A l’occasion d’un colloque présenté par l’Institut de la démocratie et de la coopération, Roland Dumas est revenu sur les sentiments qui animaient François Mitterrand à l’endroit de Mouammar Kadhafi. Les Nouvelles de France étaient invitées.
En 1983, Kadhafi prend contact avec François Mitterrand et demande à le rencontrer. Le Président de la République charge donc Roland Dumas de plusieurs « missions secrètes ». Ce dernier effectue trois voyages incognitos en Libye pour y rencontrer le « Guide ». Il déclare : « au 4ème voyage, Kadhafi vient me voir afin d’obtenir l’accord de la France pour remplacer le gouvernement du Tchad et il me dit :’Nasser m’a dit qu’il fallait garder de bonnes relations avec la France’ ». En définitive le retrait des troupes libyennes du Tchad avait été obtenu pacifiquement.
Alors qu’il n’était plus au gouvernement, en période de cohabitation, Roland Dumas est une nouvelle fois consulté par le chef de l’Etat. Ce dernier lui lance : « l’OTAN me demande une autorisation de survol du territoire pour bombarder la Libye, j’aimerais avoir votre avis. » Le chef de l’Etat, à l’instar de Roland Dumas, était contre alors que son premier ministre de l’époque (Jacques Chirac) y était favorable.
Une fois ministre des Affaires étrangères, Roland Dumas est, une nouvelle fois, prié d’aller voir « son ami », selon le mot de François Mitterrand. Il rencontre le dictateur libyen dans le désert, en pleine nuit, sous une tente. Celui-ci se sentait menacé par un possible bombardement américain. Le dirigeant libyen ne croyait pas si bien dire. Rentrant en France, Roland Dumas vient voir directement François Mitterrand, le réveillant en pleine nuit : « Danielle (l’épouse de François Mitterrand, ndlr) m’a alors préparé une omelette », confie l’ancien ministre des Affaires étrangères. Le Président reçoit son envoyé alors qu’il est encore dans son lit et lui lance : « vous avez bien fait de venir me voir directement parce que je viens de recevoir un message dans lequel Bush me demande de bombarder la Libye ».
Selon celui qui fut également président du Conseil constitutionnel, la frappe contre la Libye en 2011 ne peut pas être séparée de ces évènements et de l’esprit qui les a entourés. « Kadhafi n’était peut-être pas un champion des droits de l’homme mais que va être l’avenir de la Libye par rapport à son passé ? », a-t-il conclu. La chute du « Guide » était-elle programmée depuis si longtemps ? C’est ce que semble penser l’ancien ministre socialiste.