Tribune libre d’Alexandre D.
C’est le feuilleton de l’été, et ça sera celui du début de l’automne. Jusqu’au déjà mythique congrès de l’UMP prévu pour la fin de l’année 2012, observateurs et amateurs de la vie politique sont condamnés à n’avoir d’yeux que pour la guerre pour la présidence du parti unique de la droite républicaine. Avec en toile de fond une autre élection, bien plus lointaine celle-ci mais déjà présente dans tous les esprits, l’élection présidentielle de 2017. Pour beaucoup le schéma est simple, celui qui parviendra à prendre la tête de l’UMP cet automne sera naturellement amené à représenter la droite en 2017. Comme si le vote de cet automne et la primaire de l’UMP prévue en 2016 n’étaient qu’une seule et même élection. Une élection qui semble totalement verrouillé, l’heureux élu ne pouvant être que François Fillon ou bien Jean-François Copé. Peu importe si d’autres tels que NKM ou bien le discret Bruno Lemaire tentent d’exister au milieu de ce duel en présentant leurs candidatures, pour le moment anecdotiques il est vrai. Or aucune loi de la vie politique ne dit que le président d’un parti doit représenter ce parti à l’élection présidentielle, alors pourquoi cette connexion présidence de l’UMP en 2012/candidature en 2017 est-elle inévitablement faite ?
L’homme au-dessus des partis. La rencontre avec le peuple, sans intermédiaires. Le vieux rêve gaullien. Qui d’ailleurs n’a jamais été rien d’autre qu’un rêve, tant les partis ont pris une place prépondérante dans la vie politique française et tant il parait indispensable d’être soutenu par l’un d’eux pour pouvoir espérer emporter une élection. Charles de Gaulle lui-même avait eu besoin d’un parti, l’UNR, pour soutenir son action lors de son retour au pouvoir en 1958, et son échec à s’imposer sous la IVème République peut en partie être imputé au fait qu’il ne disposait pas de réelle formation politique derrière lui, le RPF n’étant pas à considérer comme un vrai parti. Mais ce lien traditionnel chef de parti/meneur des batailles électorales, valable de manière quasi-permanente sous les différents régimes que la France a connu, est mis à mal par la nouvelle place de l’élection présidentielle dans nos institutions. Ainsi en 1965 le leader de la SFIO Guy Mollet refusa de tenter sa chance, et préféra accorder l’investiture de son parti à François Mitterrand qui n’était alors même pas adhérent de la SFIO. Afin de se faire élire Président de la République, le même François Mitterrand avait imposé sa domination sur la gauche d’abord en prenant la tête du PS au congrès d’Epinay de 1971, puis en parvenant malgré les années, les échecs et les ennemis à garder la mainmise sur son parti jusqu’à son élection en mai 1981. Pour Mitterrand, être premier secrétaire du PS lui conférait naturellement le titre de candidat socialiste à l’élection présidentielle, raison pour laquelle il mit tant d’énergie à conserver cette place. Et l’échec de Michel Rocard à la lui prendre lors du congrès de Metz de 1979 anéantit les ambitions présidentielles du maire de Conflans-Sainte- Honorine. En effet Mitterrand ayant habilement remporté cette sorte de primaire avant l’heure, il empêchait en restant premier secrétaire du PS son adversaire Rocard d’espérer une candidature en 1981. Chef de parti donc candidat, la corde semblait alors incassable.
