Roman Bernard est le rédacteur en chef du Cri du contribuable et du Cri.fr, édités par l’association Contribuables associés. Il répond aux questions des Nouvelles de France :
L’association Contribuables associés est-elle favorable au projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques dénoncé dans nos colonnes par Thibault Doidy de Kerguelen ?
Nous sommes pour. L’interdiction des déficits publics fait partie des 10 mesures de Contribuables associés pour 2012. Mais attention, il ne faut pas se leurrer : ce qui est prévu, dans le projet de loi constitutionnelle du gouvernement, c’est une sorte de trajectoire avec un plancher de recettes et un plafond de dépenses. Il faudrait savoir de quelle année on part : si c’est 2010, cela signifie des dépenses au moins égales à 56% du PIB !
A Contribuables associés, nous prônons l’interdiction des déficits publics à une condition : la diminution préalable des dépenses publiques. Notre déficit public est très élevé : 148,8 milliards d’euros soit 7,7% du PIB ! Nous pensons que cette interdiction des déficits publics ne doit pas devenir un nouveau moyen d’oppression du contribuable : nous réclamons donc une baisse des dépenses de l’État et surtout pas une hausse des impôts pour y parvenir. Or, aucun engagement de baisse des dépenses de l’État n’a, pour le moment, été pris par le gouvernement.
Je signale à vos lecteurs une autre proposition de loi constitutionnelle, celle du député Marc Le Fur, qui vise un retour à l’équilibre et à interdire les déficits publics à l’horizon 2018. “Constitutionnelle”, pour rendre plus difficile son abrogation – il faudrait pour cela réunir le Congrès à Versailles et obtenir les 3/5e des suffrages – même si notre Constitution a déjà été modifiée 24 fois depuis 1958. On n’est pas dans la situation américaine où amender la Constitution est très difficile. Et cette proposition présente de vraies limites : elle ne concerne que le budget de l’État, oublie ceux de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales. Elle prétend ne concerner que les dépenses de fonctionnement, pas les dépenses d’investissement. Tant que ces deux concepts ne sont pas clairement définis, on peut aisément faire passer les unes pour les autres. Certains pourraient ainsi prétendre qu’embaucher des profs, c’est investir dans l’avenir…
De plus, ces projets d’interdiction des déficits peuvent être suspendus en cas de “circonstances exceptionnelles”. Les “circonstances exceptionnelles”, c’est quelque chose de subjectif, de parfaitement relatif. Certains, comme François Baroin avant qu’il ne devienne ministre du Budget, disent par exemple que depuis 2008, la France est dans ce cas et qu’on n’aurait jamais pu avoir de plan de “relance” sans cette possibilité de s’endetter pour les dépenses d’investissement. C’est du keynésianisme, soit précisément la doctrine économique à l’origine de la crise actuelle…
Que pensez-vous du dessaisissement de nos représentants en matière fiscale dénoncé par Thibault Doidy de Kerguelen ?
Effectivement, en principe, il vaut mieux que les parlementaires se chargent de maîtriser les dépenses publiques et le déficit. Mais de nos jours, les députés n’amendent le budget de l’État qu’à la marge. Les parlementaires n’influent que sur une part infime du budget final. Il n’y a malheureusement rien de nouveau, le pouvoir étant déjà soustrait aux parlementaires. Ajoutez à cela la discipline de parti et vous comprendrez que le Parlement ne compte plus. Le gouvernement pas beaucoup plus d’ailleurs.
C’est la haute administration cogérée par les syndicats qui a le pouvoir. Tant que Bercy contrôlera la France et les syndicats d’extrême-gauche l’administration, les dépenses de l’État ne seront pas réduites et les impôts continueront à augmenter. Les Français n’en ont pas conscience mais dans la Ve République, c’est la bureaucratie qui a le pouvoir. Et c’est vrai dans d’autres pays. Regardez la Belgique : sans gouvernement, l’État continue à tourner… A Contribuables Associés, nous prônons donc l’instauration de la démocratie directe. Des études empiriques montrent que les pays qui la pratiquent sont, au niveau des déficits, en meilleure situation que les autres.
Avec comme (célèbre) contre-exemple la Californie…
Aux États-Unis, exceptée la Californie, les États les plus endettés ne sont globalement pas des États qui autorisent la démocratie directe. La démocratie directe est un outil, pas une fin en soi. Elle permet de responsabiliser le citoyen : quand il prend une mauvaise décision, il doit l’assumer ensuite.
En France, beaucoup de nos concitoyens croient que peu de gens payent des impôts alors que c’est vrai seulement pour l’impôt sur le revenu (qui n’est pas la première ressource de l’État) mais pas pour la TVA (la première ressource) par exemple, et il est possible que certains d’entre eux s’imaginent qu’augmenter les dépenses de l’État équivaudrait à faire payer les “riches”. Mais il y a un contre-exemple : lorsque le Parti socialiste suisse a proposé en novembre dernier un plancher pour la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu de chaque canton, le projet a été largement rejeté par les Suisses, même dans les cantons où l’impôt sur le revenu était déjà élevé.
Autre démenti de la théorie des choix publics selon laquelle la démocratie conduit mécaniquement à plus de dépenses publiques et d’impôts, la plupart des gouvernements qui ont réduit les dépenses publiques ont été reconduits : Thatcher, Reagan… Ils n’ont pas hésité à prendre des mesures impopulaires (ou du moins jugées telles par les journalistes), et ont été réélus.
Quand Le Figaro titre que “Cameron met les Britanniques au pain sec”, il se trompe. Cameron leur rend un peu de pain en en donnant moins aux fonctionnaires, qui ne constituent pas le peuple à eux seuls !
Les Français doivent comprendre que moins de dépenses publiques, ce n’est pas moins de prospérité pour la France, mais au contraire davantage.
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