le SMIC français ne sera jamais égal à celui du Bangladesh. Il faut trouver des produits intermédiaires.
Est-ce là qu’intervient le protectionnisme ?
Le protectionnisme je l’appelle « patriotisme économique ». Marine Le Pen avait énoncé cette idée en mars et tout le monde avait parlé alors de ligne Maginot. Aujourd’hui tout le monde court derrière. Le PS avec sa « démondialisation » ou l’UMP avec la TVA sociale. La solution est d’imposer des droits de douane ciblés par produits et par pays. Le Président Obama l’a fait en taxant de 35% les pneus chinois en raison d’un dumping social déloyal, ces derniers étant fabriqués dans des conditions sociales et écologiques primaires. D’ailleurs cela permet de faire jouer à distance le principe pollueur/payeur. A ce compte là, l’Afrique ou l’Allemagne ne paierait pas de droit de douane ou très peu. Le PS accepte les droits de douane à condition que ce soit l’Europe qui les mette en place, le problème est que l’Allemagne ou le Royaume-Uni n’en veulent pas. La France doit prendre l’initiative d’instaurer des droits de douanes ou un contingentement qualitatif.
On reproche fréquemment au Front national d’avoir un programme économique peu crédible…
En mars il ne l’était pas aux yeux des médias. Marine avait beaucoup insisté sur la malfaçon congénitale de l’Europe et le protectionnisme économique. Aujourd’hui toutes les formations reprennent ce discours à leur compte. On disait que le programme économique était aberrant même s’il était cohérent. A l’heure où nous parlons certains éléments présents dans le programme se sont vérifiés. D’ailleurs sur le site du Front national, le programme économique n’a pas été réactualisé depuis le 9 mars, comme ça les gens peuvent vérifier que nous avions raison.
Marine Le Pen semble tenir un discours plus interventionniste que son père…
L’idée est que l’Etat intervienne temporairement pour nationaliser certaines firmes menacées de faillite ou de prise de contrôle par des étrangers, je pense notamment aux établissements financiers. L’Etat prendrait une participation de contrôle de certaines banques et personne ne s’y opposera si le risque de faillite existe. Si vous êtes épargnant à la BNP et que cette banque dépose le bilan, préférez-vous être remboursé par l’Etat ou n’avoir rien du tout ? Il y a bien un fond de garantie des dépôts qui est censé assurer le remboursement à hauteur de 100 000 euros par compte. Or ce fond n’est doté que de 2 milliards d’euros, c’est-à-dire 1,5 pour mille des sommes qu’il garantit. La simple faillite d’une banque de province suffirait à engloutir ce fond.
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