par Eudes Turanel*
Loin de la boue des tranchées du front européen, les combats de la Première Guerre mondiale ont aussi touché les colonies des Empires allemand, britannique, français, belge et portugais. Des combats, aujourd’hui passés dans l’oubli, ont eu lieu sur le continent africain. Si les colonies allemandes du Togo, du Nigéria, du Cameroun ainsi que la Südwesten-Deutsches-Afrika (Namibie) sont rapidement tombés sous les coups conjugués des Britanniques, Français et Sud-Africains entre 1914 et 1915 (bien qu’un fort du Cameroun ait résisté jusqu’en 1916), il en fut tout autrement dans la Deutsches-Ost Afrika (Afrique Orientale allemande, soit l’actuelle Tanzanie en plus de parties de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi avec le Lac Tanganyika ainsi que la Grande Vallée du Rift), où le légendaire Generalmajor Paul-Emil von Lettow-Vorbeck allait résister pendant quatre ans à la tête de ses 12 000 Askaris contre des forces anglo-indo-sud-africano-portugaises jusqu’à dix fois supérieures en nombre. Volontairement, nous nous intéresserons infra aux combats d’Afrique Orientale, qui ont été d’une toute autre nature que ceux des fronts d’Europe et qui ont été menés avec des moyens beaucoup plus limités.
– Forces en présence lors du déclenchement des hostilités entre l’Océan Indien et la savane
Chaque belligérant ne dispose pas d’immenses ressources humaines dans les colonies d’Afrique de l’Est, sauf que les Britanniques et les Sud-Africains ont davantage de territoires et disposent très vite de la maîtrise de l’Océan Indien. L’Afrique du Sud – où il existe encore un fort ressentiment antibritannique chez les Afrikaneers depuis la fin de la Guerre des Boers – ne pratique pas la conscription mais la levée de volontaires à la fois britanniques et afrikaneers. On retrouve même d’anciens Boers à servir dans ses forces. Mais grâce aux soins de la Royal Navy, l’Armée de Sa Majesté peut compter sur l’arrivée de renforts venus de l’Indian Imperial Army et formant l’Indian Expeditionnary Force C (Brigadier J.M. Stewart).
Toutefois, les britanniques peuvent compter sur les King’s African Rifles, recrutés au sein des ethnies guerrières du Kenya, du Sud-Soudan, du Nyasaland et d’Ouganda (environ 2 800 hommes). Quant au Portugal, il n’entre dans le conflit qu’en 1917, en mobilisant les quelques unités de la colonie du Mozambique. Enfin, présente sur ce front de par la position du Congo, la Belgique met en ligne les deux brigades de la Force Publique (officiers belges et soldats indigènes) que commande le Colonel Charles Tombeur (1867-1926).
Du côté allemand, la colonie d’Ost-Afrika ne peut aligner que 200 officiers allemands et 2 000 Askari (“guerriers” en arabe) en 1914. D’ailleurs, le Gouverneur Heinrich Schnee (1871-1949), conscient du peu de forces dont il dispose, ordonne qu’aucune action hostile ne soit menée contre les colonies britanniques. Schnee se sent aussi rassuré par les déclarations du Gouverneur Général de la British Eastern Africa (Kenya plus une partie de l’Ouganda), Sir Henry Conway Belfield, qui déclare que “cette colonie n’a aucun intérêt à entrer dans la guerre.” Mais c’est surtout parce que la colonie du Kenya n’a pas encore assez de forces à disposition ! Plus réaliste quant aux intentions britanniques, le commandant des petites forces de sécurité allemandes d’Ost-Afrika (Schutztruppe), l’Oberst Paul-Emil von Lettow Vorbeck (1870-1964), s’emploie à mettre sur pied une force plus importante pour tenir la colonie. Ayant participé au matage de la révolte des Hottentots et des Hereros en Afrique du Sud-Ouest, Von Lettow-Vorbeck parle couramment le swahili ainsi que divers dialectes bantous et s’intéresse aux cultures indigènes. Les 14 compagnies d’Askari qu’il commande sont équipées à l’allemande mais bien entraînées et disciplinées. Les Askari sont recrutés parmi les ethnies de pasteurs guerriers des Héhé et des Ngoni (ou Nguni, peuple linguistiquement et culturellement apparenté aux Ndébélés et Zoulous). Ne pouvant compter au départ que sur 260 Allemands et 2 472 Askari, Lettow-Vorbeck réussira à mobiliser en deux ans 9 000 Askari de plus, 2 000 Allemands, 45 000 porteurs et 2 900 auxiliaires Ruga-Ruga (en fait des guerriers Ngoni qui ne sont pas incorporés dans les Askari).
