Ces jours-ci se tenait deux réunions passées discrètement dans l’orbite des médias occidentaux : le sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et le Forum des affaires de Boao. Tous deux avaient lieux sur l’île chinoise de Heinan. Le programme de ses réunions fut la préparation pour le Président Medvedev de la présidence russe de l’APEC (association international représentant les pays du Pacifique). Il a définit les grands axes de coopération diplomatiques, énergétiques et technologiques qu’il entendait renforcer.
Ce faisant, il rappel à l’Europe deux faits que, semble-t-il, le tropisme américano-centré de nos médias et de nos élites nous a fait oublier.
Les BRICS représentent aujourd’hui 50% de la croissance mondiale, 3 milliards de personnes et des axes diplomatiques propres. Leur refus de l’intervention en Libye en est un exemple mais on peut également voir des positions convergentes (bien qu’ayant des formes ou des justifications différentes voire opposées) sur les questions palestinienne ou iranienne. Plus qu’une diplomatie du Sud comme une sorte de néo-tiermondisme veut y croire, il s’agit d’une coopération de puissance souveraine sur leurs intérêts propres qui n’exclut pas de fortes divergences internes (entre Chine et Russie sur le nucléaire iranien par exemple).
La Russie est une puissance eurasienne et non strictement ou seulement européenne. Ses entreprises diplomatiques doivent être mises en parallèle avec les trois appels aux Européens lancés par Vladimir Poutine au mois de décembre dernier (dont un seul fut relayé, par le Spiegel). La Russie assume sa double identité géopolitique. Toutefois, même si des facteurs objectifs rapprochent la Russie de l’Europe en général (au sens géographique et culturel), les 2/3 des Russes vivent sur le versant européen de l’Oural, il est à craindre que la Russie préfère à terme se tourner vers l’Orient (vieux conflit entre les occidentalistes et les slavophiles).
L’Europe, en refusant la main tendue par la Russie voir en participant par action ou omission à des entreprises d’encerclement de la Russie par l’otanisation rampante des forces armées européennes ou des entreprises subversives dans l’étranger proche de la Russie (révolutions colorées), joue contre elle.
D’un point de vue stratégique une alliance avec la Russie nous permettrait de sécuriser les approvisionnements énergétiques de l’Europe. Cette alliance permettrait également à la Russie de sécuriser ses zones de production. En effet le cœur sibérien représente approximativement 6 millions d’habitant en face desquels les régions septentrionales de la Chine représentent 200 millions d’hommes. La Russie joue son jeu légitime de puissance et de survie. Les Européens s’interrogent eux sur le “pourquoi survivre”. La Russie a toujours eu un sens de la fragilité disait Martin Malia. L’Europe devra apprendre qu’elle aurait pu ne pas exister et que pour persévérer dans son être, il faudra qu’elle en ait la volonté.
Pour une approche des questions russes, nous vous recommandons le numéro deux de la revue Libres avec des textes de Kynasiev, Alexandre Latsa, Xavier Moreau…