La Cour de Strasbourg vient encore de se « distinguer » en condamnant l’Espagne le 15 mars dernier.
A l’occasion de la visite du roi d’Espagne, le porte-parole du groupe parlementaire de la gauche indépendantiste basque qualifia Juan Carlos de « véritable honte politique » et le désigna comme « celui qui protège la torture et qui impose son régime monarchique […] au moyen de la torture ». Il a été poursuivi et condamné pour injure faite au monarque. Il a porté son cas devant la Cour européenne des droits de l’homme invoquant une méconnaissance de son droit à la liberté d’expression.
La Cour a considéré que le débat qui était posé (à savoir la torture et les mauvais traitements) revêtait un intérêt public.
L’injure autorisée
Elle relève le caractère provocateur des paroles, en rappelant néanmoins qu’une dose d’exagération peut être admise s’agissant d’un débat d’intérêt public. Elle estime qu’en l’espèce, aucune incitation à la violence ou à la haine n’a été commise. Il est toutefois permis de douter du fait que comparer son Roi à un tyran ne revêt pas la moindre connotation haineuse à son endroit.
Admission d’une éventuelle responsabilité du monarque :
Ensuite la Cour décide d’appliquer à l’affaire la protection spéciale dont bénéficient les chefs d’état, toutefois, bien que celui-ci symbolise l’Etat, elle ajoute que « le fait que le roi soit “irresponsable” en vertu de la Constitution espagnole, notamment sur le plan pénal, ne saurait faire obstacle en soi au libre débat sur son éventuelle responsabilité institutionnelle, voire symbolique, à la tête de l’État, dans les limites du respect de sa réputation en tant que personne ». La juridiction admet ainsi implicitement que le Roi d’Espagne puisse être un tortionnaire.
La Cour ajoute que les propos tenus « visaient uniquement la responsabilité institutionnelle du roi en tant que chef et symbole de l’appareil étatique et des forces qui, selon les dires du requérant, avaient torturé les responsables du journal »
En d’autres termes, la Cour européenne des droits de l’homme estime qu’il est loisible pour un élu de qualifier publiquement son roi de « véritable honte politique » et d’être un dictateur à la limite de la tyrannie sanguinaire. Par cette sentence, la Cour de Strasbourg vient casser l’arrêt rendu par la justice espagnole qui a réprimé l’injure faite au chef d’Etat. On peut néanmoins douter que Juan Carlos soit connu pour sa tyrannie légendaire mais visiblement cela ne dérange pas la juridiction européenne.
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