A noter aussi que, lors d’une convalescence passée en Afrique du Sud, Paul-Emil von Lettow-Vorbeck s’était lié d’amitié avec Jan Smuts (1870-1950), ancien chef Boer qui s’est distingué en lançant des raids contre les forces britanniques en 1900, avant de signer l’armistice et de rejoindre l’Union Sud-Africaine. Les deux chefs vont se retrouver face-à-face.
Concernant leurs bien maigres forces navales, les Allemands ne peuvent aligner que peu de navires de combat à proprement parler, le croiseur SMS Königsberg et la canonnière Graf von Götzen, le reste se composant d’un navire vraquier, d’un bateau à roue et d’un remorqueur.
Lettow-Vorbeck avait vu juste. Le 5 octobre 1914, la Grande-Bretagne rompt les accords de l’Acte de Navigation du Congo (traité qui délimitait les possessions européennes dans la région). Des troupes d’Ouganda attaquent les avant-postes allemands situés sur les berges du Lac Victoria, pendant que les navires HMS Astraea et Pegasus bombardent le port de Dar-es-Salam, capitale de la colonie d’Ost-Afrika. Les Allemands répliquent le 6 août quand le SMS Königsberg arraisonne le SS City of Winchester dans le Golfe d’Aden. Le 15 août, c’est au tour des Askari de passer à l’attaque. 300 d’entre eux partant de leur cantonnement de Neu Moshi au pied du Kilimanjaro et tendent une embuscade au Britanniques qu’ils repoussent à Taveta. Conscient qu’il n’a absolument rien à gagner à mener d’inutiles batailles rangées, Von Lettow-Vorbeck va très intelligemment utiliser les différents terrains et le climat de la colonie pour mener une guerre de harcèlement et d’embuscades contre les britanniques. Et il va bien sûr pouvoir compter sur l’attachement et la fidélité de ses Askari.
Du côté du Lac Victoria, les Allemands mènent quelques raids à l’aide de petits navires fluviaux armés de canons légers, ce qui force les Britanniques à équiper eux aussi quatre navires d’usage civil. Les Allemands réussissent à s’emparer d’Uvira et de l’île d’Idjwi sur le Kivu. Ils mènent également des raids en Ouganda et au Kenya mais ceux-ci sont sans influence stratégique. Le 20 septembre 1914, le SMS Königsberg (Kommandeur Max Looff) attaque le port de Zanzibar et endommage sérieusement le HMS Pegasus. Les Britanniques vont prendre leur revanche. Le 5 novembre, les HMS Dartmouth et Weymouth bloquent le Königsberg dans le Delta du Rufiji, entre Dar-es-Salaam et Kiwa Masoko. Le navire bloqué, la Royal Navy mine l’entrée du Delta et tente de détruire le Königsberg grâce à des hydravions, en vain. Au moins le croiseur allemand ne mènera plus d’opérations de course. Le Tanganyika fait aussi l’objet de combats entre le Gouverneur allemand Gustav Zimmer et les Anglo-Belges du Commandant Geoffrey Spicer-Simson. Le 22 septembre 1914, les Allemands bombardent Albertville. Mais ils perdent toutefois le Wissmann. Quant aux Britanniques ils devront se passer de deux petits navires en novembre.
– Les batailles du Kilimanjaro, de Tanga et de Jassin
En novembre 1914, ont lieu les premières batailles terrestres d’importance, par lesquelles les Britanniques vont apprendre à se méfier de Lettow-Vorbeck, qui y démontre toute son audace et son savoir-faire. Le 3 novembre, 1 500 hommes du 29th Punjab Regiment (unité indienne) se portent à la lisière de Longido mais tombent dans une embuscade tendue par 686 Askari bien retranchés du Major Georg Kraut. Malgré un combat courageux les Sikhs sont forcés de se replier. En raison de l’obscurité, une patrouille du 8th Bn King’s African Rifle tend une embuscade à… une colonne de ravitaillement britannique. Des cavaliers allemands en profitent même pour dérober des chariots de vivres.
