Plus de soixante ans après les faits, les autorités polonaises espèrent faire la lumière sur les crimes communistes de la période stalinienne et les assassinats de résistants non-communistes pendant la Seconde guerre mondiale. En particulier, elles espèrent pouvoir identifier le squelette de Witold Pilecki parmi la centaine qui fut exhumée du cimetière militaire de Powazki à Varsovie. Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’un vaste mouvement de reconnaissance des héros nationaux polonais du XXe siècle. Des médecins légistes et des archéologues ont participé aux travaux d’exhumation. Le travail est de longue haleine car il faut reconstituer et identifier les différents squelettes emmêlés sans distinction, conséquence de leur disposition aléatoire dans une fosse commune. “Il était unique au monde”, déclare sa fille Zofia Pilecka-Okulowickz, “J’aimerais avoir un endroit où je puisse allumer une bougie pour lui”. L’historien Krzysztof Szwagrzyk explique l’importance de cette démarche : “Les coupables n’ont jamais été punis et les corps des victimes n’ont pas été trouvés. Cette époque demeurera en nous tant que nous n’aurons pas trouvé les corps et que nous ne les auront pas enterré avec les honneurs dus. Nous sommes en train de leur rendre justice”. Cruelle ironie du sort, à côté de cette fosse commune où les corps des martyrs furent jetés pêle-mêle, se trouvent les tombes bien entretenues des juges et procureurs qui ont envoyé par centaines des patriotes et des résistants à la mort sur ordre de Moscou…
Witold Pilecki a la particularité d’être le seul homme connu à avoir été enfermé volontairement dans le camp de concentration d’Auschwitz afin de rendre compte de son fonctionnement de l’intérieur. Combattant de la campagne de Pologne, résistant dés 1939, il se fait capturer en septembre 1940 pour être déporté au célèbre camp de concentration avec l’accord de ses supérieurs. Une fois à l’intérieur du camp, il y organise l’Union des Organisations Militaires (Związek Organizacji Wojskowych, ZOW) destinée à recueillir et divulguer un maximum de renseignements sur le fonctionnement du camp et la déportation ainsi qu’à organiser la résistance militaire au sein même du camp. Évadé en avril 1943, il s’efforce de diffuser son rapport auprès de la résistance armée polonaise et des alliés, en vain (la résistance ne s’estime pas assez forte pour attaquer les camps et les alliés se montrent suspicieux). Par la suite, il prend part à l’insurrection de Varsovie d’août 1944, à l’issue de laquelle il est capturé par les allemands. Après la libération de 1945, il rejoint le Second corps de l’armée polonaise au sein de l’armée britannique. Il reçoit pour mission de retourner en Pologne, désormais occupée par les soviétiques. Il y recueille plusieurs informations sur les crimes communistes à l’encontre des opposants au nouveau régime et des anciens résistants membres de l’AK (Armia Krajowa). Mais il est lui-même arrêté en mai 1948, détenu, torturé et fusillé moins d’un moins plus tard après une parodie de procès. Il est considéré comme un véritable héros national de la Pologne au même titre que Jan Karski, autre résistant également déporté à Auschwitz et qui avait lui aussi envoyé un rapport aux alliés sur la déportation des juifs dans ce camp.