Si je manifeste aujourd’hui, c’est que j’en ai assez de cette société sans âme et sans avenir

par Le Scribe

Français, je reviens de Rome. Là-bas j’ai vu le Pape François et j’ai vu cette foule transportée de joie, et j’ai compris. Je ne suis pas mystique mais j’ai compris que la vraie beauté en ce monde se confondait nécessairement avec la bonté dans un vaste et mystérieux gonflement de l’âme humaine, et que notre pauvre société désenchantée et individualiste en était par essence incapable. Par essence.

Car les gens doivent comprendre qu’ils vont vivre dans un monde de plus en plus laid. Que tout ce qu’ils aiment va disparaître, est entrain de disparaître. Les petits oiseaux, la mer bleue, le bon miel et les Noëls en famille. Leur environnement naturel, visuel, alimentaire, économique, matériel, moral, spirituel, ne va cesser de se dégrader, décennies après décennies. À moins d’une guerre qui redonnerait une pincée de trente glorieuses aux quelques survivants qui s’empresseraient de refaire le même film encore et encore (cf. Ravage de Barjavel), Rien ne changera à la pente qui est la nôtre depuis l’avènement de la télévision et du Coca-Cola. Et ce ne sont pas les sacs réutilisables Monoprix et les Autolibs à l’électricité nucléaire qui vont infléchir la tendance, malheureusement.

Car le problème n’est pas dans les moyens. Mais dans la fin. Un monde qui ne propose que l’assouvissement des plaisirs individuels et matériels comme tout horizon à l’ambition humaine ne peut rien donner de bon. Ses fruits sont gâtés dès la racine. Et il n’est pas étonnant, que ce soit la bêtise, l’arbitraire, la pollution, la violence, l’uniformisation, l’isolement, la décomposition du corps social et la destruction familiale qui découlent et deviennent la norme de cette civilisation dénuée de toute dimension autre que matérielle. En tuant les dieux et les rois nous n’avons pas libéré l’homme mais nous l’avons tué. Car nous avons tuer les raisons qu’il avait de croire qu’il n’était peut-être pas la seule finalité de sa vie. La révolution par le Vide, 1789-1968, a lamentablement échoué. Et nous en faisons les frais.

Faire la Révolution à l’envers

Oui mais voilà. Moi, je ne veux pas vivre dans un tel monde. Je n’ai pas envie de voir disparaître tout ce à quoi je tiens, la belle campagne française ravagée par les zones industrielles, la politesse dues au dames remplacée par les tournantes en HLM, bref tout ce que je tiens pour bel et bon et que je souhaite que mes enfants puissent vivre à leur tour. Je ne veux pas laisser faire, je ne veux pas ME laisser faire, je veux me battre. Moi aussi je veux faire la Révolution. Mais dans l’autre sens. Et pourquoi pas après tout ? L’Histoire n’est-elle pas un grand balancier ? Faire la Révolution qui vous tient à cœur c’est sans doute le plus beau rôle que l’on puisse jouer au cours de son passage ici-bas.

“Les gens doivent comprendre qu’ils vont vivre dans un monde de plus en plus laid. Que tout ce qu’ils aiment va disparaître, est entrain de disparaître.”

Si 1789 puis 1968 ont mis à l’honneur le relativisme et consacré le “progrès” comme l’alpha et l’oméga du phénomène humain donnant ainsi naissance à la société de consommation, à cette “société du Spectacle” qui se repait du Rien (cf. Guy Debord, Philippe Murray), alors je veux faire l’inverse. Je veux ériger un monde dont la dynamique profonde soit la recherche du plein, du valable, du vrai, du grand, du bon, du difficile, du spirituel, du pur, de l’essentiel. C’est à dire du beau. Car la beauté contrairement à ce qu’on nous assène ne relève pas de la pure subjectivité. Au contraire, si “la beauté sauvera le monde” (Dostoievski), c’est parce qu’elle est ce sentiment qui rassemble les hommes, qui les élèvent, et qui les fait véritablement accéder à l’humanité. “Est beau ce qui plaît universellement et sans concept” (Kant).

Oui je veux renverser ce système pourri et remplacer le progrès par la beauté comme maître-étalon de nos agissements sur cette Terre car ce serait redonner un regard à l’homme, c’est à dire lui redonner du discernement (beau et bon sont dans bien des langues un seul et même mot, comme kalosagathos en grec). Soit le contraire du relativisme qui en mettant tout au même plan nous contraint à ne plus rien discerner, et donc à penser qu’il n’y a rien à voir. Faire la révolution à l’envers mes amis, c’est par exemple préférer gouverner en résistant aux pressions catégorielles plutôt que de faire de la démagogie sous prétexte de démocratie, c’est préférer anoblir des sans naissance plutôt que de chercher à couper les têtes qui dépassent, c’est construire du “nous” par la nation à la place de déifier le “je” par la consommation, c’est préférer le sens du devoir désintéressé à la défense de ses droits-acquis, c’est valoriser l’esprit de sacrifice plutôt que d’inciter à la satisfaction des plaisirs immédiats, c’est promouvoir le don de soi plutôt que l’Euromillion, c’est voir en l’homme un aspirant à la sainteté plutôt qu’un consommateur, c’est vouloir lui donner le pouvoir d’être soi-même plutôt que du pouvoir d’achat. Bref c’est mettre Aristote à la place de Sartre, c’est mettre Quelque Chose à la place du Rien.

