La butte Montmartre attire chaque année des millions de touristes. Vendredi matin, le pharmacien de la rue Cortot, Frédéric Loup – dit Petit Loup – a fait découvrir aux Nouvelles de France le Haut-Montmartre, “un petit joyau”. “Ici, tout le monde est en vacances”…
Mais depuis deux ans, rien ne va plus : “on a un gros problème actuellement, (…) on a des bandes organisées de gens qui arrivent des pays de l’est. Ils arrivent à 10 ou 15 (…) et ils vous agressent, vous font signer des pétitions. Soi-disant ils sont sourds et muets et pendant que vous signez la pétition, eh bien votre portefeuille a disparu”. “Sur les terrasses où les gens viennent prendre le soleil et un petit café, (…) ils vous prennent votre bouteille de Coca-Cola et votre assiette de nourriture” continue Frédéric Loup. “On voudrait préserver ce côté familial, ce côté “petit village” et de plus en plus, on a des problèmes de délinquance”. “On a demandé à la mairie, on a demandé à la police, on se pose la question de savoir ‘est-ce qu’ils veulent faire quelque chose ou est-ce qu’ils ont les moyens’ ». D’où le lancement d’une pétition proposée par tous les commerçants de la butte. Car ce que craint notre pharmacien par dessus tout, c’est que la réputation de Montmartre soit salie, le temps que les élus locaux réagissent :
Les vols de portefeuille ? “P’tit loup” a son idée sur les façons de faire des délinquants :
Il nous présente sa pétition :
Je continue ma promenade dans Montmartre et m’arrête cette fois-ci au syndicat d’initiative, place du Tertre. Une employée confirme l’explosion de la délinquance : “ça va même jusqu’à des attaques physiques : une jeune femme (…) qui n’a pas voulu céder son sac s’est faite battre, quand même (…) il y a environ une semaine”. Elle-même a été “violentée dans le dos (…) il y a 7-8 jours”. “Les larcins sont de plus en plus gros” constate-t-elle. “Les touristes viennent ici se plaindre en permanence” :
Je poursuis mon enquête. Une belle musicienne aux fleurs retient mon attention. Elle s’appelle Séverine et ne supporte plus tous ces “breakers qui n’ont rien à faire là, ils n’ont aucune autorisation pour être là, à qui on ne dit rien. On laisse faire, pff ! C’est de la musique mais à fond, à fond. On ne s’entend même plus sur le parvis tellement c’est fort. Quand on va leur dire quelque chose, c’est forcément qu’on est raciste, qu’on ne veut pas les laisser travailler (…) On se fait traiter de tous les noms”. Pour “enlever toute cette racaille qui traîne ici en permanence”, une seule solution : “un car de police ici en permanence. Par pitié, pensez à nous !” implore-t-elle. “Les gens sont vraiment à cran, là. Ils ne supportent plus ce qui se passe là” continue-t-elle.
Un constat partagé par Jean, jeune habitant de la butte. Il me fait visiter Saint-Pierre de Montmartre, une des plus vieilles églises de Paris et me montre les dégradations auxquelles sont confrontés quotidiennement les paroissiens :
Direction le parvis de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre. Sur le chemin, Jean m’explique comment travaillent les délinquants. Le jeune homme refuse d’être filmé car il a reçu “plusieurs menaces de mort” suite “à plusieurs plaintes et interventions”. Selon lui, les délinquants “essayent régulièrement de prennent en photo les policiers ou les agents de sécurité (…) pour pouvoir les retrouver après”. Lui-même aurait été reconnu par des Roumains à… Massy-Palaiseau :
Jean me montre comment travaillent les Roumains : vente de faux tickets de métro, signature de pétitions bidons. Leur objectif : faire les poches (pleines!) des touristes de passage sur la butte.
Jean en reconnaît un contre lequel il a déposé une plainte. Le jeune homme appelle la police :
Trois jeunes policiers très aimables et plutôt efficaces (aux dires des riverains) arrivent 5 minutes plus tard en vélo. Un homme les aperçoit et court prévenir ses camarades pakistanais qui remballent en moins de 5 secondes leur marchandise et quittent les lieux en quatrième vitesse, le baluchon sur l’épaule. Un policier demande devant moi à un homme qu’il soupçonne de connivence avec les vendeurs ambulants de quitter les lieux. Aussitôt, un Français lance à l’agent, sur un ton agressif : “attention, vous êtes filmés. Faites pas le con !”
Je fais connaissance avec Jean-Claude, “Jicé” dans le quartier. Il conduit le petit train de la butte de Montmartre et lui aussi, il n’en peut plus. L’homme trouve que les breakers n’ont rien à faire sur la place du parvis de la basilique et dénonce la concurrence déloyale des vendeurs à la sauvette : “ils ne payent rien”, ni emplacement ni charges… Les policiers ? “Le problème, c’est les effectifs”, surtout le week-end. “Dans le temps, il y avait un car de police qui était en permanence ici, il n’y avait aucun problème”. “J’ai été voir plusieurs fois [les breakers]. Bon, c’est vrai que, tout de suite, le ton monte. On est raciste, à la base. (…) Tout de suite, le premier mot, ‘ouais vous êtes racistes, vous ne voulez pas qu’on travaille’ ». Jean-Claude dénonce le manque de respect et prévient : “un pétage de cable, ça arrive, hein”.
Je poursuis mon enquête et rencontre une commerçante qui souhaite conserver l’anonymat, par “peur des représailles”. Selon elle, des riverains de la rue Lamarck réfléchissent à constituer une milice privée. “Il faudrait un car de police en permanence car dès que la police part, [les délinquants] remontent”. Professionnellement, les temps sont durs : “l’année dernière, j’ai plongé” confie-t-elle. La faute à la concurrence déloyale des vendeurs à la sauvette.
Je retrouve Jean qui me montre une cachette des vendeurs de boissons à la sauvette, le long de la basilique :
Dernière rencontre, avec Patrick, “petit vendeur” mais grand cœur. Lui aussi souffre de la présence des Roumains, des breakers et des voleurs sur le parvis de la basilique. Lui aussi, les agressions “sans arrêt”, “les bandes organisées” et “le manque de police” l’empêchent d’être complètement serein. “Le monde entier vient ici, ils ont une bonne image de la France”. “Ils ont agressé le prêtre dans l’église Saint-Pierre l’autre fois pour lui piquer la quête” explique-t-il à propos des Roumains. “C’est jamais arrivé à Montmartre !” confie-t-il. Mais “quand il y a la police, il n’y a plus de problème”.
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