D’autant que la droite et son culte de la personnalité allait également dans ce sens, avec la création par Chirac en 1976 d’un RPR entièrement dédié à sa gloire, et qui lui permettait, en tant que président du parti, de se présenter autant de fois qu’il le voulait à la présidentielle jusqu’à se faire élire. Raison pour laquelle lui aussi mit tout en œuvre pour garder la présidence du RPR malgré les assauts répétés des Pasqua, Séguin et autres pour le renverser, surtout après sa lourde défaite de 1988. Raison pour laquelle également en 1995, alors que tout le monde le disait perdu, les formidables réseaux du RPR lui permirent de mener une campagne bien plus efficace que celle d’Edouard Balladur qui, soutenu par des poids lourds du RPR mais pas par les militants, ne passa même pas le premier tour. Nicolas Sarkozy repris remarquablement le flambeau, en prenant spectaculairement la tête de l’UMP en 2004 afin de se placer comme futur candidat pour 2007. La stratégie diamétralement opposée de Dominique de Villepin, qui négligea l’appareil UMP et qui espérait être candidat en 2007 simplement grâce à sa personne et au lien qu’il pensait avoir tissé avec les Français, échoua lamentablement et prouva une nouvelle fois l’impossibilité de l’idéal gaullien. Diriger un grand parti aide donc à être candidat à l’élection présidentielle. Communistes et Front National ont globalement eu la même logique, l’inoxydable Jean-Marie Le Pen s’étant accordé cinq candidatures en tant que président du FN et George Marchais, Robert Hue et Marie-George Buffet ayant eux aussi été à la fois chefs du PCF et candidats à la présidentielle.
Les contre-exemples à cette mécanique, et pas des moindres, sont pourtant légion. L’UDF en 1988 par exemple préféra soutenir Raymond Barre qui n’était même pas membre du parti plutôt que d’envoyer son chef ou l’un de ses membres. Et en 1995, le parti centriste préféra se diviser entre balladuriens et chiraquiens plutôt que d’envoyer un candidat de son étiquette. Et les socialistes après les années Mitterrand n’ont plus jamais réussi à présenter l’un de leur premier secrétaire à l’élection présidentielle. A l’approche de 1995, tous s’étaient jeté sur le poste. Fabius et Rocard, éternels présidentiables, eurent leur chance rue de Solférino au début des années 90, tous deux de manière éphémère. Puis fin 1994, alors que le PS est dirigé par Henri Emmanuelli, personne ne pense à lui demander de se présenter, tous les regards étant alors tournés vers Jacques Delors. Et lorsque ce dernier annonça en décembre 1994 qu’il ne se présenterait pas, la primaire interne opposant le premier secrétaire du parti Emmanuelli à Lionel Jospin vit le second l’emporter très largement. En 2002, François Hollande est premier secrétaire, mais doit laisser Lionel Jospin retenter sa chance après que ses cinq années passées à Matignon lui aient donné une autorité incontestable. En 2007, Hollande toujours à la tête du PS pensait que son tour était venu, mais la tornade Royal lui chipa l’investiture du parti pour la présidentielle. Martine Aubry en 2012 ne parvint pas non plus à s’imposer comme candidate naturelle du parti malgré ses quatre années passées à le diriger.
Rien ne nous permet donc de dire aujourd’hui que le futur président de l’UMP se présentera sous les couleurs du parti en 2017. Mais les ambitieux y voient tout de même un atout non négligeable, un pas immense fait vers la candidature. Certains tentent malgré tout une approche différente, comme Alain Juppé qui propose que le président de l’UMP s’engage à ne pas se présenter en 2017, ou bien comme Xavier Bertrand ou Laurent Wauquiez qui lorgnent sur la primaire de 2016, mais qui ne semblent pas particulièrement motivés pour prendre la tête du parti. Avant l’automne 2012, il reste cinq mois. Avant 2017, cinq années. Cinq années durant lesquelles le président de l’UMP devra mener la bataille de l’opposition sans garantie de mener la bataille présidentielle. Et celui qui aura perdu la bataille de 2012 pourra alors préparer librement celle de la primaire de 2016. Copé, Fillon, Bertrand, NKM, Wauquiez, ils veulent tous être Président, avec un grand P, Président de la République. Avant d’accéder à la magistrature suprême, certains semblent utile d’être président, avec un petit p, président de l’UMP. Quelle sera la stratégie payante ? De président à Président, « la route est droite, mais la pente est forte » comme disait Jean-Pierre Raffarin.
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