Nouvelles de France a rencontré Xavier Roche, cadre dirigeant chez Réseau ferré de France, trésorier du parti de Christine Boutin et candidat malheureux aux dernières élections cantonales (canton du Pecq, de Mareil-Marly et de Fourqueux) dans les Yvelines. Entretien sans langue de bois.
Xavier Roche, comment réagissez-vous à votre résultat des cantonales ?
Je m’étais fixé comme objectif 10% voire un peu plus. J’ai fait 7,2% (11,83% à Mareil-Marly, 9,64% à Fourqueux et 5,09% au Pecq). En dessous de 5%, cela aurait été un échec. Ça n’est pas trop mal vu ma faible implantation locale même si je regrette les tirs de barrage de l’UMP locale…
Ils ont sorti la grosse artillerie contre vous ?
Oui, le Président (UMP, ndlr) du Conseil général des Yvelines Alain Schmitz, le député (UMP, ndlr) de la circonscription Pierre Morange ainsi que le sénateur-maire (UMP, ndlr) du Pecq Alain Gournac ont tous trois appelé à voter pour le candidat UMP Daniel Level (élu au second tour avec 62,59% des suffrages, ndlr).
Olivier de La Faire, le candidat PCD de Versailles, a malgré tout réussi à l’emporter au second tour dans le canton de Versailles nord-ouest…
Mon ami Olivier de La Faire a fait une excellente campagne, très visible. Le marché de Versailles permet de rencontrer les électeurs alors qu’on ne trouve rien de tel dans le canton de Fourqueux-Le Pecq-Mareil-Marly, très résidentiel : tout se passe à Saint Germain-en-Laye ! A part bien sûr les sorties de quelques supérettes… Au Pecq, les immeubles sont pour la plupart protégés par des codes d’accès : il n’est pas possible d’y faire du porte-à-porte et c’est difficile, pour des gens peu connus comme moi, de toucher les électeurs. De plus, dans cette ville, le soutien du sénateur-maire Alain Gournac à Daniel Level a été décisif.
Que pensez-vous des élections de ces candidats divers-droite (Philippe Pivert à Saint Germain-en-Laye sud, Arnaud de Courson – notre entretien – à Levallois-Perret sud, Jean-Christophe Fromantin – notre entretien – à Neuilly-sur-Seine nord, etc…) face à des candidats UMP dans des “fiefs” sarkozystes ?
Même si les enjeux de ces élections cantonales sont locaux, la politique nationale les a influencées. On voit bien que le sarkozysme s’essoufle, on pourrait même parler d’épuisement. Le comportement de certains hommes politiques comme Jean Sarkozy ou Frédéric Mitterrand y est pour quelque chose. Mais c’est surtout le vrai divorce entre les électeurs et Nicolas Sarkozy qu’il faut noter. Le Président de la République a bénéficié d’un vote de foi en 2007. Son relatif échec dégoûte complètement les électeurs de la politique. Les deux tiers des gens que j’ai croisé pendant la campagne n’avaient rien contre la droite sociale que j’incarnais mais me déclaraient que de toutes manières, ils n’iraient pas voter, “tous pourris !”. Les raisons de ce rejet sont assez floues dans la tête des gens mais le ras-le-bol est général. Au PCD, nous analysons ces résultats comme un signe fort de la fin de l’UMP qui a vécu une dizaine d’années. Elle ne devrait pas résister à l’élection présidentielle de 2012. Le PCD s’apprête d’ailleurs à quitter les locaux rue de la Boétie… Je pense que nous allons assister à la recréation d’une droite, d’un mouvement comme le RPR qui va essayer d’aller sur les brisées du FN, et à un rassemblement des centres.
« Le Président de la République a bénéficié d’un vote de foi en 2007. Son relatif échec dégoûte complètement les électeurs de la politique »
Est-ce que voyez le FN progresser dans le futur ?
A mon avis, le FN va devenir de plus en plus fréquentable. On voit bien que c’est l’objectif de Marine Le Pen. Elle surfe habilement sur le sentiment de malaise des électeurs face à des sujets qui ne sont aujourd’hui pas traités, mal traités ou considérés comme mal traités par les électeurs. Je pense donc que le FN va s’installer durablement dans la vie politique. Il y a 5 ou 6 ans, je pensais qu’il ne survivrait pas au départ de Jean-Marie Le Pen.
