Tribune libre d’Edouard Bihan*
Jusqu’à la crise de mai 68, le Français de souche, chrétien et hétéronormé pouvait vivre et s’engager dans le cadre de la République. Ça n’était pas toujours très confortable pour lui et les siens mais il le faisait loyalement dans l’esprit du Ralliement de Léon XIII. Depuis les années soixante-dix, les attaques régulières contre ce que Philippe de Villiers appelait en 1995 les cercles d’inclusion le pouce peu à peu à se désolidariser du contrat social national. Au nom de l’idéologie, l’entreprise, l’école et la famille sont depuis 40 ans systématiquement combattues par ceux qui sont pourtant censés les défendre. Pour ces gens-là, seuls comptent l’argent, le sexe et le pouvoir. Ils mettent tous les (nos !) moyens pour y parvenir sans que nous en tirions vraiment des conséquences politiques…
Nos élus, mais aussi les élites économiques et culturelles, sont devenus prisonniers de cette révolution du jouir sans contrainte qui a fait basculer la France d’une communauté nationale à un agrégat d’intérêts individuels dans un océan mondialisé. Cette forme d’incapacité, à la manière des majeurs protégés, s’est traduite par de nombreux transferts de compétences de notre État vers des structures technocratiques et supranationales. Le reliquat du pouvoir politique n’a plus d’autre objet que cette déconstruction si chère à Jacques Derrida. Il ne reste aujourd’hui plus grand chose des ressorts de notre pays. Il n’est plus vraiment capable de traverser cette ornière. Tout a été soigneusement rangé dans les musées ou les bibliothèques. On en fait parfois mémoire à la manière des spectacles folkloriques dont on dit qu’ils sont la mort en habit de fête. Avec Michel Sardou, il nous reste plus qu’à chanter : « J’étais la France, qu’est-ce qu’il en reste ? Un corps-mort pour des cormorans… ».
“Quand beaucoup de jeunes partent à l’étranger pour y réussir socialement et économiquement, il ne faudrait pas rougir d’un projet dont l’objet est de refonder une communauté de destin portée par des principes ancestraux et cette « loi naturelle » si chère au christianisme.”
Comprenons bien qu’il ne s’agit pas d’une mauvaise passe qui, avec un peu de volonté et d’inventivité, pourrait être dépassée. Les changements culturels et pour ainsi dire structurels sont très lourds et déjà anciens. N’avons-nous pas accepté l’Éducation nationale, la promotion du divorce, la dépénalisation de l’avortement, le reniement de notre histoire, la casse de la valeur travail et la stigmatisation de la réussite ? Oui, il s’agit d’un vrai et profond changement de civilisation ! Et cette loi inique et scandaleuse du mariage pour tous est un des derniers coups de boutoir qui doit sérieusement nous faire réfléchir sur le maintenant et l’après.
La problématique d’un décrochage d’une partie de la nation n’est donc pas récente. Elle apparait aujourd’hui plus clairement. Que faire ? Faut-il s’en aller ou poursuivre le combat ?
Il est vrai que « la possibilité d’une île » promue par Éric Martin est tentante. Quand beaucoup de jeunes partent à l’étranger pour y réussir socialement et économiquement, il ne faudrait pas rougir d’un projet dont l’objet est de refonder une communauté de destin portée par des principes ancestraux et cette « loi naturelle » si chère au christianisme. Même si l’ile est belle et ensoleillée, il serait tout de même difficile de se passer du granit breton et de l’olivier provençal…
Il est aussi vrai qu’une insurrection, à la manière vendéenne, nous maintiendrait dans le territoire national. Elle serait nécessairement douloureuse avec son lot de combats et de persécutions mais « quand on représente une cause (presque) perdue, il faut sonner de la trompette, sauter sur son cheval et tenter la dernière sortie, faute de quoi l’on meurt de vieillesse triste au fond de la forteresse oubliée que personne n’assiège plus parce que la vie s’en est allée » (Jean Raspail).
Il y a-t-il une troisième voie entre le phalanstère et l’épopée ?
Emmenés par un Karol Wojtyla, peut-on creuser l’idée d’une lutte spirituelle et culturelle qui viendrait irriguer les structures sociales pour aboutir à une réconciliation nationale ? Peut-être même à une restauration ?
*Edouard Bihan est consultant et formateur.
N’oubliez pas :
> La possibilité d’une île, réunion publique vendredi à Paris
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