“Moi je suis non croyant !” fanforonne le jeune entre deux lattes de clope. Ah oui c’est vrai, c’est si cool de ne croire en rien.

Ben non c’est chiant. C’est chiant à se flinguer même. D’ailleurs les gens se flinguent. Se pendent. Se shootent. Se suicident. S’euthanasient dès 20 ans à la télé-réalité, au porno et au journal de 20h.

Et si demain c’était cool de croire en quelque chose ? En Dieu, en Amon-Râ, ou bien en la grandeur de la France ! Parce qu’en fait C’EST cool de croire en quelque chose. Parce que ça donne les Pyramides, Saint Louis, et du sens à la civilisation humaine. Tandis que croire qu’on est là par hasard, simple résultante logique d’une succession d’accidents de l’univers, ça donne le prozac, Flamby président, et la tuerie de Colombine. Vous avez vu à quel rythme ces tueries gratuites se multiplient ? Moi j’en ai marre de ce néant mortifère qui m’entoure et m’englue.

Et si c’était pour dimanche ?

Amis, Français, Victor Hugo dans Les Misérables aime à décrire longuement le faubourg St Antoine bruissant des armes qui se fourbissent et des barricades qui se préparent à la veille des émeutes parisiennes qui accouchèrent de toutes nos révolutions, dont celles de 1789, 1830 et 1832. Il me semble que j’entends aujourd’hui le bruissements et la même colère sourde, mais cette fois dans nos campagnes, dans nos banlieues, et dans nos quartiers chics. Et si c’était l’heure de la revanche ? L’heure de la révolution du paysan (celui qui en a marre qu’on lui dise de penser contre le bon-sens), de l’aristocrate (celui qui en marre qu’on lui dise que tout se vaut alors que sa conduite prouve le contraire), et du religieux (celui qui en marre qu’on lui dise que c’est un con obscurentitse parce qu’il croit qu’il y a autre chose a espérer en cette terre qu’une rolex et des putes de luxe). Les petits bourgeois révolutionnaires qui ont tout cassé en 1789 en 1968, ne sont plus que des bobos repus. Combien de temps aurons-nous à subir encore leur tyrannie du Vide ? Ils ne croient plus en leur république sans foi, pas plus qu’ils ne croient en leur Grand Architecte de l’Univers ou en leur laïcité dont ils sont si embarrassés aujourd’hui, puisqu’ils ne croient en rien. Ils ont le regard vide (cf. Jean François Mattei) Et ils vont disparaitre rattrapés et engloutis par le Rien qu’ils ont érigé en maître. Le nihilisme va bientôt retourner au néant auquel il appartient et d’où il n’aurait jamais du sortir.

La manifestation d’aujourd’hui est une réaction normale de gens normaux (il n’y a pas qu’un président qui puisse être normal) soudainement pris de vertige devant ce Vide qui s’ouvre sous leurs pieds et dans lequel ils ne veulent pas sombrer. Ce n’est pas une manifestation ordinaire, c’est le signe d’une prise de conscience profonde. Quelque chose en sortira surement, demain, dans un mois, dans un an. Car il y a avec moi toute une jeunesse qui piaille et qui n’en peut plus du prêt-à-penser-Canal-Plus, et qui attend que quelque chose se passe.

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32 Comments

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  • Praerupta , 22 avril 2013 @ 10 h 24 min

    Heureusement, on peut lire des analyses comme la vôtre, impitoyables mais roboratives. Si le monde agonise, l’espoir n’est pas mort en ce qu’il peut toujours mobiliser les réserves de résistance au moment où tout va craquer pour de bon. A mon sens, c’est la Beauté qui peut nous sauver, à défaut de sauver un monde qui ne se délecte plus que du laid, du sordide et du mortifère. Au lieu de patauger dans son cloaque, on peut toujours en émerger, si l’on pose ses pieds sur le socle indestructible des valeurs et des idéaux que nous ont transmis les hommes dignes de ce nom, depuis le fond des Âges. Pour ma part, je me suis construit une citadelle en concentrant mes intérêts sur les beautés du Passé : l’opéra (avec mises en scène sans asiles psychiatriques ou officiers nazis), architectures, peintures ou orfèvreries éblouissantes, témoins d’un savoir-faire disparu que les « œuvriers » anciens maitrisaient si bien, littérature antique, de Platon jusqu’à Cicéron et Sénèque, histoire antique, celle des manuels de notre enfance, sans doute idéalisée mais justement porteuse d’idéal. Et les fleurs, belles et innocentes. Autour de moi, un phalanstère d’amis qui me ressemblent. Nous sommes sur une île et y vivons, somme toute, heureux.
    Egoïsme ? Nullement : nous communions dans le même culte des beautés et des grandeurs de jadis avec ceux qui sont capables de les comprendre. Epicurisme ? Certes. Mais à goûter, l’un après l’autre, les bons et beaux moments de l’existence, on finit par faire une éternité de notre vie si courte. Ne la gaspillons pas à pleurer sur l’infamie du monde actuel, on la connaît, elle s’enfle de jour en jour. Essayons de sauver ce qui peut l’être et qui est solide parce qu’il a survécu jusqu’à nous. En attendant, bravo et merci. Je fais passer aux « miens » !