Pensez-vous que le futur parti de droite pourra s’allier avec le FN ?
Non, car le FN gardera longtemps l’étiquette “extrémiste” que la gauche cherche à entretenir… On a prétendu que le quinquennat poussait au bipartisme mais l’expérience montre le contraire. Par exemple, à gauche, on voit bien se détacher un bloc centriste, libéral dont le programme en matière économique n’est pas si différent de celui de la droite traditionelle et un pôle autour des Verts qui a vocation à s’installer durablement et à un niveau assez élevé. Sans oublier l’extrême-gauche libertaire.
Et le PCD dans tout ça ?
Le Parti chrétien-démocrate est un parti de témoignage qui doit alimenter la réflexion de la droite parlementaire. On n’est pas le premier ni le seul parti à proposer des valeurs chrétiennes mais l’approche politique des autres n’est pas acceptable aujourd’hui pour la droite parlementaire. Alors évidemment, on ne sera pas toujours à 100% dans la défense de valeurs qui, à titre personnel, sont les nôtres. C’est là, je crois, mon petit écart d’approche avec Sabine Faivre (notre entretien, ndlr). Le fondement de la politique, c’est le pragmatisme : je veux bien que l’on prône des valeurs entières (la suppression de la loi Veil, etc) mais alors on se “villiérise”. La politique du moindre mal, c’est d’être présent dans certaines assemblées et voter des crédits pour permettre que les femmes enceintes en détresse qui le veulent puisse garder leur enfant. L’objectif, c’est d’aider demain la Fondation Lejeune autant que le Planning familial aujourd’hui. Cela signifie accepter de participer à un gouvernement qui n’a pas 100% de nos valeurs…
Les critiques de Sabine Faivre portaient par exemple sur le projet d’assistance sexuelle aux personnes handicapées du député PCD Jean-François Chossy et plus généralement sur l’absence des députés de votre formation lors des débats sur la loi de bioéthique…
Le Parti chrétien-démocrate disposait jusqu’il y a peu de trois députés dont Jean-Frédéric Poisson (battu en juillet 2010, lors d’une élection législative partielle, ndlr) qui a toujours été dans la ligne de l’ex-Forum des républicains sociaux. Lui porte pleinement nos valeurs. Par exemple, il a quasiment vidé de sa substance la loi sur le travail dominical. Les deux autres députés, Jean-François Chossy et Dino Cinieri, ont été élus sous les couleurs UMP et ont ensuite souhaité être affiliés au Parti chrétien-démocrate. On ne les voit jamais et ils ne participent pas du tout à la vie du parti.
Mais est-ce que cette prise de position et la proposition de loi à venir du député Chossy ne brouillent pas l’image du PCD auprès de son électorat traditionnel ?
C’est clair. On doit traiter cette question lors d’une prochaine réunion du bureau politique : “est-ce qu’on se sépare d’eux ?”. Sachant aussi qu’un parti sans élu, au niveau national, est encore moins considéré. C’est pour cela que nous avons volontiers accepté ces deux députés…
« Jean-François Chossy et Dino Cinieri ? On ne les voit jamais et ils ne participent pas du tout à la vie du parti »
Sabine Faivre pointe aussi le fait que “Christine Boutin refuse de s’appuyer sur les personnes qu’elle a nommé”. Elle se plaint “d’être celle qui éteint les incendies” allumés par Christine Boutin…
Dans ce type d’affaires, il y a toujours une part de vérité et une part d’exagération. Christine Boutin est comme elle est. C’est une femme de conviction. Par exemple, pour reprendre un des points soulevés par Sabine Faivre, celui des salles de prières pour les musulmans, en tant que croyant de la religion du livre, on ne peut que partager cette préoccupation. Et en attendant, pourquoi ne pas utiliser des salles dans des presbytères ?
Mais n’y a-t-il pas un risque qu’ensuite, ces salles soient considérées comme Dar al-Islam ?
