Parmi les bonnes nouvelles de l’été, nous en devons au moins une à Martine Aubry. La camarade Premier secrétaire du parti gouvernemental vient en effet de constater que, désormais, les conditions étaient réunies pour qu’elle quitte la direction du parti.
Pour mesurer la grosseur de la ficelle on examinera les arguments :
Madame le maire de Lille s’exprimait récemment (1) à propos du congrès qui doit se tenir à Toulouse du 26 au 28 octobre. Et elle déclarait : “Si tout se passe comme je le souhaite (…) et il n’y a pas de raison que cela ne soit pas ainsi -, je ne serai plus la première secrétaire du Parti socialiste.”
“Je crois, ajoutait-elle, que la rénovation, c’est aussi faire venir [toujours la même faute de français] de nouvelles équipes. Mais ne vous inquiétez pas, ma voix reste la même et je continuerai à combattre pour que mon pays aille mieux auprès du président de la République, auprès du gouvernement et évidemment à l’intérieur du PS, et puis dans ma ville et dans ma métropole”.
Or, “sa métropole” cela inclut la très importante “technopole verte” de Villeneuve-d’Ascq et ses 60 000 habitants, d’où l’on a expulsé manu militari le 9 août des gens du voyage. Ceci s’est opéré au grand scandale de ce qu’on appelle abusivement “les associations”, c’est-à-dire de ces petits organismes généralement subventionnaires, dont les agitateurs permanents vivent le plus souvent eux-mêmes d’argent public. Mais ce qui choque les dites bonnes âmes a recueilli les applaudissements des habitants, citoyens et contribuables
Les braves gens, de leur côté, ont pu imaginer, un instant, – mais que ne va-t-on pas croire ? – qu’il existait une ombre de discord entre le ministre de l’Intérieur Manuel Valls et la grande dame de Lille. Certains médiats se sont fait l’écho, une semaine après les événements d’une rumeur de désaccord entre les deux personnalités, elles-mêmes représentatives de sensibilités fort antagonistes au sein de la gauche.
Voici très exactement les précisions qu’apporte (2) le ministre : “Nous avons, avec les élus de la communauté urbaine de Lille, avec le maire de Villeneuve-d’Ascq, fait évacuer deux campements illicites. La préfecture a été en contact permanent avec le cabinet de Martine Aubry et avec le premier vice-président, puisqu’elle était en vacances”. Manuel Valls va même jusqu’à affirmer que Martine Aubry dément(irait)“fermement et avec la plus grande énergie” être en conflit avec lui sur ce sujet.
Au contraire le quotidien Le Parisien/Aujourd’hui en France publie (3) un article intitulé “La colère de Martine Aubry contre Manuel Valls”.
Peut-on se trouver en présence de deux thèses aussi contradictoires sans que l’une soit mensongère ?
“La vraie question qui se pose semble véritablement : combien de temps les illusionnistes de gauche pourront-ils encore faire illusion ?”
Dans la logique de Port-Royal continuant Aristote une proposition doit être tenu soit pour vraie, soit pour fausse : principe du tiers exclu.
Dans celle de la gauche plurielle, il n’en va pas ainsi.
Sur le moment techniquement les services de Martine Aubry ne pouvaient faire autre chose que d’approuver l’application de la loi républicaine et les désirs de la population composée d’électeurs excédés. Ils le pouvaient d’autant moins que le gouvernement entend actuellement montrer sa détermination dans la lutte contre l’insécurité. Donc, de ce point de vue, le ministre Valls a raison.
Mais après coup, politiquement, et dans la perspective de la fin de mandat de la Première secrétaire du parti socialiste au congrès d’octobre la fille de Jacques Delors a besoin de “tomber à gauche” comme elle fit en quittant le gouvernement Jospin. Elle sut en démissionner à temps. Il s’agissait à l’époque, pour elle, de conquérir la mairie de Lille après avoir institué les 35 heures. Aujourd’hui elle espère encore représenter ceux qui ont voté Hollande le 6 mai, tout en se gardant d’approuver les concessions que le nouveau président sera très bientôt contraint de faire, dans les affaires européennes notamment. Par conséquent, elle entend démarquer son“image” personnelle de tout ce qui contrarie Mélenchon, le NPA, les permanents des associations subventionnaires, le grand-orient de France, les cathos progressistes etc. Sous cet angle, on peut ainsi soutenir que Le Parisien n’a pas tort. Aubry a piqué sa colère.
Ceci permet à Mélenchon, toujours bien intentionné de faire remarquer (4) que“Valls a fait du Valls, mais François Hollande aurait dû intervenir. C’est lui le patron, non ?”
Ah elle devient vraiment de plus en plus passionnante la politique française sous la présidence de Monsieur Normal… Mais la vraie question qui se pose semble véritablement : combien de temps les illusionnistes de gauche pourront-ils encore faire illusion ?
Cet article a été publié en partenariat avec L’Insolent.
1. le 17 août sur Europe 1.
2. le 18 août lors d’un déplacement dans le Var.
3. cf. Le Parisien/Aujourd’hui en France du 18 août.
4. cf. Le Journal du Dimanche du 19 août.
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