Breiz Riviera (solde migratoire : +23 000 personnes/an, 3,62 millions d’habitants en 2050), Breiz California (+30 000, 3,9 millions), moins improbables Breiz economica (+20 000, 3,55 millions) ou Breiz crash (solde migratoire négatif, 3,41 millions d’habitants), voici les « quatre futurs possibles » de la péninsule bretonne selon le trimestriel Bretagne[s] d’avril-juin 2008, « publié avec le concours du Conseil régional de Bretagne ».
Les Bretons de souche de plus en plus minoritaires. « En 2030, la société bretonne changera de visage : plus d’un tiers de la population adulte s’y sera installée entre 1990 et 2030 et la proportion de Bretons nés en Bretagne décroîtra sans cesse » jusqu’à passer sous les 45%, note Yves Morvan qui prévoit « une société de plus en plus hétérogène ». Un signe qui ne trompe pas : le Président socialiste du Conseil régional de Bretagne dans 19 ans, Ismet Inönu (en référence au personnage historique controversé ?), est un musulman d’origine turque, se réjouit par avance Bretagne[s]. Et contrairement à certains Bretons de souche, ce partisan du partage des églises avec les juifs le samedi et les musulmans le vendredi [1] parle (très bien) le breton ! La politique-fiction qui fait fantasmer à gauche de l’échiquier…
Une Bretagne dans le vent, comme les feuilles mortes. En 2030, « la part artificialisée du territoire atteindra 30% tandis que l’agriculture perdra 100 000 hectares » note Bretagne[s] dont le directeur de publication liste sereinement « les défis » auxquels les dirigeants de la région devront faire face… ou pas ! « Alors que la Bretagne était une terre de familles nombreuses, elle est en train de s’aligner sur le reste du pays dans un mouvement qui va se poursuivre » relève quant à lui Hervé Le Bras, directeur d’études et histoire sociale et démographie à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Pas de quoi inquiéter les avocats de la Modernité® pour lesquels la famille traditionnelle est un cobaye et qui parient sur des « solidarités nouvelles » (en fait étatiques, régionales, départementales ou municipales donc prohibitives pour le contribuable, financièrement intenables à moyen terme et dont l’efficacité reste à prouver) pour s’y substituer complètement…
Le breton, bientôt langue morte ? Même si, comme l’écrivait le journaliste Didier Eugène en 1991, « moins on le parle, plus on le parle », la question de la « survie » de la langue bretonne est posée. Un peu avant 2000, entre 240 000 et 257 000 personnes étaient « à même de parler le breton » (source : Institut TMO-Régions et INSEE), un quart d’entre eux seulement l’utilisant tous les jours, contre 1 100 000 locuteurs rien qu’en basse Bretagne en 1952 (d’après Francis Gourvil), soit une baisse de 80% en 50 ans ! Et selon le chercheur Fanch Broudic, « cette tendance à la baisse devrait se prolonger encore longtemps » du fait de l’âge des « bretonnants » : en 1997, les deux-tiers d’entre eux avaient plus de 60 ans… La faute à l’interruption de la transmission familiale à laquelle le système scolaire tente de pallier : 12 000 élèves, soit près de 2% des effectifs de l’Académie de Rennes sont aujourd’hui scolarisés en breton et plusieurs milliers d’adultes l’étudient en cours du soir ou en stage. « La langue de tous les paysans au travail » il y a 60 ans n’est perçue comme indispensable que par 2% des « Bretons » (aux Nouvelles de France, nous préférons écrire « des habitants de Bretagne ») et « utile » par 41% d’entre eux. Comme l’explique Philippe Blanchet, les « usagers volontaires » du breton devraient, d’ici 2030, se substituer aux « usagers spontanés qui ont hérité de la langue ». Des usagers convaincus de la nécessité 1) d’un retour à leurs racines ou 2) tout simplement de racines (quitte à les inventer) mais sans doute trop isolés pour parler chaque jour la langue de leurs ancêtres ou de ceux des voisins.
Le catholicisme en pleine mutation. « Reconfiguration », plutôt que « disparition » du catholicisme breton ? C’est l’avis de Yvon Tranvouez, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Bretagne occidentale. Malgré l’« effacement du clergé » en pleine « terre des prêtres », le vieillissement et la diminution de l’assistance à la messe dominicale, il constate que « l’Eglise catholique rassemble encore beaucoup de monde, mais de manière plus ponctuelle qu’avant » (bénédiction abbatiale, etc). Si dans les campagnes « qui étaient les plus pieuses autrefois », « on touche le fond » après « les grands effondrements » des années 60 et 70, « l’on assiste à un léger frémissement » dans les villes avec « une amorce de retour aux offices » qui concerne « surtout, apparemment, une population bourgeoise ». « Ce qui disparaît sous nos yeux, c’est la génération conciliaire » note notre « spécialiste du catholicisme contemporain ». Car aujourd’hui, « la mode, dans ce qui reste de l’Eglise, est à la piété, à l’émotion et à la tradition » et « des évêques plus traditionnels que leurs prédécesseurs » ont été nommés : Mgr d’Ornellas à Rennes, Mgr Centène à Vannes et Mgr Le Vert à Quimper. Et, comme le note Yvon Tranvouez, « un christianisme moderne, avenant, aimable, modéré en un mot, a moins de chance de susciter des vocations » chez les « les jeunes qui envisagent encore la carrière ecclésiastique ou religieuse », « qu’un christianisme traditionnel, austère, exigeant, radical en somme ». Tout avait déjà été dit par Bernanos : “C’est la fièvre de la jeunesse qui maintient le reste du monde à la température normale. Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents.” [2]. Et comme, paraît-il, la planète se réchauffe…
[1] « Je crois que de nos jours les choses sont claires : la religion relève de la vie privée. Et, depuis que les anciennes églises sont devenues des lieux de culte ouverts à tous, je crois vraiment qu’il n’y a plus de problème : n’est-ce pas quand même plus rationnel qu’un même bâtiment accueille les musulmans le vendredi, les juifs le samedi, les chrétiens le dimanche, et les autres jours tant de manifestations associatives et culturelles ? Rappelez-vous : il y a 25 ans encore, on se demandait qui allait entretenir les églises, et à quoi elles allaient servir ! » explique Ismet Inönu, Président du Conseil régional de Bretagne dans Bretagne[s] n°100 (dans 19 ans !). Le Président de la Bretagne manifestement fantasmé par la rédaction du trimestriel inclut-il les fest-noz et les réunions de loges maçonniques dans le programme des « manifestations associatives et culturelles » des quatre autres jours de la semaine ?
[2] dans Les Grands Cimetières sous la lune (1938).
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