La Cour des comptes publie, comme chaque année, un rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques en vue du débat d’orientation que doit tenir le Parlement. Cet audit annuel des finances publiques tourne cette année au réquisitoire.
La Cour des comptes publie, comme chaque année, un rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques en vue du débat d’orientation que doit tenir le Parlement. Cet audit annuel des finances publiques montre que leur situation est “sérieuse et leurs perspectives préoccupantes“.
Concernant 2010 :
Après avoir atteint un niveau exceptionnel en 2009, le déficit public a baissé de 0,4 point en 2010 pour revenir à 7,1 % du PIB. La Cour des Comptes fait remarquer qu’il est “bien trop élevé pour contenir la progression de la dette publique“, ce qui, en langage moins châtié, veut dire que nous continuons à nous endetter et à endetter les futures générations. Ce niveau de 7.1% reste largement supérieur au déficit moyen des autres pays de la zone euro (5,8 % du PIB). Les exemples de la Suède et de l’Estonie, revenues à l’équilibre dès 2010 sont nommément cités.
Point important car contredisant le discours officiel de Bercy et du gouvernement, la Cour des Comptes stipule expressément que la crise et les mesures de relance n’expliquent qu’une part minoritaire du déficit de 2010. En effet, le déficit structurel ne s’est pas réduit et représente 5 % du PIB. Il est, par exemple, supérieur de 3 points à celui de l’Allemagne. Le déficit structurel du régime général de la sécurité sociale représente 0,7 point de PIB. La Cour de Comptes semble regretter ce dernier point alors que d’autre part, dans un autre rapport, elle avait attiré l’attention sur le fait que l’intégralité des taxes et cotisations prélevées au titre de ce même régime ne lui était pas affectée.
Concernant 2011 :
La Cour estime que le déficit public devrait nettement diminuer en 2011. L’objectif d’un déficit ramené à 5,7% du PIB, s’il donnait l’impression de pouvoir être atteint en début d’année, semble plus improbable aujourd’hui à nos sages qui font remarquer que, même atteint, ce déficit de 2011 resterait supérieur au déficit moyen des autres pays de la zone euro (3,9 %). Le déficit structurel diminuerait, certes, mais resterait lui aussi nettement supérieur à la moyenne des autres pays de la zone euro.
Quant aux engagements de notre ministre des finances à l’égard de Bruxelles, de ramener le déficit public à 2 % du PIB en 2014 (objectif affiché dans le programme de stabilité), la Cour des Comptes dit sans détour qu’ils “reposent sur des hypothèses de croissance économique et de progression des recettes favorables dont la réalisation n’est pas assurée”. Circulez.
Plus grave, et qui, certainement, devrait intéresser les prévisionnistes et les spéculateurs (à défaut d’être pris en compte par les futurs candidats à l’élection présidentielle) : la Cour des Comptes signale le risque pour la France de rejoindre les autres pays européens dont la dette devient impossible à gérer et qui se trouvent ou sont en passe de se trouver en situation de cessation de paiements. En termes choisis, cela donne : “S’il n’était pas rapidement réduit, le niveau atteint en 2010 par le déficit structurel pourrait conduire à une dette publique de 100 % du PIB dès 2016. Le risque d’emballement de la dette est une menace majeure pour la croissance et l’indépendance des choix économiques et sociaux de notre pays. En l’absence désormais de toute marge budgétaire, une hausse des taux d’intérêt le confronterait rapidement à des décisions difficiles” (extrait). Termes choisis peut être, mais néanmoins éloquents…
Concernant les comptes sociaux, la Cour des Comptes est dans l’ensemble plutôt sévère. Parmi les points soulevés qui nous semblent justifiés, son interrogation sur les incertitudes qui subsistent concernant l’équilibre en 2020 des régimes de retraite et le déficit de l’assurance maladie qui ne se réduirait que lentement, même dans les hypothèses du programme de stabilité. Elle appelle à de nouvelles mesures de redressement urgentes, faute de quoi, prévient elle, “les dettes que la CADES devra reprendre à l’ACOSS seront beaucoup plus importantes que les montants prévus dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011”.
Dans sa partie “Orientations”, la Cour semble vouloir suggérer des orientations et des dispositions politiques qui, en théorie, devraient être plutôt du ressort des élus du peuple que des “contrôleurs”. D’autant que les remèdes suggérés (maintien voire accentuation de la pression fiscale sur le patrimoine des particuliers; augmentation des CSG et CRDS, etc, etc…) sont bien connus pour tuer par leurs effets secondaires le malade qu’ils sont censés guérir. Mais nous ne demandons pas aux sages de la rue Cambon, issus des mêmes écoles que nos fonctionnaires de Bercy, d’être imaginatifs. C’est là le rôle de ceux qui vont présenter leur programme aux Français dans la perspective de 2012. Le travail qui nous est présenté aujourd’hui est remarquable. Les chiffres sont posés, les perspectives dessinées, les mensonges dénoncés.
Combien de journalistes oseront dans la campagne qui se profile mettre chaque candidat en face de ces réalités ? Nous sommes loin de la grossesse d’une telle ou des frasques de tel autre. Nous sommes dans la dure réalité du monde réel. La France a-t-elle une chance de survivre aux échéances qui se dessinent et si oui, comment ceux qui prétendent tenir la barre comptent-ils négocier les grains* qui ne vont pas manquer de s’abattre ?
* Un “grain” est une tempête qui combine à la fois vent violent, pluie drue et creux de vagues. Les signes avant coureurs en sont très souvent un calme de vent, une houle qui se creuse en silence et une mer qui verdit lorsqu’on est sur le plateau continental
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