Tribune libre de Christian Vanneste*
Jusque là, rien à dire. Manuel Valls semblait être le seul ministre à ne pas jouer – mal – un rôle de composition. Il avait revêtu son uniforme de premier flic de France et montré sa fermeté dans le démantèlement des camps de Roms. Il avait même recadré ses collègues de la Justice et plus encore de l’Éducation. Les réponses apportées par les forces de l’ordre aux menaces terroristes ou aux actes de violence paraissaient aussi avoir gagné en efficacité et en rapidité sur celles de ses prédécesseurs. Ajoutez à cela quelques paroles bien senties sur la République et ses principes, et les sondages faisaient pâlir de jalousie tous les autres détenteurs de maroquins. Il lui était donc nécessaire et opportun, mais en politique, c’est la même chose, de rentrer dans le rang idéologique. Aussi a-t-il cru indispensable de participer à son tour à la dévaluation de la nationalité française. Il est vrai qu’on ne peut plus s’attaquer aux valeurs monétaires. Un intérim, un vague entretien, cinq ans de présence, et l’affaire est dans le sac. On peut aller tranquillement siffler la Marseillaise.
Depuis des décennies, les gouvernants s’acharnent à cacher l’importance de l’immigration en maintenant le nombre des immigrés légaux au moyen de deux artifices : le premier consiste à sous-évaluer l’immigration clandestine et le second à naturaliser un nombre d’étrangers voisin de celui des nouveaux entrants . Cela permettait d’affirmer de manière de moins en moins convaincante pour les usagers du métro que les immigrés ne sont pas plus nombreux aujourd’hui qu’hier. Que ce grand remplacement soit la cause de difficultés majeures dans la situation de notre pays en matière de travail, d’éducation, de sécurité urbaine et de transmission de la culture nationale est une évidence. Il est nécessaire de respecter des seuils au-delà desquels l’intégration devient difficile ou impossible. L’acquisition trop facile de la nationalité masque le problème, casse la possibilité même du seuil, et constitue donc un danger objectif que Manuel Valls choisit de courir par opportunisme partisan. Mais au-delà de cette réalité sociale inquiétante, le débat sur la nationalité revêt une importance politique primordiale.
La nation doit être pour ses ressortissants une valeur soutenue par la volonté et l’affectivité. Celui qui est Français doit le vouloir et aimer la France. Le flottement sur l’attribution de la nationalité fait donc partie de ce brouillage permanent des normes, des repères et des interdits auxquels se livre jour après jour le gouvernement, que Marisol Touraine vient, une fois de plus, d’accentuer avec son soutien à l’expérimentation des salles de shot et que le ministre de l’Intérieur paraissait le seul à combattre.
Toute personne a droit à une nationalité. La première source du droit d’appartenir à la famille nationale réside logiquement dans l’appartenance à une famille, dans la filiation, et c’est le droit du sang, qui n’a strictement rien à voir avec le racisme. Au contraire, c’est le droit républicain par excellence puisqu’il accorde également à tous les citoyens ce privilège, réservé auparavant aux nobles, de transmettre une dignité d’appartenance par héritage. On dépendait du royaume par le sol, on est citoyen par naissance. Ce droit est codifié en 1804. Le retour du droit du sol ne se fera qu’en 1889, lorsque la République aura besoin de faire des soldats de tous ceux qui naissent sur son territoire. Les pays d’immigration privilégient le droit du sol pour accroître leur population. Les pays d’émigration favorisent le sang pour maintenir les liens de la diaspora. La France n’est pas l’Australie. Ce n’est pas un pays d’immigration puisqu’il est même l’un des seuls en Europe à maintenir naturellement sa population. Son besoin d’immigration est donc marginal et il est alors possible d’allier l’intérêt national qui consiste à limiter le nombre des arrivants et des naturalisés et le respect des personnes qui ne peut résider dans l’attribution automatique de la nationalité. Dans un monde où la circulation des personnes est un droit reconnu et un fait établi, l’appartenance à une nation doit être intégralement compatible avec leur dignité. C’est pourquoi elle suppose, en premier lieu, la reconnaissance d’un lien préalable de ces personnes avec une famille et, éventuellement, à travers celle-ci avec une autre nation.
En second lieu, elle doit reposer sur l’adhésion volontaire et non sur l’automaticité. Il est loisible à un étranger qui par ses propres ressources peut vivre en France en y respectant la loi de le faire : c’est l’insertion. Il doit être possible à un étranger de s’installer dans notre pays de manière définitive, mais cela doit exiger de lui un effort d’intégration culturelle. Cela doit lui interdire toute manifestation d’hostilité contre le pays où il a choisi de vivre, contre ses mœurs et ses valeurs. Il n’est nullement nécessaire qu’il en devienne citoyen. C’est l’intégration. Peut et doit, en revanche, devenir Français l’étranger qui le veut, qui exprime cette volonté, et qui veut aussi les conséquences de ce qu’il veut. Cela signifie clairement qu’il lui faut avoir choisi de vivre en France pendant suffisamment longtemps, en y participant à la création de richesses, et non en bénéficiant des avantages sociaux qui y sont généreusement distribués. Cela veut dire que l’obéissance à la loi aura été sans faille, y compris en ce qui concerne l’entrée et le séjour. Cela implique, de sa part, les efforts nécessaires à l’assimilation, la maîtrise de la langue, la connaissance de la culture, des valeurs et de l’histoire. Cela peut aussi découler de services éminents rendus au pays d’accueil, ou aux liens privilégiés et aux droits réciproques reconnus par celui-ci et par le pays d’origine. Cela induit évidemment la limitation des appartenances multiples, de la double nationalité et la déchéance de la nationalité acquise dès lors que le contrat n’est pas respecté. La carte d’identité n’est pas une carte de crédit qu’on tient avec d’autres au fond de son portefeuille, c’est une dignité assumée, une marque d’honneur méritée.
C’est un droit de l’Homme que d’avoir une patrie, mais c’est le droit éminent du Citoyen que de pouvoir voter après avoir, pour les étrangers, montré leur volonté d’être français. Les errements de la gauche sur la nationalité comme sur la citoyenneté sont troublants et inquiétants lorsqu’ils sont le fait de ceux qui, actuellement, ont entre leurs mains les destinées de notre pays, de son avenir, de sa pérennité.
*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.
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