Certes, une analyse bien particulière du Coran peut conduire à ce type de réactions. Mais il faut travailler avec les musulmans modérés pour ne pas apporter d’eau au moulin d’une minorité d’extrémistes. Le pire n’est jamais certain… Au Parti chrétien-démocrate, nous souhaitons une approche sereine sur ces questions-là. Pour revenir à Christine Boutin, je pense que c’est une femme très intuitive. Elle s’est déjà faite piégée, c’est vrai. Mais qui ne l’a pas été ? Je crois que c’est une analyse journalistique que vous faites… Et puis, Sabine Faivre a le droit de penser qu’il est interdit de se tromper. Mais sur le fond, Christine Boutin est une femme de conviction et en dit beaucoup moins que ce qu’elle pense. Elle sait qu’on ne conquiert pas une place forte en marchant tout droit et en cherchant à défoncer les murs. Mieux vaut se mettre en position pour profiter des faiblesses de l’adversaire et trouver ses failles. Christine Boutin a compris qu’il ne faut pas dévoiler l’intégralité de ses intuitions car nos contemporains ne sont aujourd’hui pas prêts à les entendre.
Est-ce que Christine Boutin, sur les sujets de société où elle paraît parfois complexée, ne souffre pas de sa réputation de catholique ? Des élus comme Hervé Mariton ou Marine Le Pen les abordent, davantage sous l’angle du droit naturel, sans qu’on sache s’ils sont croyants et paraissent plus à l’aise…
Elle a probablement cette image qui lui colle à la peau. Avec Hervé Mariton (député de la nation élu de la Drôme, président du club Réforme et Modernité, ndlr), on pense depuis longtemps qu’un rapprochement est possible. Par contre, je ne suis pas certain que sur la défense de la vie, Marine Le Pen soit mieux que le Parti socialiste et qu’elle ait une quelconque certitude dans le domaine.
Le fait que Christine Boutin ne s’en tienne pas au “ni-ni” préconisé par Nicolas Sarkozy en cas de duel PS/FN au second tour ne vous a pas choqué ?
La clef de Christine Boutin, c’est qu’elle parle toujours en vérité. Elle pense juste que sur la défense de nos valeurs, l’extrême-droite ne vaut pas mieux que l’extrême-gauche et qu’en terme d’approche de l’humain, le PS est plus proche du PCD que le FN.
C’est une posture politique parce qu’elle sait qu’il est médiatiquement, pour le moment, impossible de dire le contraire, ou c’est sincère ?
Je vous assure que c’est sincère.
Sur la question de l’immigration, le Parti chrétien-démocrate semble un peu à côté de la plaque…
Au contraire. Nous pensons, au vu des poussées démographiques dans certains pays du sud, que c’est un phénomène inéluctable qu’on ne pourra pas empêcher. Alors nous sommes favorables à une régulation pacifique et intelligente. Je sais bien que notre approche est un peu décapante ! Elle passe par l’affirmation de nos valeurs, de notre chrétienté et par la lutte contre la laïcisation de la société française. Dans ce cas seulement, nous forcerons le respect des musulmans qui arrivent en France ! Ça n’est pas ces gens qui ne croient en rien, qui n’ont pour ambition que d’acheter une belle voiture, qui ne veulent pas partager et qui votent FN qui vont y contribuer ! Dire qu’on va arrêter l’immigration, c’est une galéjade, c’est impossible ! Le Parti chrétien-démocrate refuse l’angélisme soixante-huitard comme le simplisme de Marine Le Pen. Notre objectif est de réduire les flux migratoires et de réussir l’intégration des personnes qui viennent en France. Le musulman, aujourd’hui, il voit ses enfants zoner dans la rue. Qu’est-ce que la République fait pour eux ?
«Dire qu’on va arrêter l’immigration, c’est une galéjade, c’est impossible ! »
Qu’est-ce qui peut pousser quelqu’un, aujourd’hui, à adhérer au PCD ?
Ce qui nous différencie de la droite et de la gauche modérées, c’est le fait que nous ne prenions pas nos décisions en fonction des sondages mais des implications sociétales.