Il n’y a pas mieux que les mariages et les enterrements pour se retrouver en famille, dit-on. Nous en sommes témoins aujourd’hui par la concomitance fortuite de deux événements présentés comme la nouvelle communion mainstream : le mariage princier et la mort de l’ennemi public numéro 1.
Comment peut-on oser rapprocher ces deux évènements ? Non dans leurs symboliques mais dans leur réception. En effet, s’il est de bon ton de s’incliner devant les noces anglaises, il est de bon ton également de voir dans la mort d’Oussama Ben Laden l’amorce du retour à venir de l’humanité réalisée et unie. C’est cet aspect globaliste qui est gênant. Du conte de fée au roman d’espionnage de qualité moyenne, ces deux éléments ont un aspect trop lisse, le rassemblement trop forcé, la liesse trop évidente pour ne pas voir leur commune utilité.
En effet, pas plus que le mariage du fils de Diana (qui porte encore aujourd’hui l’aura de sa mère, devenant le seul espoir d’une famille princière sur le déclin), la mort du terroriste le plus recherché ne change quoi que se soit aux tendances lourdes qui travaillent actuellement la scène mondiale.
L’état actuel de l’Angleterre où la volonté de sauver les banques (quoiqu’elle fut plus sage que la nôtre car d’authentiques nationalisations ont eu lieu) a rendu la vie de toute une classe de la population britannique appauvrie depuis longtemps encore plus insupportable mais visible. L’avantage du mariage en question est d’avoir pu faire oublier le temps d’un défilé les émeutes qui ont opposé la jeunesse britannique au pouvoir londonien dont même le Prince Charles a failli faire les frais physiquement.
L’état réel des États-Unis où l’on se congratule de la mort de l’ennemi juré
Cette mort serait-elle authentique qu’elle ne pourrait que rappeler la mort d’Hannibal rapportée par Polybe, seul et encerclé, disant en substance qu’il fallait apaiser les Romains de l’existence d’un vieillard. Le milliardaire saoudien n’était plus qu’un symbole et le restera pour les hommes qui continueront à le suivre maintenant qu’il est devenu martyr. Mais pendant ce temps là, qui parle du troisième KO de Ben Bernanke (président de la Réserve fédérale des États-Unis)? Malgré l’annonce récente de la FED, les États-Unis en viendront bientôt à leur troisième planche à billet. Les conséquences pour la stabilité économique du monde, sur l’euro et les économies européennes ainsi que sur le prix des matières premières s’en feront ressentir. Aucun terroriste au monde n’a mis en danger le futur à ce point.
Toutes ces cérémonies qui tombent bien à pic pour un dernier souffle d’insouciance, ne cacheront plus longtemps les enjeux de survie. Cette euphorie qui cache l’incertitude de l’avenir n’est une nouveauté. L’histoire ne nous a rien appris. Lord Keynes ne riait-il pas déjà dans les années 1920 des rêveurs qui voyaient le monde marchant d’un même pas ?
Profitons bien de ces instants de grâce planétaire en croyant que les autres nations communient avec nous. Le monde dans sa réalité et sa complexité ne manquera pas de nous le rappeler.
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Cette page a été produite par le Cercle Aristote.