Entretemps, les Britanniques arrivent en vue de la ville portuaire de Tanga (située à 80 km du Kenya), évacuée de sa population civile après accord. C’est une ville d’importance car elle située au terminal de la ligne ferroviaire d’Usambara qui mène jusqu’au Kilimanjaro. Le 2 novembre, le HMS Fox arrive au large de Tanga et ordonne à la compagnie d’Askari qui tient la ville de se rendre et de remettre le drapeau impérial. Les Askari refusent et la Force B se prépare à débarquer. Mais Lettow-Vorbeck arrive en vitesse à la tête de 1 000 allemands et Askari et prépare activement sa défense, là encore basée sur l’embuscade. Le 3 novembre les 8 000 Britanniques et Indiens de la Force B, commandés par le Brigadier Arthur Edward Aitken, débarquement sur la place de Tanga. Totalement inexpérimentés, les Anglo-Indiens progressent à découvert tout droit dans le piège que leur tendent leurs ennemis. S’ensuit un violent engagement à l’issue duquel 787 Indiens et Britanniques sont tués et 360 blessés. Leurs ennemis n’ont eu que 55 blessés et 71 tués. Des corps sans vie de soldats des Indes jonchent les rues de Tanga. En très bon gentleman Paul-Emil von Lettow-Vorbeck convie Aitken à partager une bouteille de Cognac sous sa tente et lui fournit des médicaments. Aitken – toutefois furieux – décide d’évacuer Tanga, laissant à son adversaire 600 000 cartouches ! Après ce désastre, il sera immédiatement remplacé à la tête de la Force B par le Brigadier Richard Wapshare. Pour Londres, c’est une humiliation.
L’intrépide commandant allemand décide alors de s’attaquer au réseau ferroviaire de la British Eastern Africa, déplaçant les combats A L’INTÉRIEUR MÊME des possessions britanniques. Il use ingénieusement du mouvement et des incursions dans les grands espaces de l’Est africain, en menant des opérations de guérilla, pendant lesquelles ses Askari se taillent une réputation de redoutables combattants. Von Lettow-Vorbeck parvient même jusqu’en Rhodésie.
Le 18 janvier 1915, à la tête de 1 990 hommes dont 240 allemands, 400 volontaires de Zanzibar et 1 600 Askari, qui disposent de 23 mitrailleuses et de quatre canons, Lettow-Vorbeck encercle le village de Jassin tenu 300 Britanniques et KAR. On se tire dessus à cent mètres de distance. 800 Britanniques et Africains arrivent en renfort mais se font repousser à la baïonnette malgré le manque de munitions côté allemand. Le 19 janvier à 5h00, après une honorable résistance, le Captain Hanson choisi de se rendre. Malheureusement, Lettow-Vorbeck a perdu sept de ses officiers et décide d’abandonner définitivement les batailles rangées pour opter définitivement pour la guérilla. Il continue donc de s’attaquer aux voies ferrées et aux lignes de ravitaillement britanniques.
Côté naval, le 26 novembre 1915, le SMS Kingani se fait prendre au piège sur le Tanganyika par trois navires britanniques et une vedette belge. Après un bref échange de tir, le bateau allemand est coulé.
– L’arrivée de Jan Smuts et le renforcement britannique
Londres envoie le General Horace Smith-Dorrien (1858-1930) en Afrique Orientale avec pour ordre de « trouver et d’anéantir von Lettow-Vorbeck ». Malheureusement, Smith-Dorrien contracte une maladie qui l’empêche de prendre son commandement. C’est alors le Sud-Africain Jan Smuts – l’ancien ami de Lettow-Vorbeck – qui prend alors le commandement des opérations, après avoir réduit au silence l’insurrection nationaliste afrikaner dite de Maritz (Five Shilling Rebellion) menée par les anciens chefs Boers Beyers, Chritiaan De Wet, Jan Christoffel Kemp et Koos De la Rey.
