Alors que Libération dénonçait mercredi les 25 milliards d’euros d’emprunts toxiques vendus par la banque Dexia à 5 500 établissements publics et communes de France, Nouvelles de France a rencontré Jean Fernandez, le maire de Saint-Cast-le-Guildo (Côtes d’Armor), une station balnéaire familiale de la Côte d’Émeraude au port en eau profonde flambant neuf, mise en difficulté par ces emprunts. Entretien :
Jean Fernandez, comment est-on arrivé là ?
Je m’en étonne encore. La banque Dexia a mené une campagne agressive, nous contraignant presque à renégocier une dizaine de prêts. Ils avaient à la bouche deux mots magiques : “franc suisse” et ont présenté à l’ancienne équipe municipale l’indexation de l’emprunt sur la parité entre le franc suisse et l’euro comme parfaitement sûre. Les taux d’intérêts payés par Saint-Cast-le-Guildo sont alors passés de 5% à 3,99%. Mais ça n’a duré que deux ans. En 2010, la ville a payé 8,21% d’intérêts. En 2011, c’était 15,05% !
Dexia a-t-elle trompé la confiance des élus de l’époque ?
Dexia, c’est l’ancien Crédit local de France, la banque des collectivités. Evidemment, ça a joué et la municipalité avait une confiance totale dans cet établissement. Le crédit local de France, c’était la sécurité. C’est du moins ce que croyait mon prédécesseur. Il y a eu un défaut de conseil évident. Nous avons alors voulu rembourser le prêt en une fois, quitte à réemprunter ailleurs. Mais Dexia nous réclame 5 millions en plus des 3,4 millions d’euros d’emprunts ! C’était prévu dans le contrat de prêt mais bien camouflé… Nous sommes donc parti en procès contre Dexia. La première audience a lieu le 3 octobre à Nanterre.
Vous êtes optimiste ?
Assez car ils ont commis des erreurs dans les tableaux qui figurent dans le contrat. Quelle solution avions-nous d’autre ? Nous n’allions pas rester 25 ans avec une épée de Damoclès suspendue sur nos têtes ! Saint-Cast est aujourd’hui menacée par un taux fixé chaque 10 juin à 11h du matin sur la parité entre le franc suisse et l’euro. Il conditionne nos remboursements pour toute l’année qui suit…
Y a-t-il eu, dans cette affaire, négligence, voire faute de l’ancienne équipe municipale ?
Ça aurait dû être un taux capé. Il y a faute, bien sûr… Mais avec un tel prêt sans taux capé, Dexia n’aurait jamais vu son taux descendre sous 3,99%. Ils avaient tout à gagner ! Résultat : Saint-Cast a dû verser 523 000 euros cette année à Dexia mais n’a remboursé que 72 000 euros du capital emprunté… C’est fou ! Le problème, c’est que nous sommes une petite commune de 3 500 habitants et que nous n’avons pas, durant l’année, de conseillers financiers ou d’ENArques. J’ai quand même la chance d’avoir une équipe plus lucide que la précédente.
Pensez-vous que Dexia a profité de cette situation ?
Dexia a profité de ces petites communes dont les élus n’avaient pas certaines notions nécessaires pour faire des choix éclairés. Mais attention, je ne dédouane pas mes prédécesseurs : quand on prend un prêt à taux variable, on le fait avec taux capé. C’est du bon sens ! La continuité républicaine m’impose maintenant d’assumer leurs choix de A à Z. Mais attention, je tiens à dire que la commune n’est pas en “quasi-faillite” comme l’écrit jeudi Paris Match…
Paris Match parle de vous ?
Oui, ils ont envoyé deux personnes qui sont restées deux jours, logeant à Dinard, à qui j’ai fait visiter la commune, rencontrer la Première adjointe en charge des finances, l’adjoint chargé du tourisme, la Présidente du comité des fêtes, etc. Ils ont pris au moins 150 photos. Tout ça pour deux pages aujourd’hui dont quelques lignes sur Saint-Cast et une grande photo…
Comment avez-vous évité la faillite, justement ?
Nous avons fortement diminué nos investissements.
Vous n’avez pas augmenté les impôts ?
Non, l’objectif est de les maintenir au niveau actuel. Mais à cause de ces emprunts toxiques, nous ne pouvons plus restaurer deux églises qui en ont bien besoin : Notre-Dame du Guildo et l’église de Saint-Cast (carte postale ci-contre). A la louche, il y en aurait eu pour deux millions d’euros. Nous ne pourrons pas non plus réaliser les dépenses prévues pour l’école, la station d’épuration, la rénovation de la balade du front de mer un peu vieillotte… Le projet de salle des congrès à proximité de la salle d’Armor a, lui, été mis en sommeil.
Avez-vous des contacts avec d’autres maires de communes dans la même galère ?
J’ai quelques contacts avec le maire de Cancale (Ille-et-Vilaine) à ce sujet. Mais il est difficile de fédérer les demandes lorsque l’on part en procès car chaque affaire est particulière. Ce que Dexia a proposé à Cancale ne correspond pas à ce qui a été proposé à Saint-Cast.