C’est dans un appartement du palais du Saint Office que je rencontre le Cardinal Rodè. Préfet émérite de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique et ancien archevêque de Ljubljana, ce cardinal slovène me répond dans un français limpide. Francophile, il en vient à discuter du nouveau Président que les Français ont élu, de l’histoire de France et de la monarchie. C’est pourtant un autre sujet qui le pousse à me répondre ce jour-là. Il a décidé de se remémorer les instants privilégiés qu’il a vécus en compagnie du Cardinal Ratzinger puis de Benoît XVI.
C’est au début des années 1980 qu’il a fait la connaissance du Cardinal Ratzinger qui était alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi. « C’était dans l’appartement du Cardinal Poupard qui était alors archevêque. Joseph Ratzinger était à Rome depuis un an et il présentait le livre de Mgr Poupard sur la foi catholique. Il avait fait, en Français, un discours d’une très grande beauté, notamment en ce qui concerne le langage et les expressions employées. Je me souviens de l’une d’entre elles : il faisait référence à « l’arc de la Foi qui se projette sur l’existence humaine ». »
Joseph Ratzinger c’est aussi un membre de différentes congrégations qui, se remémore le Cardinal Rodè, « intervenait toujours sans note à l’occasion des assemblées plénières, mais on sentait à chaque fois que ses interventions étaient très bien préparées ». Mon interlocuteur y voit alors l’expression « d’un homme d’une rare qualité ».
En 1995, alors qu’il discutait avec le Cardinal Poupard devant la salle Paul VI, le Cardinal Rodè se souvient avoir interpelé le Cardinal Ratzinger qui passait, en lui lançant : « Le Saint-Père (Jean-Paul II, ndlr), a bien de la chance d’avoir un théologien tel que vous à ses côtés ». A ces mots, le futur Pape a souri et s’est empressé d’ajouter : « Oh ! Mais Jean-Paul II est un très bon philosophe ». « Il n’a pas nié mon compliment mais il l’a complété », me précise le prince de l’Eglise.
En 2002, celui qui n’était alors qu’archevêque de Ljubljana est venu en pèlerinage à Rome avec les séminaristes de son diocèse. Le Cardinal Ratzinger a alors « pris sur son précieux temps pour expliquer à (ses) séminaristes comment fonctionnait la Congrégation pour la doctrine de la Foi », me confie-t-il. Et de se souvenir que « déjà le Cardinal Ratzinger parlait du problème de la pédophilie et du travail que cela représentait pour sa congrégation ». « Il disait que c’était un problème que l’on retrouvait malheureusement également dans l’Eglise et que celle-ci devait débuter un travail d’action, d’information et de purification pour lutter contre celui-ci. Plus précisément, il déclarait que « l’Eglise devait faire face à ses problèmes avec courage ». »
Joseph Ratzinger c’est également un homme d’une grande culture. Le cardinal slovène se souvient avoir déclaré au Cardinal Ratzinger que son pays avait tendance à se séparer de la doctrine et que les protestants eux-mêmes s’éloignaient des doctrines de Luther en élisant même un évêque. C’est dans l’histoire que le futur Pape voyait l’explication de ce retournement. Il expliquait alors « qu’après la 1ère Guerre mondiale, les princes des pays germaniques ont disparu de la vie publique et que les protestants, désormais dépourvus de chefs, se sont mis à élire des évêques ».
Autant de qualités qui font dire à ce prince de l’Eglise : « avant l’ouverture du conclave, j’étais sûr que Joseph Ratzinger serait élu». Sûr que Benoît XVI est « l’homme de la situation », le prélat estime avoir eu une « collaboration sans faille » avec lui. Ce qui le frappe, ce sont « les discours du Saint-Père » qui reflètent « un humanisme chrétien, tant s’y retrouvent les concepts de joie, de liberté, de beauté et de vérité qui donnent du sens à la vie ». Ce Pape qui « explique des choses compliquées avec beaucoup de facilité, ce sera le Pape des discours », affirme mon interlocuteur qui n’hésite pas à le qualifier de « maître » et à le comparer « à Saint Grégoire le Grand ou à Saint Augustin ».
En tant qu’homme, l’éminence slovène trouve un certain nombre de qualités à Benoît XVI et notamment celle « d’être resté le même homme, simple, discret et si je puis me permettre, je dirais qu’il a conservé un brin de timidité ». C’est, en fin de compte, une admiration fraternelle et presque filiale qui se dégage du cardinal slovène à l’endroit d’un Pape qui « lorsque vous lui parlez, vous donne l’impression que vous êtes la personne qui compte le plus pour lui. »
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