Smuts regroupe et redéploie ses forces. Il dispose maintenant de 13 000 hommes venus de Grande-Bretagne, d’Afrique du Sud – dont d’anciens Boers – et de Rhodésie, 7 000 Indiens et soldats des King’s African Rifles. S’ajoutent à ces 20 000 hommes, 400 000 porteurs africains du Carrier Corps qui assureront le ravitaillement.
De concert avec la Force Publique belge, Jan Smuts décide d’attaquer Lettow-Vorbeck sur quatre axes.
1. Britanniques, Sud-Africains, Indiens et KAR progressont depuis le nord du Kenya
2. Un autre contingent partira du Sud-Est du Kenya afin de dépasser le Lac Nyasa (Lac Malawià
3. Des troupes embarquées sur deux navires (Rusinga et Usoga) progresseront dans la Vallée du Rift depuis les rives du Lac Victoria.
4. Les éléments de la Force Publique attaqueront la colonie allemande depuis l’Ouest par le Kivu
De son côté, von Lettow-Vorbeck peut maintenant aligner 13 800 hommes dont 1 800 européens.
– Reprise des combats de 1916 ; entrée en scène de la Force Publique et de la “Lake Force”
Le 18 avril 1916, les Colonel Charles Tombeur et Philippe Molitor lancent la Force Publique (environ quinze bataillons) à l’offensive, bénéficiant de l’appui de nombreux porteurs. Le 6 mai, après une progression d’une semaine dans la forêt et les colonies et au prix d’un violent engagement face aux Askari, Kigali tombe. Le 6 juin, le 2e Régiment de la Brigade Sud du Lt-Col Frédérick Olsen capture Usumbura. Le 12 juin, attaquée par un avion, la canonnière SMS Graf von Götzen est immobilisée dans le port de Kingoma sur le Tanganyika. Le 27 juillet, la Brigade Sud occupe Kingoma et le 28 c’est au tour d’Uji, permettant ainsi aux Belges de contrôler le terminal de la Tanganjikabahn (voie ferroviaire d’Usumbara). Enfin, le même jour la vedette Neta coule le remorqueur du Graf von Götzen qui est forcée de se saborder. Il n’y a plus de menace allemande sérieuse sur le Tanganyika. Le Rwanda et le Burundi peuvent alors être occupés. Ils pénètrent alors plus loin en Tanzanie mais Smuts leur ordonne de rebrousser chemin, tout en le permettant de conserver les deux colonies sous contrôle.
Le 14 juillet 1916, la Lake Force du Colonel Charles Crew s’empare de Mwanza. Le 28 août, elle capture Shinyanga. Le 16 septembre, après avoir intercepté un message faisant étant de l’éminence de l’assaut britannique que Tabora, les Allemands évacuent la ville qui est prise le lendemain. Suite à ses graves problèmes de ravitaillement, la Lake Force est dissoute et une partie de son personnel médical envoyé au sein du 4th Bn. KAR.
– 1916 – 1918, dernières victoires défensives allemandes
Le 19 septembre 1916, les Portugais du Général José César Fereire Gil, avec 120 officiers et 4 000 soldats africains mal équipés, tentent de lancer une offensive en Afrique Orientale allemande depuis le Mozambique. Mais ils se font violemment repoussés le 29 novembre à Newala et doivent se retirer sur leurs lignes de départ.
En juillet 1917, le Lt-Gen. Jacob Louis Van Deventer (1874-1922), qui a remplacé Hoskins, qui a lui-même succédé quelques mois à Jan Smuts (parti pour le Cabinet de Guerre Britannique à la demande de Lloyd-George), lance une grande offensive afin de mettre fin définitivement à la résistance de Lettow-Vorbeck. Celui-ci et le gros de ses troupes se concentrent dans la région des Monts Uluguru. S’il ne peut arrêter l’avance des Britanniques, le chef allemand est d’autant plus capable de retarder leur progression. Et c’est ce à quoi il va s’employer par les embuscades et la guérilla.
Van Deventer demande immédiatement l’aide au Congo Belge qui dépêche encore la Force Publique au Rwanda et au Burundi.
