Tribune libre de Pierre-François Ghisoni*
Civilisations, nous sommes mortelles !
Reste à « le » savoir comme le précisait Paul Valéry dans Variétés : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. »
Et j’ose ajouter : reste à savoir si nous ne sommes pas dans la dernière phase.
Il n’est pas d’œuvre humaine qui ne soit condamnée à périr.
Cela va du moindre écrit comme celui-ci à la civilisation dans laquelle il s’insère. Et les exemples ne manquent pas dans le monde. Celui qui aurait prédit au soir du 15 novembre 1532 que l’empire inca disparaîtrait sous les coups de douze Espagnols aurait risqué sa vie. Le 16 au soir… un Inca (le titre équivalent à empereur) et le lendemain… un prisonnier qui paiera la plus grosse rançon de l’histoire et sera néanmoins exécuté.
On pourrait multiplier les exemples. Byzance, son empire et sa civilisation tombèrent en 1453 au milieu de querelles « byzantines ». Vraie ou arrangée, nous est restée celle portant sur « le sexe des anges ».
Alors, la France de 2013 ?
Comment ne pas être frappé des similitudes internes avec les dernières élucubrations de cette minorité de minorité et de ce gouvernement, dont on ne sait plus qui supporte l’autre, qui est la corde, qui est le pendu ?
Comment ne pas être frappé des similitudes externes au moment où aujourd’hui, le même gouvernement relance la question du droit de vote des étrangers, alors qu’il subit et abandonne les zones de non-droit à une nouvelle féodalité barbare ?
Oui, les civilisations meurent. Elles meurent par la concomitance de fêlures internes et externes qui en atteignent les œuvres vives, maquillées par un hideux replâtrage. Elles meurent à cause des mannequins tonitruants aux pieds d’argile. Elles laissent des traces, et d’autres les remplacent. Elles meurent, soit parce qu’elles ont fait leur temps, soit parce qu’on n’a pas voulu traiter quand cela était encore possible.
Une civilisation à visage humain
Elisabeth Kübler-Ross, dont les travaux font autorité, dégage cinq stades successifs lorsqu’un diagnostic fatal est annoncé aux humains que nous sommes : le déni, la colère, le marchandage, la dépression, l’acceptation.
Reste à savoir comment une société se comporte en la matière. Reste à réfléchir, peut-être à agir.
Agir, c’est avoir accepté d’entendre, c’est faire le bilan des possibles sans se masquer les impossibles, c’est, prendre l’une des voies ouvertes après le stade d’acceptation : laisser-aller, s’y diriger bravement, léguer pour que le témoignage perdure.
Ici encore, les exemples historiques ne manquent pas, mais mieux vaut y réfléchir que d’alourdir ce texte. Mieux vaut faire le bilan… sans négliger l’espoir, mais sans s’y accrocher aveuglément.
Une conclusion provisoire
C’est en ce sens qu’il faut comprendre les départs, les envies de départ, ou au contraire les envies de résistance, d’enracinement, les affirmations, parfois pétries de courage, parfois pures rodomontades. C’est en ce sens qu’il faut revoir les raisons que lancent haut et fort un Depardieu, les alibis financiers d’un Arnault et de tant d’autres intouchables.
C’est en ce sens que nous continuerons.
*Pierre-François Ghisoni (blog) est écrivain et éditeur.
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