En 2005, Angela Merkel, président depuis avril 2000 de l’union chrétienne-démocrate (C.D.U.), parti réputé libéral-conservateur[1], devenait chancelière. Huit ans plus tard, en septembre 2013, la physicienne était réélue pour un troisième mandat avec une large majorité, 41,5% ayant échu au CDU-CSU[2]. La stratégie électoraliste du parti — allant, il est vrai, de pair avec une certaine réussite sur le plan économique — semblait avoir triomphé. Les revirements ont été de fait nombreux : sortie de l’atome suite à l’accident de Fukushima, sous la pression médiatique[3] ; changement de système scolaire (Ganztagschule, fin des Hauptschule), abrogation du service militaire (2011), salaire minimum (avril 2014)… mesures qui étaient toutes loin de faire parti du programme du CDU lors des élections fédérales. À noter qu’en revanche, la dénaturation du mariage n’est pas à l’ordre du jour (encore que l’union civile allemande présente de moins en moins de différence avec le mariage[4]).
Dessin : L. RuyNéanmoins aux européennes, les résultats ont été moins bons : 30% pour le CDU (contre 30,7% en 2009), et surtout 5,34% contre 7,2% en 2007 pour le CSU. Samedi 14 juin, des membres du CSU, sceptiques quant à la nouvelle ligne (sinueuse) politique adoptée par les deux partis, ont donc fondé le Konservativ Ausbruch — CSU-Basisbewegung für Werte und Freiheit (c’est-à-dire, textuellement, le “sursaut conservateur — mouvement de la base du CSU pour les valeurs et la liberté”). Ils réclament un retour aux valeurs chrétiennes traditionnelles (droit à la vie, importance de la famille), un arrêt du “pillage” des citoyens, “notamment [des] jeunes”, par la surimposition, une politique d’intégration des immigrés doublée d’une limitation de l’immigration (ils s’opposent notamment à la possibilité d’obtenir la nationalité allemande à 21 ans pour les étrangers ayant vécu 8 ans au moins en Allemagne, sans abandon de leur nationalité d’origine, comme c’était auparavant obligatoirement le cas[5]).
Évoquant la possibilité d’alliance avec l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui un an après sa fondation, a réussi à se faire une place dans la vie politique allemande, avec 4 eurodéputés élus[6], le mouvement réclame avant tout un recentrage à droite du CSU (et donc du CDU).
Notes
[2] Le CSU (Union Chrétienne-Sociale) est un parti bavarois, réputé plus conservateur que le CDU, avec lequel il est allié.
[3] Ce qui n’a pas empêché le Land du Bade-Wurtemberg de passer à gauche, avec les conséquences que l’on connait.
[4] Voir notre article du 6 juin 2013, L’Allemagne et la dénaturation du mariage ; en mars 2014, il a été en outre décidé que l’union civil permettra aux homosexuels d’adopter l’enfant de leur concubin.
[5] Ce n’est qu’avec Schröder que le droit du sang, qui autrefois seul prévalait (depuis 1913), a commencé à être affaibli : il obtint en 2000 que les étrangers, sous certaines conditions (avoir un travail…), puissent désormais acquérir la nationalité allemande, à condition toutefois de renoncer à leur nationalité d’origine (sauf pour les européens depuis 2002). En 2008, le CDU imposa en plus l’obligation de réussir un test de citoyenneté (Einbürgerungstes).
[6] (…) et une entrée ratée de peu au Bundestag.
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