Le plan de van Deventer (qui ne modifie pas grand-chose à celui de Smuts) est le suivant ;
1. Britanniques, Sud-Africains et KAR doivent former la partie sud de la tenaille qui encerclera les forces allemandes.
2. Les Belges formeront la tenaille ouest.
3. Les Portugais doivent couper toute retraite à Lettow-Vorbeck.
Malheureusement pour Deventer, les choses ne vont pas se passer comme il l’avait prévu.
Le 21 août, la Brigade Sud de la Force Publique du Lt-Col Armand Huyghé (1871-1944) arrive au contact de l’arrière-garde allemande sur la rivière Ruaha et se dirige vers Mahenge où stationnent 2 700 Allemands et Askaris. De violents combats éclatent pendant quatre jours avant que les Belges ne prennent finalement Mahenge le 9 octobre. Mais l’intrépide colonel allemand a réussi à s’enfuir vers la frontière avec le Mozambique. Deux colonnes allemandes progressent pour se rejoindre sur la Ruvuma. Les Britanniques de la Nigeria Brigade tentent de les intercepter mais ils ont oublié une chose. Quand ils peuvent affronter Lettow-Vorbeck, c’est que celui-ci l’a décidé. L’affrontement a lieu entre les 15 et 18 octobre à Mahiwa. C’est encore une incontestable victoire pour Lettow-Vorbeck qui perd seulement 519 hommes contre 2 700 pour la Nigeria Brigade. Mais compte-tenu des forces britanniques toujours supérieures en nombre, Lettow-Vorbeck repasse la Ruvuma pour aller s’attaquer aux Portugais, beaucoup moins bien entraînés et mal équipés. Passant la frontière avec le Mozambique, Allemands et Askari attaquent la garnison de Negomano (1 200 hommes) le 28 novembre 1917. Complètement surpris, les officiers portugais, les soldats et leurs auxiliaires africains s’effondrent. Seuls 300 hommes en réchappent. Les Allemands font 550 prisonniers après avoir tué 227 hommes. Ils mettent aussi la main sur un important butin (vivres, munitions et armes, dont les nouveaux Mauser 1907). La colonne de Lettow-Vorbeck – qui vient être promu Generalmajor – reste alors au Mozambique pour éviter plus de pertes. En fait, les Portugais n’ont pas souhaité que les Britanniques mènent des opérations à partir de leur colonie, ce qui profite bien sûr aux Allemands.
Malheureusement, l’autre colonne allemande, celle de l’Hauptmann Tafel, tombe tout droit dans les avants-gardes Britanniques et Sud-Africaines et n’a d’autre choix que de se rendre. 5 000 hommes sont ainsi perdus. Pertes irremplaçables.
Le 3 juillet 1918, après avoir reposé ses forces, Paul-Emil von Lettow-Vorbeck se lance dans un raid qui stupéfie tout le monde. En effet, partant du nord du Mozambique, il traverse toute la colonie pour s’attaquer à la ville de Namacurra, tout au sud et proche de la frontière de l’Afrique du Sud… avant de remonter tout droit vers la Tanzanie. Contre toute attente l’opération est un succès.
Enfin le 13 novembre 1918, alors qu’en Europe la guerre vient de s’achever avec l’Armistice de Rethondes, l’intrépide commandant allemand qui ignore tout de ce qui se passe ailleurs, prend et incendie la ville de Kasama en Rhodésie du Nord (actuelle Zambie), qui a été évacuée. Le 14 novembre à 7h30, sur la rivière Chambezi, Lettow-Vorbeck apprend enfin par télégramme que l’armistice a été signé. Le 25 novembre, invaincu, le Generalmajor Paul-Emil von Lettow-Vorbeck part pour Abercorn (au nord de la Zambie, à la frontière avec la Tanzanie) à la tête de ses Allemands, Askaris et Ruga-Ruga pour déposer les armes. Il est l’un des chefs allemands restés invaincu tout au long du conflit.
A l’issue de la fin de la guerre en Afrique Orientale et selon les accords du Traité de Versailles, les Britanniques mettront la main sur le Tanganyika et la Tanzanie, pendant que les Belges conserveront le Burundi et le Rwanda. En janvier 1919, Paul-Emil von Lettow-Vorbeck rentre en Allemagne et défile sous la porte de Brandebourg avec ses soldats allemands et quelques Askari sous les acclamations.
*Eudes Turanel est historien.