Et si, au détour d’une loi constitutionnelle, nous voyions se profiler un changement de régime politique, éliminant définitivement toute décision populaire, même par représentation interposée, en matière fiscale ?
Le 11 mars dernier, le gouvernement a déposé un projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques (N°3253).
Ce projet de loi, votre quotidien ou votre grand média favori vous en ont fort peu parlé. Quelques uns l’ont évoqué pour traiter de la volonté affichée du gouvernement d’inscrire dans la Constitution l’interdiction du déficit budgétaire. Une mesure très contestable sur le plan politique car il peut se trouver des situations (conflits par exemple) dans lesquelles la nation doit pouvoir décider d’un déficit pour faire face à une situation extraordinaire. Cette mesure souffre aussi d’un manque total de crédibilité car elle provient du gouvernement qui a, dans l’histoire de notre pays, le plus creusé les déficits, le plus endetté et engagé les futures générations.
Mais il y a une autre dimension contenue dans ce projet de loi : la tentative de sortir la fiscalité du domaine de compétence du Parlement !
Au moment où de plus en plus de Français regardent avec envie ces pays, ces États américains où toute modification fiscale doit être obligatoirement validé par le suffrage du peuple, notre gouvernement, dans la plus grande discrétion, prépare le dessaisissement de nos représentants en matière fiscale. Entre l’interventionnisme de Bruxelles et le dirigisme du gouvernement, que va-t-il rester de notre démocratie ?
Le projet de loi constitutionnelle vise a étendre le domaine exclusif des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale à la fixation des « règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures », soit à l’ensemble des questions fiscales. En outre, l’objet des lois de financement de la sécurité sociale serait étendu à la fixation des « principes fondamentaux concernant les autres ressources de la sécurité sociale », c’est-à-dire les cotisations sociales.
Vous trouvez cela clairement énoncé dans l’article 1er (alinéas 2 à 6) du projet, qui tend à modifier l’article 34 de la Constitution afin qu’y soit inscrit que, désormais, seules des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale pourront fixer les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature.
Or, à ce jour, la fiscalité relève à la fois du domaine des lois de finance ET des lois ordinaires. Si ce projet de loi devait être adopté, les lois de finances disposeraient du monopole de la législation sur la fiscalité ! Ce faisant, en octroyant aux lois de finances l’exclusivité des mesures fiscales, nos élus se priveraient du pouvoir de déposer des propositions de loi contenant des mesures fiscales ainsi que de celui de déposer, à l’occasion d’autres débats, des amendements contenant des mesures fiscales. Dès lors, la seule initiative parlementaire possible en matière fiscale se résumerait à des dépôts d’amendements sur des projets de loi de finances dont le gouvernement serait l’initiateur et se garderait la maîtrise.
Bien évidemment, si la grande presse, plus attirée par les quotas de blancs dans le foot que par les bouleversements constitutionnels, n’a pas évoqué cette menace, le débat a déjà débuté au sein de l’hémicycle. La commission des lois, a nommé Jean Luc Warsmann rapporteur sur le sujet. Bien que favorable au projet, ce dernier demande la suppression du monopole des loi de finances. Par contre, cette demande n’apparaît pas dans l’avis de la Commission des Finances pour qui Gilles Carrez a pris le dossier.
8 débats sont prévus entre le 3 et le 10 mai prochains. Gageons qu’un nouveau fait divers permettra à vos informateurs officiels de détourner la tête…
Retrouvez en cliquant sur le lien ci-dessous tout le dossier de l’Assemblée nationale sur le projet de loi N°3253 déposé le 16 mars dernier. Les principaux éléments du projet de loi, sa présentation par le Premier Ministre, les rapports des commissions auxquels vous avez accès par des liens, les vidéos des auditions et les dates des débats :
Voir le dossier sur le site de l’Assemblée Nationale
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