Des lions menés par des joueurs de flûte

Tribune libre de Roman Bernard*

Il aura donc fallu que je parte en Nouvelle-France pour que l’ancienne se réveille. Pendant mes trois années à Paris (quatre même, si l’on compte une année à Chartres, où je goûtais aux délices de la vie de très-grand banlieusard), il ne s’est rien passé. Rien. Je me rappelle en souriant ces « Assises régionales de l’éducation » à Lyon et à Nantes dont les organisateurs se demandaient s’il fallait ou non prévoir des défibrillateurs en cas d’arrêt cardiaque dans l’assistance… ou le « Jour de libération fiscale », ce 28 juillet 2010, quand, après avoir envoyé une newsletter à 100 000 personnes, nous nous sommes retrouvés à trois pelés et un tondu aux Tuileries, moi ridiculement déguisé en bagnard…

Je suis parti en pensant que rien n’arriverait, décidément, et voilà que je suis démenti par les faits : 1,3 million le 13 janvier, 1,4 million le 24 mars ! Au-delà du chiffre impressionnant, ce qui est frappant, c’est d’avoir réussi à améliorer le score initial, chose très rare pour les manifs consécutives. Si je vivais toujours à Paris, je serais bien sûr allé manifester ces deux dimanches-là. Pas par réelle préoccupation du « mariage » gay, non : comme je l’ai écrit l’an dernier, le « mariage » homosexuel n’est pas notre affaire. Ses opposants prétendent défendre le mariage traditionnel en marchant, mais c’est le mariage civil, républicain, précisément institué par la Révolution pour remplacer le mariage traditionnel qu’ils défendent, illustrant ainsi que le conservateur défend toujours la dernière révolution. Comme le rappelle Ivane, la droite avait promis d’abroger le PaCS en 1999. Revenue aux affaires en 2002, elle l’a renforcé. Si Sarkozy revient en 2017, ce qui est hélas possible, non seulement la droite n’abolira pas le « mariage » gay, mais elle le consolidera. Elle le défendra ensuite contre les partisans du mariage à plusieurs. Enfin, elle prétendra l’avoir inventé contre la « gauche homophobe ». Si vous trouvez ce scénario tiré par les cheveux, intéressez-vous à la récupération de Martin Luther King, communiste revendiqué, par la droite américaine depuis trente ans.

Si, donc, je ne vais pas suivre la droite dans sa peur panique du « mariage gay », je regrette de ne pas avoir été là hier et le 13 janvier dernier. Car si tant de gens sont venus, c’était plus largement pour protester contre le projet socialiste dans son ensemble, et pas seulement contre la peccadille du « mariage » homosexuel. L’opposition à celui-ci étant pour l’heure autorisée, beaucoup ont saisi ce prétexte-là pour protester.

1,4 million ! C’est impressionnant, mais, pour paraphraser Howard Beale, « I think that was it, fellas! ». Un mouvement ne vaut, en définitive, que par son leadership, et c’est là le problème. Je salue l’engagement de ceux de mon peuple qui sont allés protester hier, car si ce ne sont pas des lions, ils valent assurément plus que les ânes qui les ont dirigés.

“Il faut dire que le droitard a du mal à comprendre que la police n’est pas son gardien, mais son ennemi… et que quand Renaud geint en parlant des « matraqueurs assermentés », il est complètement à côté de la plaque… car la police est bien de son côté, et non du nôtre.”

Pas besoin de s’attarder sur le cas de l’un des porte-parole de la manif du 13 janvier, qui accusait François Hollande de vouloir offrir des alliances en triangle rose aux futurs époux. Ce « gay contre le mariage gay » a été désavoué par ses maîtres, n’y revenons pas.

Non, c’est évidemment le cas de « Frigide Barjot » qui doit retenir notre attention. Le style, c’est la femme autant que l’homme, et l’on sait tout de cette femme-là une fois qu’on a vu cette photo déterrée par les Cégébistes, où cette « catho-déjantée » se fait peloter par Jean-François Dérec, sous le regard complice de son eunuque de mari, « Basile de Koch » (lui au moins s’est inventé un nom de scène). Entre « humoristes » ratés, il semble qu’on s’entende. Nul doute que le couple de « comiques » pas drôles a su convaincre son homologue des vertus du mariage, ainsi que de celles de Nicolas Sarkozy.