  • Sophie , 22 avril 2013 @ 10 h 49 min

    Celui qui le mieux diagnostiqué le mal qui nous ronge aujourd’hui, c est incontestablement Nietzsche : le nihilisme. Les hommes ont cru qu en se débarrassant de l idée de Dieu, en devenant eux-mêmes la mesure de toute chose, ils seront heureux… En fait, ils vivent sur terre le néant qui leur est promis après leur mort ! Ce néant, c est la transvaluation de toutes les valeurs : la justice, la verite, la bonte, la vie meme, donc tout ce qui est beau a été vidé de sens, puis diabolise. Ceux qui nous gouvernent sont des esclaves, au sens de Nietzsche. Des faibles, des decadents, des nouveaux pretres qui nous ressassent leur moraline ad naseum. Le temps est venu de la Grande Politique. Que soit venu le temps des hyper boreens !.

  • Actéon , 22 avril 2013 @ 16 h 40 min

    C’est bien beau de blâmer 1789; mais vous voulez quoi ? Revenir à la monarchie absolue ? Vu la facture du texte, vous m avez bien l air d un artiso que ça ne dérangerait guère.

    Et puis c est bien joli d enfiler des citations de philo comme on enfile des perles, mais ça fait pas beaucoup avancer les choses (vous mésutilisez complètement le “Est beau ce qui plaît universellement sans concept”, et je ne parle pas du reste). Ce n est pas en comblant les vides saillant d un texte en manque d inspiration par des citations d annabac que vous passerez pour un érudit. Quant à l orthographe, il est déplorable: si vous voulez publier un article, assurez vous au moins de le faire en bonne et due forme (obscurantisme avec un “e”, voyons !)

    Alors oui, je suis contre le mariage gay, oui, je combat l individualisme latent qui envahit notre société. Mais franchement, si c est pour avoir des gens comme vous pour porte bannière qui pleurent en regrettant l Ancien Régime (St Louis, c est pas une références. Allez voir ce qu il a fait aux Cathares, c est pas vraiment la parole du Christ) , j ai peur que le processus ne s enraye pas, mais aussi s accélère.

    Donc à bas les belles références de votre cours de terminale, à bas les “c était mieux avant”, arrêtez de vous plaindre, arrêtez de vous dire que vous comprenez tout mieux que tout le monde et faites quelque chose. Lorsque je dis “faites quelque chose”, j entends quelque chose de constructif, pas défiler pour la cinquantième fois avec ces drapeaux bleu et rose crillards.

    Vous voulez que les jeunes croient ? Faites les croire. Vous voulez que le monde soit plus beau ? Désolé de vous dire que c est pas en beuglant des slogans dans la rue que vous allez l embellir.

    Ce monde est sur le déclin. Mais si l alternative, c est vous, j ai peur de rentrer dans une sévère crise d anomie.

  • Eric Martin , 22 avril 2013 @ 16 h 42 min

    Proposez votre point de vue, nous le publierons avec plaisir !

  • Mdesplanteurs , 22 avril 2013 @ 17 h 00 min

    Je ne sais pas si c’est ” grâce à la culture française de protestation populaire née de 1789 que nous devons notre manif “. je crois surtout que c’est grâce à notre vocation, nous français, de guider les peuples vers le beau, le bien, le vrai, ( c’est à dire Dieu), à notre vocation de fils aînés de l Eglise à nous révolter contre la pagaille actuelle. c est ça notre ” spécificité génétique ” . ça n est pas rien d être le fils aîné, ça n est pas facile de donner l exemple!! Mais pourtant c est notre vocation. je ne vois pas trop le rapport entre notre “insurrection” et la révolution française. Comme le dis si bien Le Scribe, c est une Révolution à l’envers.
    Mais courage “l’Espérance est un trésor”.

  • PAD , 22 avril 2013 @ 18 h 14 min

    J’ai envoyé le mien mais vous ne l’avez pas fait, sans doute car il ne correspond pas exactement à la ligne de NDF?

  • Actéon , 22 avril 2013 @ 18 h 30 min

    Oui, effectivement, je pense comme PAD que ce site contre l’endoctrinement et la pensée préconçue ne s’ouvre pas trop aux avis qui divergent un tant soit peu de son idéologie. NDF possède une uniformité que la pensée libre ne saurait avoir.

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