Tribune libre de Philippe Simonnot*
Angela ma sœur… une façon de pasticher l’hémistiche le plus célèbre de Jean Racine (Phèdre, 1, 3) ne serait pas admissible car il y manquerait un pied – mais pas en allemand (“Angela, Meine Schwester”). Je le risque tout de même tant je me sens proche d’elle, tant je partage ses affres. Et je le dis même en allemand : “Angela, Meine Schwester”.
J’ai en effet pour Angela Merkel de la sympathie au sens fort du terme. Comme l’étymologie grecque l’indique, sympathiser (“sun pathein”) signifie “souffrir avec”. C’est exactement cela. Je souffre avec Angela Merkel. Pas à toutes les heures du jour et de la nuit. Ce ne serait pas tenable. Mais seulement dans les moments où elle rencontre François Hollande. Et c’est déjà beaucoup de peine pour mes pauvres nerfs.
Si nous avons à nous plaindre de Hollande, nous n’avons qu’à nous à prendre à nous-mêmes, une majorité d’entre nous l’ont élu. Mais Angela, elle, n’y est pour rien, et pourtant elle doit le supporter en tête à tête plusieurs fois par mois, de sommet en sommet.
Elle s’était faite à Nicolas Sarkozy. Le gosse ne trouvant pas assez de maternage dans son ménage en trouvait auprès du giron généreux de la Chancelière. Hollande, entre deux femmes comme un vin entre deux mers, n’a pas les mêmes besoins affectifs. Il lui faudrait à Berlin autre chose qu’un Bismarck en jupon.
On devine aisément l’exaspération de la Chancelière – qu’elle parvient de moins en moins à masquer. Le Président français, nous le savons, nous, est aussi difficile à saisir qu’une savonnette, ayant l’art de dire une chose et son contraire quasiment dans la même phrase. Il se gargarise de mots qui sonnent creux, comme cette « croissance » qu’il prétend avoir remis au centre des discussions, avec cette manie bien de chez nous de se croire le nombril du monde et de donneur de leçons universelles. Ah ! merci chère Angéla d’avoir parlé de « médiocrité » à propos de ces poses prises pour la galerie journalistique, merci de ne céder en rien aux sirènes de la mutualisation des dettes, c’est-à-dire de l’irresponsabilité des États incapables d’équilibrer leurs dépenses par des recettes équivalentes. L’hypocrisie française parvient à masquer que cette mutualisation ne peut se faire qu’au détriment des citoyens de l’Europe du Nord, et principalement de l’Allemagne, puisque la France n’a pas le premier euro pour l’assumer. Cette hypocrisie de ladre me fait honte, pour tout dire.
Merci encore à Angela de rappeler avec opiniâtreté que la planche à billets n’a jamais émis autre chose que de la fausse monnaie.
Mais il y a pire que les rodomontades élyséennes quelque peu enfantines : c’est la déloyauté de Hollande vis-à-vis de cette Europe qu’il prétend construire en cherchant appui aux Etats-Unis contre l’Allemagne ; c’est aussi la manœuvre grossière de courtiser l’Italie et l’Espagne pour contourner les obstacles opposés par la chancelière allemande à la facilité. Alors que l’Europe est en train d’exploser, Gribouille prend la tête de l’Europe du Sud contre l’Europe du Nord. La France qui est encore entre les deux Europe risque ainsi de glisser définitivement dans les rangs des pays dits du « Club Med ».
J’écris ces lignes dans une charmante bourgade du Lot, Saint-Cyr Lapopie qui la nuit même de mon arrivée – cela ne s’invente pas – a obtenu le prix télévisé du village le plus aimé des Français. Déjà assailli l’été par des hordes de touristes, il sera cette fois complètement submergé – le prix payé pour la gloire médiatique d’un soir.
La France, l’Italie, l’Espagne les trois sœurs latines et leurs annexes destinées à devenir de Grands Bordels Touristiques du 21ème Siècle. Au travail à peine quatre mois par an. Voilà quelle pourrait être une figure de notre destin…
*Philippe Simonnot a publié en collaboration avec Charles Le Lien La monnaie, Histoire d’une imposture, chez Perrin.
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