Si la photo ne suffisait pas, cette déclaration devrait enfoncer le clou : « Arrêtons de nier la réalité de la France d’aujourd’hui. Elle est black-blanc-beur et elle est contre l’adoption des enfants par des couples homosexuels ». Black-blanc-beur, la France contre le « mariage » gay ? Faux, évidemment. Comme je le prédisais l’an dernier en réponse à Jacques de Guillebon qui fantasmait une « Sainte Alliance contre le mariage gay », les manifestants étaient dans leur écrasante majorité blancs, catholiques, agnostiques ou païens. Ce sont les Français de souche qui ont manifesté, et non une chimérique alliance des religions contre une mesure dont seule la chrétienne se soucie véritablement. C’est donc ce peuple-là (et plus largement les peuples d’Occident) qu’il faut rassembler, et pas les United Colors of Religion qui n’existent que dans les cervelles pourries de ces gens-là.

M. de Droite, la trouvez-vous toujours aussi « laxiste », la police ?

Il va nous falloir autre chose, en effet.On mesure à quel point le million et presque et demi de manifestants s’est fait berner par son leadership quand on lit que « Frigide Barjot » s’est empressée de condamner les violences, alors que les seules violences qui ont éclaté ont été le fait de la police d’État. Il faut dire que le droitard a du mal à comprendre que la police n’est pas son gardien, mais son ennemi… et que quand Renaud geint en parlant des « matraqueurs assermentés », il est complètement à côté de la plaque… car la police est bien de son côté, et non du nôtre.

Chers compatriotes, j’aurais aimé défiler à vos côtés, mais pas derrière des cons pareils.

*Roman Bernard est l’ancien rédacteur en chef du Cri du contribuable. Il anime le blog Criticus. Vous pouvez retrouvez ses contributions aux Nouvelles de France ici.

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115 Comments

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  • 0 / 10
  • brennou , 27 mars 2013 @ 18 h 39 min

    @ berserk

    Nous parlons bien de la même chose, vous depuis l’origine, moi depuis que la République a voulu singer Dieu et se faire sa religion. Il a bien fallu qu’elle fasse avec ce qui est connaturel à l’homme et que maintenant elle voudrait faire disparaître avec la théorie “queer” du genre !

  • brennou , 27 mars 2013 @ 18 h 49 min

    Oui,enfin… l’Église a récupéré son bien dans le paganisme où il s’était chargé de scories diverses au fil des temps. Bien des éléments n’y évoquaient plus que des symboles de la révélation adamique, pollués par des inspirations très opposées. La pensée grecque et l’organisation de la cité romaine peuvent être considérées comme une préparation providentielle à l’essor du christianisme.

  • Jean de Sancroize , 27 mars 2013 @ 19 h 33 min

    En effet Charly, j’avais bien lu vos précédents posts. Nous sommes plusieurs à penser la même chose.

  • Roman Bernard , 27 mars 2013 @ 20 h 42 min

    Le christianisme n’est pas sorti inchangé de ce processus. En christianisant le paganisme, il s’est paganisé à son tour.

    Refuser de reconnaître que le christianisme s’est européanisé en évangélisant l’Europe (et donc continuer à penser que ce serait resté une religion du Proche-Orient), cela reviendrait à dire que le bouddhisme est une religion indienne, vu qu’il vient d’Inde. Ce serait évidemment faux : le bouddhisme est devenu une religion d’Extrême-Orient, non d’Asie du Sud. Idem pour le christianisme qui est devenu la religion de l’Europe, même si cela ennuie les chrétiens qui voudraient qu’il en aille autrement.

  • Roman Bernard , 27 mars 2013 @ 20 h 43 min

    Des deux, mais attention : il parle de la vraie droite, leaders comme électeurs, pas de l’UMP et consorts.

  • Roman Bernard , 27 mars 2013 @ 20 h 50 min

    Écoutez, ce que je dis ne tombe pas du ciel, mais du travail d’un universitaire américain, James C. Russell : The Germanization of Early Medieval Christianity. Réfléchissez avant de commenter.

  • Roman Bernard , 27 mars 2013 @ 20 h 51 min

    J’ai répondu ci-dessous.

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